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Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette

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Thierry Dubois

Après avoir été cloués au sol pendant plus de trois mois, les Boeing 787 reprennent progressivement du service… avec des modifications lourdes autour de la batterie. Pendant ce temps, le NTSB cherche toujours à établir les causes de l’incident du 7 janvier.


Les compagnies Ethiopian Airlines, Qatar Airways, All Nippon Airlines, United Airlines, LOT Polish Airlines et les autres clientes du Boeing 787 reprennent l’une après l’autre leur exploitation. Boeing reprend les livraisons. Pourtant, le bureau américain pour la sécurité des transports (National Transportation Safety Board, NTSB) cherche toujours la cause de l’incident du 7 janvier à Boston sur un appareil de Japan Airlines. S’y greffe un incident survenu dimanche à la même compagnie, à Tokyo cette fois : une probable surpression dans le compartiment de la batterie.

A l’enjeu de sécurité sur les batteries lithium-ion s’ajoute un enjeu économique : cette technologie perd de son intérêt si l’on doit barder les batteries de lourdes protections en acier.

La formule lithium-ion, à capacité donnée, est plus légère. Elle est aussi plus performante : chaque accumulateur peut atteindre une tension de 3 à 4 V, contre 1 à 2 V pour les autres technologies. Ainsi, chacune des deux batteries du 787 pèse 29 kg. A comparer aux 49 kg d’une batterie nickel-cadmium sur un 777.

Or les modifications (lien : http://www.aerobuzz.fr/spip.php?article3257) approuvées par la FAA pour la reprise des vols impliquent un abaissement de la tension maximale autorisée. D’où une dégradation des performances. Pire, le surpoids engendré par les divers renforts est de 84 kg par avion. Une sacrée couleuvre à avaler pour les concepteurs des batteries sur le 787.

Au NTSB, l’enquête se poursuit. En mai, l’équivalent étasunien du BEA français a fait examiner, par radiographie et scanner, six batteries – soit 48 accumulateurs – de 787. « Nous ne savons pas pourquoi la batterie de Japan Airlines a pris feu mais en un mois nos experts ont identifié l’origine de l’incident : des court-circuits dans l’accumulateur numéro six, d’où un emballement thermique qui s’est propagé aux autres accumulateurs, » rappelait Deborah Hersman un peu plus tôt.

La chimie des batteries est délicate : un carburant avoisine son comburant en milieu fermé. Lors de l’incident de Boston, la température a atteint 260°C. Un emballement thermique peut être la conséquence de divers événements déclenchants. La plupart peuvent être contrôlés. Par exemple, le système BMS de gestion de la batterie doit prévenir toute surcharge. Mais prévenir un court-circuit interne reste hors de portée à ce jour, remarquait Daniel Doughty, président de Battery Safety Consulting, lors d’un forum organisé par le NTSB en avril. Il faudra donc trouver les technologies adéquates.

Même la phase de tests est, d’une certaine manière, inadaptée. Car les différences sont grandes entre des essais ou l’on malmène une batterie en laboratoire et les défaillances qui surviennent sur le terrain, notait Daniel Doughty. Dans les premiers, les constantes de temps sont relativement longues. Au contraire, un court-circuit interne déclenche une cinétique très rapide en termes de dégagement de chaleur et de gaz.

Une voie de progrès semble être le matériau employé pour la cathode. L’équipementier américain Concorde Battery affirme ainsi mettre au point « la formule chimique la plus sûre pour la technologie lithium-ion. » Il s’agit d’une cathode en phosphate de fer lithié (ou lithium fer phosphate), qui inhibe la production d’oxygène. La cathode n’est alors plus le comburant d’un carburant tout proche.

Le Japonais GS Yuasa, quand il a développé la cathode en dioxyde de cobalt et de lithium du 787 au milieu des années 2000, n’avait pu choisir cette option, pas encore maîtrisée.

Thierry Dubois

Fin avril, Ethiopian Airlines était la première compagnie à faire revoler un Boeing 787.
United Airlines, aux Etats-Unis, s'apprête à reprendre l'exploitation du Boeing 787.
Les protections ajoutées aux batteries alourdissent chaque avion de 84 kg.
Le NTSB cherche toujours la cause de l'incident survenu le 7 janvier sur un Boeing 787 de Japan Airlines.
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Thierry Dubois

Thierry Dubois est journaliste aéronautique depuis 1997. Ingénieur Enseeiht, il s’est spécialisé dans la technologie – moteurs, matériaux, systèmes — et la sécurité des vols. Chef du bureau français du magazine Aviation Week, il anime aussi des rencontres comme les tables rondes du Paris Air Forum. Pour Aerobuzz, Thierry Dubois couvre notamment les hélicoptères civils et des sujets techniques.

View Comments

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    --Revenir en arrière, c’est admettre qu’on s’est trompé, ce n’est peut être pas le fort de cette industrie quand on constate que, par exemple, Airbus a conservé les mini-manches non conjugués et les manettes de gaz immobiles pour ses nouveaux avions...--

    Je vois pas quel est le probleme avec les side-stick?

    ?!?

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    Dans le texte il est dit:"un carburant avoisine son comburant en milieu fermé".
    Ce qui en terme militaire décrit une bombe! Surtout si vous l'entourez d'un blindage!!

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    Outre le gain de masse, le grand interet des batteries lithium est l'absence d'effet memoire, d'ou un gain de temps en escale parce qu'on ne doit pas decharger les batteries avant de les recharger.
    Pour memoire SAFT le fabriquant francais bien connu va equiper le prochaine generation de satellites espions US avec cette technologie.

    • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
      Sauf qu'en exploitation normale on ne s'amuse pas à décharger et recharger les batteries à chaque escale. Elles restent toujours chargées.

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    Finalement, je ne comprend pas bien pourquoi Boeing ne revient pas prudemment à l'ancienne technologie au cadmium, puisqu'au final, avec toutes les protections, c'est plus lourd et qu'il subsiste un doute. Airbus a fait ce choix pour l'A350, peut être en constatant les déboires de son concurrent.
    Revenir en arrière, c'est admettre qu'on s'est trompé, ce n'est peut être pas le fort de cette industrie quand on constate que, par exemple, Airbus a conservé les mini-manches non conjugués et les manettes de gaz immobiles pour ses nouveaux avions...

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    L'ennemi n°1 de l' aviation c'est le poids.

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    Entre les batteries LiCoO2 qui a juste titre, sont réputées peu stable et le NiCd technologie cinquantenaire, il y a les LiFeO4 ( lithium phosphate de fer) qui devraient faire l'affaire, 2 fois minimum moins lourde que le NiCd avec en plus des capacités de forte décharge

  • Le Boeing 787 vole mais les batteries lithium-ion restent sur la sellette
    Bonjour à tous,
    un surpoids de 89 kg dur à avaler! Mais maîtrise t-on à 89 kg près le poids des passagers ou le poids du carburant embarqué?
    Si vraiment la rentabilité d'un avion dépend de 89kg, il est peu probable que celui-ci dégage un bilan d'exploitation positif.
    Et que dire de la sécurité, si 89kg supplémentaires affectent la rentabilité.

    Gomme arabique

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