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Transport Aérien

Le rapport australien MH370 (3/3) : retour d’expérience

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Jean-Paul Troadec

Les plus couteuses recherches de l’histoire de l’aviation civile pour retrouver un avion n’ont pas permis de localiser l’épave du vol MH370. En s’appuyant sur le rapport de l’ATSB, Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA, met en évidence les enseignements qu’il est possible d’en tirer et qui pourront contribuer à améliorer la sécurité du transport aérien. La disparition du 777 de Malaysia Airlines restera-t-elle un mystère pour autant. Rien n’est moins sûr. La société privée Ocean Infinity vient de faire une offre de service aux autorités malaisiennes.

Comme nous l’avons déjà souligné, le rapport final de l’ATSB (Australian transport safety board, bureau australien chargé des enquêtes sur les accidents de transport) a publié début octobre 2017, se concentre, non pas sur les causes de l’accident, mais sur les recherches du vol MH 370, disparu dans l’Océan Indien le 8 mars 2014, et dont la Malaisie lui avait confié la direction.

 Les recommandations

Le rapport se conclut par quelques recommandations nouvelles par rapport à celles déjà émises par d’autres organismes :

  • Que l’OACI encourage la publication systématique par les organismes en charge des recherches du retour d’expérience, comme d’ailleurs le BEA l’avait fait à la suite des recherches de l’AF447 ;
  • Que l’OACI publie des guides sur la conduite de telles recherches, ce qui existe déjà au plan européen. On aurait pu ajouter que l’OACI demande que les bureaux chargés des enquêtes se préparent à de telles éventualités par la réalisation de formations et d’exercices adaptés
  • Que les Etats assurent une rapide réaction à la perte du contact avec les avions, ce qui vise clairement le fait que, ni le contrôle aérien, ni la défense aérienne malaisiens n’ont réagi convenablement à la perte du contact avec l’avion
  • Que les constructeurs et opérateurs mettent en œuvre des reports de position fréquents en cas de détresse, ce qui fait l’objet déjà de recommandations au niveau de l’OACI

Il manque évidemment une recommandation sur la maintenance des balises acoustiques, dont l’une était périmée depuis 2012.

Et maintenant ?

Depuis la suspension des recherches au début de cette année, les travaux se sont poursuivis afin de délimiter une extension de la zone à explorer en tirant parti de l’ensemble des informations recueillies depuis la disparition de l’avion, qu’un autre rapport émanant de l’ATSB résume ainsi:

  • L’absence de détection de l’avion par les moyens sonars garantit avec un haut niveau de probabilité que l’avion n’est pas dans la zone de 120.000 km2 explorée par ces moyens, en raison de leur fiabilité ;
  • L’analyse des signaux Inmarsat, la position de l’aileron retrouvée en Tanzanie, ainsi que des récents travaux de simulation conduisent à restreindre à 25 nm de part et d’autre du 7eme arc la position de l’avion, en raison de la trajectoire de chute finale ;
  • Les derniers travaux de dérive, ainsi que l’analyse de nouvelles images de satellites, amènent à considérer comme possible une zone comprise entre les latitudes 32.5 °S et 36°S le long du 7eme arc, secteur jusqu’ici jugé comme peu plausible et situé au Nord de la zone explorée.

Les participants au groupe de travail technique recommandent donc de poursuivre l’exploration de cette zone d’une superficie de 25.000 km2.

Le secteur entouré en violet correspond à la zone explorée par des sonars ; les secteurs entourés en orange à une extension possible des recherches. A noter que cette figure est extraite d’un rapport d’un groupe de travail de l’ATSB, non pas du rapport final. © ATSB

 

Il est à noter que cette recommandation ne figure pas dans le rapport de début Octobre. C’est maintenant aux autorités politiques des pays concernés de prendre ou non la décision de dépenser jusqu’à 25 M € supplémentaires pour compléter l’exploration selon ces nouvelles analyses.

