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Le copilote débarqué

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Gil Roy

La NASA vient de confier à Rockwell Collins la réalisation d’une étude de faisabilité sur le pilotage des avions de ligne par un pilote unique. L’automatisation des cockpits et le développement du pilotage à distance des drones ouvrent effectivement de nouvelles perspectives pour le transport aérien.

Fin 2014, Rockwell-Collins a été retenu par la NASA en tant que chef de file pour son programme de recherche « Single Pilot Operation ». L’objectif est d’étudier dans quelles conditions opérationnelles, le pilotage en solo d’un avion de ligne est envisageable dans le cadre commercial. La NASA a initialement réalisé des expérimentations qui se sont révélées concluantes, d’où sa volonté de passer à l’étape suivante, en faisant entrer dans la boucle, des industriels. Curieusement, c’est la pénurie de pilotes de ligne qui est mise en avant par John Borghese, le directeur du centre de technologie avancée de Rockwell Collins pour justifier ce programme de recherches.

Depuis les années 80, le pilotage à deux des avions de ligne s’est progressivement généralisé, alors qu’ils étaient cinq dans le cockpit, dans les années cinquante. Le progrès technologique allégeant continuellement la charge de travail, la présence à bord d’autant de techniciens spécialisés ne se justifiait plus. Les systèmes de navigation (INS/GPS) et de gestion du vol (FMS) ont ainsi remplacé le navigateur. Le dernier en date à avoir été débarqué est le mécanicien navigant. Pour une génération de pilotes, ce fut un choc culturel.

Avant de ne pouvoir envisager plus qu’un seul pilote à bord, il va falloir encore réduire la charge de travail de ce futur navigateur solitaire, d’où le recours à toujours plus d’automatismes, non seulement à bord, mais également à l’extérieur, notamment au niveau du contrôle aérien par exemple. C’est à ce niveau que le projet de la NASA apparaît raccord avec le programme américain « NextGen », de contrôle aérien du futur (horizon 2025), mais aussi avec le programme européen de ciel unique SES (Single european sky).

Plus globalement, les tâches qui incombent aujourd’hui à l’OPL (officier pilote de ligne) devront être réparties, dans le futur, entre le commandant de bord et le sol. Dans sa mission, le commandant de bord pourrait être secondé par un copilote, au sol, qui aurait à sa disposition la technologie en cours de développement pour les drones. En cas de défaillance du pilote à bord, ce télépilote devrait être en capacité de poser l’avion. Les experts ont conscience que le travail en équipage, à distance, pose aussi des problèmes d’ordre psychologique et cognitif, qui constituent un volet important de l’étude en cours. Et chacun sait qu’un problème, dès lors qu’il est posé, est en partie résolu…

Comme le fait prudemment remarquer la NASA, si en aviation générale la notion de monopilote est acquise, il ne sera pas pour autant facile de la transposer à l’aviation commerciale. Outre le fait qu’il faudra que les passagers aériens acceptent de voyager à bord d’un avion de ligne piloté par un seul pilote, les experts identifient trois freins. Le premier est lié à la sécurité. Le transport aérien (multipilote) est extrêmement sûr, beaucoup plus que l’aviation générale (monopilote) : « quelle est la part du copilote à ce niveau et de quelle manière peut-il être remplacé avantageusement ? », interrogent les experts de la NASA. Le rôle du pilote de transport est plus complexe que celui d’aviation générale du fait des interactions multiples, en particulier la gestion de la cabine et les relations avec les opérations de la compagnie. Un seul pilote peut-il tout gérer et sinon, comment le décharger d’une partie de ces fonctions, voire de toutes ? Enfin, le transport aérien s’exerce dans un environnement beaucoup plus contraignant que celui de l’aviation générale. Si le second membre d’équipage est indispensable aujourd’hui, comment s’en passer demain ? C’est à toutes ces questions que vont devoir répondre les experts regroupés sous la direction de Rockwell Collins.

