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Transport Aérien

Les carburants durables (SAF) arrivent sur les aéroports français

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Gil Roy

En France, TotalEnergies est le premier fournisseur à offrir la possibilité aux opérateurs d’avitailler avec une proportion de carburant d’aviation durable. Pour l’heure, l’offre reste limitée à l’aéroport d’affaires du Bourget, mais face à la demande des clients finaux, elle pourrait rapidement s’étendre à d’autres plates-formes. C’est parti pour les SAF !

Il n’y a plus un appel d’offres sans exigences de mise en œuvre de moyens en faveur des réductions des émissions de CO2. Tous les avitailleurs savent que sur les aéroports c’est devenu un passage obligé. Il est encore trop tôt pour que les plates-formes exigent systématiquement la disponibilité permanente de carburant d’aviation durable. Simplement parce que chacun a conscience que la demande n’est pas encore là. Mais à Clermont-Ferrand où TotalEnergies vient de remporter l’appel d’offres, c’était bien une condition obligatoire.

A partir du 1er janvier 2022, il sera donc possible d’avitailler avec un mélange incorporant 30% de biocarburant.

C’est au Bourget que TotalEnergies a mis en place une offre permanente de carburant aérien durable. L’aéroport d’affaires parisien est ainsi devenu, en novembre 2021, le premier aéroport français où il est possible d’avitailler de façon permanente avec du carburant durable. Au passage, on notera que c’est par l’aviation d’affaires que le SAF entre dans le transport aérien. De quoi faire réfléchir ses détracteurs…

Clermont après Le Bourget : les vannes sont ouvertes. Et TotalEnergies est à la manœuvre.

Les avions de dernière génération sont certifiés pour être opérés avec 50% de SAF. Les premiers clients ont opté, dans un premier temps, pour 30%. D’où l’offre mise en place par le fournisseur français. Le produit arrive sur les aéroports, mélangé et homologué. C’est le choix des européens. Aux Etats-Unis, les pétroliers préfèrent faire le mélange sur l’aérodrome et doivent donc le faire homologuer in situ.

Quant aux opérateurs, le choix de 30% plutôt que 50%, comme le permettent les certifications en vigueur, est d’abord économique. Le prix du SAF est actuellement de 4 à 5 fois celui du JetA1, voire plus. La répercussion sur les coûts d’exploitation est donc significative. On peut comprendre que les opérateurs trainent les pieds.

Outre la faible production, il y a aussi la qualité de la matière première utilisée pour produire des biocarburants durables, qui peut expliquer ce surcoût élevé. Le carburant aérien durable est produit à partir d’huiles de cuisson usagées. La collecte est chère et l’aéronautique n’est pas le seul marché. Il y a aussi le transport terrestre. La concurrence fait aussi grimper les prix. De plus, la ressource est limitée. « C’est le passage obligé pour produire du carburant aérien durable tout de suite. C’est la seule filière présentant une certaine maturité aujourd’hui », précise Joël Navaron, directeur Aviation de TotalEnergies.

Total, bien avant de devenir TotalEnergies, s’est engagé dans la voie de la décabonation du transport aérien, en participant à des essais. Au tout début, l’une des plus ambitieuses expérimentations, a été celle menée avec Air France, Safran et Airbus. Cette opération baptisée « Lab’Line », s’est étendue d’octobre 2014 à septembre 2015, sur la ligne Toulouse-Orly, à raison d’un vol par semaine, avec systématiquement le même A320, utilisant un mélange à 10%.

Dans le prolongement des Assises nationale du transport aérien qui se sont concluent sur la volonté de l’Etat français de développer une filière française de biocarburants durables, début 2020, avant donc que le transport aérien soit frappé en plein vol par la pandémie, le gouvernement a lancé un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) afin d’identifier les projets d’investissement, en France, dans des unités de production de biocarburants pour l’aviation de deuxième génération. Dès lors, les expérimentations se sont multipliées à tous les niveaux, avec TotalEnergies (qui s’appelait encore Total) en première ligne, aux côtés des compagnies aériennes, et surtout des avionneurs et des motoristes.

