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Transport Aérien

La « descente aux enfers » du trafic aérien français

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Fabrice Morlon

C’est une véritable « descente aux enfers » que décrit Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM). La reprise n’est pas au rendez-vous. Le pavillon français appelle le gouvernement à poursuivre son soutien et demande aux aéroports et à la Direction des services de la navigation aériennes de tempérer leurs velléités d’augmenter taxes et redevances.

Pour l’instant, le secteur de l’aérien français tient le coup face à la tempête. Mais pour combien de temps encore ? C’est la grande inquiétude d’Alain Battisti, président de la FNAM (Fédération Française de l’Aviation et de ses Métiers), qui s’attend déjà à une année 2022 troublée. Le redressement attendu mi-2021, n’a pas eu lieu. « Nous avons connu un été en demi teinte« , affirme-t-il, « avec septembre en recul par rapport à août »

Selon les chiffres de la FNAM, le trafic aérien en France ne représente en 2021 que 35% de celui de 2019. Entre le 1er janvier et le 30 septembre 2021, seulement 44,7 millions de passagers ont été recensés par la FNAM, contre 138,5 millions en 2019. « Quel secteur peut survivre après un tel recul ?« . Pour 2021, la branche européenne de l’association internationale des aéroports (ACI) estime une baisse du nombre de passagers à -60% en comparaison de 2019, ce qui représente 1,26 milliards de passagers en moins, et prévoit un retour à un niveau pré-pandémie pas avant 2025.

« Si le trafic domestique se tient bien malgré un léger retrait, le redémarrage est poussif » explique Alain Battisti. En métropole, sur les neuf premiers mois de 2021, le trafic aérien est en retrait de 74% par rapport à la même période de 2019. « Seulement de 74% » serions nous tentés d’ajouter au vu des résultats des autres segments de marché. « Même si c’est une estimation grossière, nous envisageons une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 60% pour les compagnies françaises en 2021 » précise le président de la FNAM.

Dans l’attente de la reprise du trafic transatlantique à partir de novembre 2021

Le trafic international est celui qui souffre le plus de la crise. Il se situe encore en dessous de la moitié de ce qu’il était en 2019. L’Algérie a chuté à 8% de son activité de 2019, les USA, le Canada et le Brésil à 18%, la Chine à 4%… L’Asie est encore fermée. L’Afrique est en partie ouverte, mais avec beaucoup de restrictions.

Tous les regards sont tournés vers les États-Unis d’Amérique qui autorisent la reprise du trafic à partir du 8 novembre 2021. « La réouverture des USA va nous permettre de voir comment se comporte la clientèle Affaires sur le long courrier. Elle est moins impactée par les nouveaux comportements », déclare Anne Rigail, directrice générale d’Air France.

L’une des craintes des transporteurs est que les aéroports ne soient pas au rendez-vous du redémarrage. « Si la reprise internationale s’accélère, nous ne sommes pas sûrs que les aéroports puissent être à la hauteur du regain d’activité« , alerte Marc Rochet qui face aux engorgements actuels se demande « comment ça va se passer à Noël !« .

« On assiste à une baisse du coupon, alors qu’on parle partout d’inflation de l’économie française », remarque inquiet le président de la FNAM.

Pour l’heure la reprise du trafic français est portée par le domestique et dans une moindre mesure par l’outre-mer. Et là, il s’agit de voyages privés et d’agrément.

Si en 2021, le trafic avec la Martinique est remonté à 50% de celui qu’il était en 2019, et le trafic avec la Guadeloupe et la Réunion, à 55%, le marché de l’outre-mer est fragile. « Nous avons connu quatre stop and go, avec parfois des arrêts extrêmement brutaux », résume Marc Rochet, directeur général d’Air Caraïbes et président de French Bee.  » A chaque reprise, la clientèle VFR (ndlr : Visiting Friends and Relatives) repart très vite et la clientèle touristique met deux à trois mois pour revenir ».