Il faudra encore quelques années avant que les réponses que les ingénieurs vont apporter deviennent opérationnelles, mais une chose est sûre, l’officier pilote de ligne sera le prochain navigant technique à être débarqué…

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Le copilote débarqué
    Vaste débat......
    la comparaison avec le ferroviaire est fallacieuse car un système train (ou metro) possède un état stable sécurisé atteignable à tout moment ( train à l'arrêt et alimentation électrique coupée dans le voisinage immédiat). Rien de tel en avion (le seul état sûr est au parking et sans carburant). La sécurité en avion ne repose que sur la disponibilité c'est à dire l'aptitude à poursuivre la mission vers le terrain adéquat le plus proche. A ma connaissance, il est aujourd'hui difficile de mettre en place un critère récursif (c'est à dire qui puisse être calculé par une machine) capable d'évaluer, en cas de défaillance, la bonne route vers le bon terrain pour assurer la sécurité de la mission. Je ne suis pas sûr qu'un pilote au sol (et non plus dans l'avion) soit en mesure d'apprécier la situation de manière suffisamment précise pour prendre la décision appropriée.
    Mettons nous dans la situation du vol AF447 un peu avant le crash : Le système a débrayé le PA car les automatismes étaient dans l'incapacité de piloter l'avion dans les conditions MTO du moment. Donc pour l'instant, on pense que si une difficulté intervient, on s'en remet à l'Humain plutôt qu'à la machine.
    Question : Un pilote au sol aurait-il eu une meilleure vision de la situation que s'il avait été dans l'avion ?
    A vous lire sur le sujet.....

  • Le copilote débarqué
    On ne peut pas "accepter" les drones sans pilotes et refuser les avions a un pilote.
    La technologie a supprimé le Navigateur, le radio, le mécano. pourquoi pas le commandant de bord car contrairement a Gille je pense que c'est le commandant de bord qui sera supprimé pas le copilote. D'abord parce que la différence entre un Commandant et un Opl ne repose que sur une compétence commerciale pas sur une compétence technique : les deux ont exactement les mêmes licences et il est très facile de transférer la fonction "commandement " au sol avec les moyens de communications existants.

    • Le copilote débarqué
      Vous êtes réellement un fin connaisseur et grand expert du métier de pilote pour affirmer avec autant d'assurance une telle ânerie. Les vrais pros apprécieront.

      Quand vous serez "Commandant de bord" derrière votre clavier,comme vous le suggérer, vous aurez tout le temps pour chercher un moyen de transférer facilement la Bêtise , je doute que beaucoup de Pax ne montent dans votre bel avion.

      La technologie peut supprimer des Navigants, elle ne peut rien faire pour vous..., désolé!

      Bien cordialement.

  • Le copilote débarqué
    C'est encore une absurdité promise par les ricins toujours a la recherche du profi maximum au dépens de la sécurité !!!

    1. Comme le did Christophe: 2 pilotes est un gage de sécurité optimum car 2 paires d'yeux et d'oreilles, 2 cerveaux, donc une capacité immédiate de réaction en cas de défaillance d'un système informatique ou de l'un des 2 navigant.

    2. On a beau nous annoncer que les systèmes informatiques sont fiables, c'est un leurre de penser cela car aucun système informatique n'est fiable a 100% (car conçu par un humain et donc perfectible…). Meme si on annonce 99.98%, il reste le 2%…. et la machine ne remplacera jamais l'homme pour ce qui est par moment ce qu'on appelle le réflexe instinctif qui permet de sauver des vies

    3. La tendance de robotiser tout notre environnement n'est pas une bonne chose car cela tue a petit feu notre valeur ajoutée et tue l'emploi. Personnellement je ne suis pas pour passer ma vie a parler avec une machine (et j'ai 20 ans d'expertise technique derriere moi…) et dans les aéroport ou autre je ne prend jamais la file vers la machine mais la fille vers la personne.

    4. Prendre un vol / voiture entièrement guide par une machine? No thanks, not for me? Je tiens a conserver le peu d'humanité qui nous reste avec des contact humain/humain...

  • Le copilote débarqué
    Vous êtes plusieurs à évoquer des avions sans pilotes.... Je me permet juste de vous signaler que l'on ne fait que déplacer l'humain... S'il il n'y a plus de pilotes dans l'avion (hypothèse très réaliste dans les 20 prochaines années) il y aura tjs un "opérateur" au sol pour surveiller, contrôler ou interagir avec le système.
    Le problème de la fiabilité de l'humain dans un environnement complexe n'est donc que déplacé.
    Bien sûr le volet psychologique du passagers sera un frein pendant encore quelques années, mais cela passera.
    En revanche, le volet social (grève, retard....) sera déplacé, l'opérateur derrière son écran pourra toute à fait se mettre en grève!!!
    Quand au pilote seul à bord, il y aura un gros travail FH a effectué (dialogue avec un "co-pilote sol", quid de la décision ? en cas de désaccord qui a le dernier mot?? quel est le niveau de responsabilité des uns et des autres....)