Si à l’issue des premières expérimentations menées au milieu des années 2010, le soufflé était retombé, cette fois-ci, il est évident que le mouvement est enclenché. Il va s’accélérer. Le programme « Fit For 55 » de la commission européenne ne laisse plus le choix. Pour atteindre l’objectif ambitieux d’une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 (par rapport à 1990), la filière aéronautique doit utiliser, dès à présent, toutes les solutions qui s’offrent à elle. Il n’est pas question d’attendre une hypothétique rupture technologique, dans quelque domaine que ce soit.

Depuis février 2008, date de la première utilisation de SAF à l’occasion du vol d’un Boeing 747 exploité par Virgin Atlantic, entre Londres et Amsterdam, avec 20% de biocarburant (à base d’un mélange d’huile de noix de babassu et noix de coco), jusqu’à aujourd’hui, IATA a comptabilisés 360.000 vols avec des SAF. En 2020, selon la même source, 50.000 tonnes de SAF ont été utilisés, ce qui représente 0,1% de la consommation totale de carburant aéronautique.

Pour mémoire, la Commission européenne a fixé à l’aéronautique civile une part de 2% en 2025, 5% en 2030 et 63% en 2050.

Récemment, à l’occasion du congrès des aéroports français (UAF), Guillaume Faury, le PDG d’Airbus n’y est pas allé par des chemins détournés pour mettre le transport aérien face à ses responsabilités. Il a clairement expliqué que les motoristes et le constructeur qu’il est, ont obtenu la certification des avions de nouvelle génération (environ 13% de la flotte actuelle) avec 50% de SAF. Ils travaillent activement à repousser cette proportion. En d’autres termes, la balle est désormais dans le camp des transporteurs.

Il n’en demeure pas moins que le surcoût est un frein, particulièrement au moment où les compagnies accumulent des pertes financières historiques. Joël Navaron tient à préciser cet aspect, en prenant pour exemple le premier vol long-courrier opéré par Air France avec du biocarburant. C’était en mai 2021, entre Paris et Montréal avec un A350-900. Un mélange incorporant 16% de biocarburant aérien durable à base d’huiles de cuisson usagées a été fourni par TotalEnergies. « Cela dépend évidemment du pourcentage du mélange, mais pour un mélange de 16%, le surcout lié au biocarburant serait de 50 à 60 euros par passager, pour un Paris-Montréal », affirme le directeur Aviation de TotalEnergies.

« En 2019, 30.000 de tonnes de biocarburants aérien ont été produites dans le monde. La production devrait atteindre 400.000 t en 2022 », précise-t-il. « Actuellement, le SAF commercialisé par TotalEnergies à partir du Bourget et prochainement de Clermont-Ferrand également, est produit dans la région marseillaise. A partir de fin 2024, une unité de production sera opérationnelle à Grandpuits, dans le sud-est parisien. La plus grande partie des 170.000 tonnes produites par an sur ce site sera acheminée sur Roissy-Charles-de-Gaulle ou Orly où se concentrera la consommation. Il sera possible, à partir de là, d’alimenter d’autres plates-formes. Nous ne le voyons pas comme une contrainte, mais bien comme une opportunité. »

En 2025, il devrait y avoir à travers le monde une soixantaine d’usines de production, soit une capacité totale de 6,5 millions de tonnes.

Pour Joël Navaron, le SAF issu de matière biosourcées sera nécessaire pendant encore de nombreuses années. Même s’il est plus cher que le kérosène, il permet d’enclencher la marche vers la neutralité carbone en 2050. Il est disponible immédiatement, ce qui laisse le temps de poursuivre les recherches vers d’autres sources d’énergie comme les eFuel ou l’Alcohol-to-jet, qui n’en sont encore qu’au stade expérimental. « Nous travaillons sur tous ces sujets. Nous ne voyons pas ces développements comme une contrainte, mais bien comme une opportunité ».

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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