La crainte des transporteurs spécialisés sur les Antilles, la Réunion et la Guadeloupe que sont Air Caraïbes ou Corsair est une nouvelle vague. Du fait du faible taux de vaccination, l’outre-mer n’est pas à l’abri d’une nouvelle pandémie. C’est pour cette raison notamment, qu’Air Caraïbes a repoussé de trois mois la livraison de deux nouveaux Airbus A350-1000 (un aux couleurs d’Air Caraïbes et l’autre à celles de French Bee). La réception est désormais prévue en décembre 2021, mais Marc Rochet n’exclut pas un nouveau report si nécessaire.

Depuis le début de la crise sanitaire, les compagnies aériennes font preuve d’une remarquable capacité d’adaptation, à l’image d’Air France. Le trafic étant porté par le tourisme, la compagnie nationale multiplie les ouvertures de lignes vers des destinations telles que Zanzibar, Mascate, Tenerife ou Tanger, «  ce que nous n’aurions pas imaginé en temps normal. », affirme Anne Rigail, directrice générale d’Air France.

Le fret se révèle, aussi, pendant cette période critique, être une source de revenus appréciable. « Le fret représente un tiers des recettes des compagnies françaises depuis début 2021 » souligne Alain Battisti « alors que le cargo ne représentait avant la pandémie qu’environ 8% des recettes. »

Dans l’attente d’une reprise qui tarde à se concrétiser

Alain Battisti reconnaît que « l’État français a beaucoup œuvré pour aider et soutenir le secteur aérien. » Le président de la FNAM s’inquiète, en revanche, d’un arrêt brutal du soutien de l’État alors que le transport aérien est loin d’avoir retrouvé son niveau d’activité antérieur, contrairement à la plupart des autres secteurs de l’économie française. « Ce serait maladroit d’avoir soutenu l’aérien et d’arrêter tout maintenant alors que nous ne sommes pas sortis de l’ornière ».

La FNAM revendique ainsi la poursuite des dispositifs d’aides, telle l’allocation pour activité partielle, adaptées aux spécificités du secteur aérien. La fédération demande également le rééchelonnement des remboursements des cotisations sociales sur 48 mois avec un début du remboursement en 2023. « L’hiver 2021-2022 sera encore très incertain. L’échéancier de remboursement doit être adapté à nos capacités » renchérit Marc Rochet « et proportionné au rythme et à l’intensité de la reprise. »

« Pour que la reprise soit durable, nous ne devons pas être handicapés par un fardeau de taxes et de redevances« . Pascal de Izaguirre, Corsair International

« La FNAM souhaite une approche collective de la sortie de crise » rappelle Alain Battisti qui poursuit : « si chaque maillon se préoccupe uniquement de ses intérêts, la crise va se poursuivre. » Le président de la FNAM fait ici référence à la hausse prévue des taxes aéroportuaires et aux redevances dues aux services de la navigation aérienne.

« Les taxes de survol en-route vont augmenter de 44,5% en France » précise Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair International, « et les redevances d’approche vont augmenter de 39% sur Paris et 27% en province. » La FNAM demande ainsi au gouvernement de soutenir financièrement les services de la navigation aérienne de manière à ne pas taxer les compagnies aériennes. « La hausse des redevances doit être assumée par le budget de l’Etat » insiste Alain Battisti qui poursuit « dans ce contexte de reprise incertaine, il est essentiel que les taxes et redevances ne montent pas de manière à ne pas impacter le prix des billets. »

Les compagnies aériennes françaises déplorent que les aéroports et les services de l’aviation civile jouent cavaliers seuls, au moment où la FNAM se renomme « Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers » pour resserrer les rangs entre les sept groupements professionnels qu’elle représente.

Fabrice Morlon

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

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  • Question : pour participer au rétablissement des équilibres, n'est-ce pas le moment d'augmenter sensiblement le prix des billets d'avion ? Des voix se sont élevées, ici et ailleurs, pour considérer que voyager à l'autre bout du monde à vil prix était une aberration. Donc osons, les circonstances le justifient.

    Ah zut, on est en période d'élection et il ne faut pas désespérer les populations.

    Alors on oublie... quoi qu'il en coûte.

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