    Bref un vaste débat nous attends encore!!

  • Le copilote débarqué
    Nous sommes tous d'accord pour dire que la phase la plus dangereuse du vol est l'atterrissage (passage d'un système à 3 dimensions à un système à 2 dimensions). Cette phase peut être faite actuellement en automatique. Où est donc le problème pour passer sans pilote ? La dimension sociale, le facteur psychologique ?!
    Je me rappelle avoir vécu le passage aux commandes de vol électriques, seul l'aspect psychologique a freiné pour que l'on retire le manche d'entre les jambes pour le passer en mini-manche latéral. Les "jeunes" arrivant sur les nouvelles machines ont obligé les "anciens" à s'y faire ou à partir.
    Pilotage à un seul pilote ? Nous y viendrons, c'est dans le sens de l'Histoire tout simplement.

  • Le copilote débarqué
    Débarquer un pilote ? Pourquoi pas, mais les deux c'est mieux ! Aujourd'hui on sait faire apponter un drone, ou poser un laboratoire sur une comète, alors un gros porteur sur 3000m, piece of cake !!!
    Le dispatcher s'occupera de gérer le vol à distance.
    Pour le reste, il suffira de mettre la casquette sur la tête du CCP.
    Je confirme que pilote n'est plus un métier d'avenir. Et je me demande bien qui va payer ma retraite...

  • Le copilote débarqué
    on veut un légume qui se transforme en un quart de seconde en petit génie

    ça va pas être possible

    je pense que de toute façon on a pas encore inventé une intelligence artificielle comparable au cerveau humain on a la possibilité de faire des programmes complexes automatiques et des contrôles automatiques voir à distance ceci dit qui empêchera quelqu'un de prendre à distance les commandes d'un avion tout est possible au niveau informatique sans compter les pannes matérielles qui sont nombreuses

    l'homme a besoin de se magnifier de s'exprimer d'exister et non les machines ! ceux qui comparent un avion à un tgv n'ont pas la notion de l'aéronautique car le tgv est un système automatique qui permet de s'affranchir de la présence d'un humain à bord , celui ci tombe raide d'une crise cardiaque ou d'un simple malaise en quelques secondes l'arrêt d'urgence se déclenchera et arrêtera le train en quelques secondes en toute sécurité , le système tgv permet d'éviter toute collisions , et les rails en cas de section aussi arrêterons le train bien avant

    quand est il d'un Boeing ou Airbus en pleine tempête à 30000 pieds avec un pilote à bord au bord du malaise ?

    allons soyons sérieux !

  • Le copilote débarqué
    Ca n'a rien à voir mais certains s'étonnent que la cabine des TGV comportent encore un conducteur... Les métros s'en passent depuis très longtemps et échappent ainsi aux grêves à répétition.

  • Le copilote débarqué
    Je crois qu'on peut envisager l'ensemble du débat sous la forme d'une seule question, quelle est l'option qui vous parait la plus sécurisante ? L'homme, ou la machine ?
    La machine est rigoureuse et de plus en plus fiable, mais dans le contexte de l'aérien, et d'un point de vue personnel, j'aime à penser que l'homme n'est pas remplaçable lorsqu'il s'agit de réagir à une situation exceptionnelle et surtout imprévue. Les automatisme sont facteurs de sécurité, dans la mesure ou l'homme les supervise. Il y a beaucoup d'exemple où l'erreur humaine a causé la catastrophe, et beaucoup d'autres ou l'homme seul a sauvé la situation. Le problème posé est sécuritaire et économique, est t'on prêt à effacer l'adage "la sécurité n'a pas de prix !" ?

  • Le copilote débarqué
    Désolé les amis mais nous envoyons dans l'espace et ce sans pilote des machines qui ce pose à l' heure et au lieu souhaité sur une comète, alors moi je pense que c'est évidemment l'avenir. Il faut regarder les choses en face: les voitures automatiques arrivent, les métro sans chauffeurs cela existe depuis 20 ans, alors oui des avions sans pilote, il y en aura un jour. Nous ne ferons certainement pas partie des hommes qui verront cela mais il faut être lucide. La technologie dépassera et dépasse même déjà le cerveau humain.

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