A moins que la proposition de la société Ocean Infinity faite tout récemment aux autorités malaisiennes de rechercher l’épave du MH370 sur la base du principe « no cure no pay » (c’est-à-dire d’un paiement forfaitaire seulement en cas de découverte) ne soit acceptée.

Il sera alors intéressant de savoir si la zone d’exploration envisagée correspond à celle définie par ce groupe de travail, ou si la société Ocean Infinity dispose de ses propres évaluations.

Connaîtra-t–on un jour la vérité ?

Le principal objet de ces recherches est la récupération des enregistreurs afin de connaître les causes de cette disparition. De fait, la récupération puis la lecture de ces « boîtes noires » sont susceptibles d’aider à comprendre ce qui s’est passé, mais seulement dans une certaine mesure.

Une fois l’épave localisée, les chances de récupérer puis de lire les enregistreurs sont bonnes. Cela avait été le cas pour le vol AF447 après une durée d’immersion de deux ans et un choc violent avec la surface de l’eau.

De l’enregistreur de conversations, on ne peut pas attendre grand’chose car le modèle dont était équipé l’avion ne conserve que les deux dernières heures de vol, période pendant laquelle, selon toute vraisemblance, aucun son à l’intérieur de la cabine n’a été enregistré, mais, sait-on jamais…

L’enregistreur de paramètres, de son côté, aura enregistré l’intégralité du vol. On connaîtra donc l’ensemble des actions faites sur les commandes, la trajectoire précise, l’état technique de l’avion. On pourra donc savoir si l’avion avait fait l’objet d’une prise de commande par un tiers, si la trajectoire suivie était le résultat d’une action volontaire ou d’un aléa technique, si quelqu’un était actif dans le cockpit jusqu’à la fin…mais tout cela ne nous donnera pas l’identité des responsables de cette action ni leur motivation, à moins que l’examen des corps qui pourraient être retrouvés dans le cockpit apporte des informations sur l’identité des personnes qui y étaient présentes en fin de vol.

Quelles leçons nouvelles peut-on attendre de cette découverte ?

Quoiqu’il en soit, en termes de recherches sous-marines, on peut considérer que, que l’on retrouve l’épave ou pas, les principales leçons résultant de cette disparition comme celles de l’accident du vol AF447 ont déjà été tirées. Elles portent essentiellement sur le suivi des vols et la récupération des données.

Comme on l’a vu, peu d’enseignements sont à attendre en termes de sûreté, sauf peut-être si on peut identifier les personnes présentes dans le cockpit…

La poursuite des recherches, si elle est décidée, visera donc d’abord à clore l’enquête technique par la détection d’éventuels problèmes ayant été à l’origine de cette disparition, et aussi à récupérer d’éventuels restes des victimes.

Jean-Paul Troadec

 

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Jean-Paul Troadec

Maintenant retraité, Jean-Paul Troadec a été directeur du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité aérienne), d’octobre 2009 à décembre 2013. Cette période a été notamment marquée par la conclusion de l’enquête sur l’accident du vol AF447 Rio-Paris à la suite de la récupération des enregistreurs de l’avion qui avaient séjourné 2 ans par 4.000 m de fond. Au cours de ses 42 ans de carrière professionnelle, Jean-Paul Troadec a notamment dirigé SEFA, l’école de pilotage de la DGAC maintenant intégrée dans l’ENAC et à la direction du service du contrôle aérien (maintenant la direction des opérations de la DSNA). Pilote IFR, il a effectué 2.000 heures de vols sur de nombreux types d’appareils, dont des turbomachines. Jean-Paul Troadec est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique (X67) et de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile.

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  • Très intéressant, merci pour cet article.

    A l'heure où internet sera disponible dans tout les avions, les avionneurs/autorités envisagent ils d'améliorer la détectabilité des avions en détresse et d'utiliser ces réseaux de communication ?

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