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Aviation d'Affaires

Citation Mustang ou la courte histoire du biréacteur qui fit trembler les turboprop

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Gil Roy

Lancé au début des années 2000 dans la précipitation, en réaction à l’hystérie des pocket jets, le Citation Mustang a fait douter les constructeurs de turbopropulseurs. Pratt&Whitney Canada a même cru que ce biréacteur ultra léger moderne et son congénères allaient signer l’arrêt de mort de sa turbine PT6. La crise financière de 2008 a ramené tout le monde aux dures réalités économiques. Douze ans après la première livraison, Cessna arrête la production, préférant au Mustang, le M2 beaucoup plus rentable. Fin d’un rêve.

Cessna qui, en toute logique, avait bâti son business plan sur un millier d’exemplaires a finalement décidé de mettre fin au programme alors que le 470ème exemplaire est en cours d’assemblage final dans son usine d’Independence (Kansas). Depuis un moment, le constructeur ne croyait plus en son VLJ (Very Light Aircraft) et il n’a rien fait pour relancer ses ventes, contrairement à Embraer et son Phenom 100. En lançant le Citation M2, extrapolé du CJ1+, il a même poussé le Mustang vers la sortie du catalogue.

La fièvre des pocket jets

L’histoire veut que Cessna ait décidé de se lancer sur le marché du pocket jet, en juillet 2002 à Oshkosh. Cet été là, au salon AirVenture, il n’y en avait que pour les jets personnels. Une dizaine de projets tous plus fantastiques les uns que les autres se promettaient de mettre le réacteur à la portée des pilotes privés. Des avions légers en carbone, facile à piloter et pas cher. On y a cru… Cessna aussi !

Avec le Citation Mustang, Cessna a fait entrer le Garmin G1000 dans le cockpit des avions d’affaires. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Quelques mois plus tard, à la convention annuelle de la NBAA, le constructeur de Wichita dévoilait le Citation Mustang. Du haut de ses 90 ans, Cessna relevait le défi que lui lançait une nuée de start-ups toutes plus ambitieuses les unes que les autres. Son projet était un bijou avec sa petite cabine pressurisée de quatre fauteuils et son cockpit de rêve illuminé par un Garmin G1000 dont c’était la première application.

Le Turbopro killer

Cessna avait mis tout son savoir-faire dans ce Citation miniature et il était allé chercher ce qui se faisait de plus moderne comme équipement. Outre la suite avionique, le Mustang était doté de deux réacteurs PW615F développé par Pratt & Whitney Canada. Fiabilité et innovation : Cessna plaçait la barre haute pour garder à distance, Eclipse, Adam, Epic et les autres challengers.

Pour son Citation Mustang, Cessna a fait le choix du moteur PW615F développé par Pratt & Whitney Canada. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Beechcraft, Socata et les autres constructeurs de turbopropulseurs ont cru entendre sonner le glas. A la même époque, sur le marché des avions de transport régional, Embraer et Bombardier avec leurs biréacteurs de 30 à 50 places avaient mis à terre ATR. La jetmania ne faisait pas de quartier.

Le pare-brise en verre du Citation Mustang fait des envieux chez les pilotes des Citations d’entrée de gamme. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Même Pratt & Whitney Canada commençait à penser que le microréacteur PW615, qu’avait également choisi Embraer pour le Phenom 100 et Eclipse Aircraft qui avait vendu plus de 2.200 biréacteurs EA500, allait avoir raison de la turbine PT6. D’autant que Williams International proposait lui aussi un petit réacteur, le FJ33, retenu par plusieurs constructeurs de Personnal Jet à commencer par Cirrus Aircraft (SF50 Vision Jet), mais aussi Adam Aircraft (A700), ATG (Javelin), Diamond Aircraft (D-Jet), Epic (Elite), etc.

Vents contraires

Dix ans plus tard, la plupart de ces projets ont été abandonnés, ATR n’a jamais livré autant d’avions, Daher non plus. Et Cessna arrête la production de son VLJ. Les livraisons du Mustang ont véritablement débuté en 2007, quelques mois seulement avant la crise financière dans laquelle l’aviation générale dans son ensemble, dix ans plus tard, est toujours engluée. Trimestre après trimestre, les livraisons d’avions neufs ne cessent de se rétracter.

Deux réacteurs consomment plus qu’une seule turbine… © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Jusqu’à présent, seuls les turbopropulseurs que l’on avait un peu hâtivement enterrés, progressent. Il faut aussi reconnaître que Beechcraft et Daher, pour ne citer que les deux constructeurs en concurrence frontale avec le Citation Mustang, ont fait ce qu’il fallait pour que le King Air 90 et le TBM restent dans la course. Au prix de nouvelles motorisations, de nouvelles avioniques et d’optimisations aérodynamiques les deux modèles ont regagné du terrain d’autant plus facilement que l’envolée des cours du pétrole, à un moment, les a bien aidés.

Un créneau étroit

La prophétie de Vern Rayburn ne s’est pas réalisée non plus. Le fondateur d’Eclipse promettait au Personnal Jet un développement comparable à celui de la microinformatique. Il venait de Microsoft et c’était plus un spécialiste de la communication que du marketing. Il a tout de même réussi à convaincre 2.200 clients avant même le premier vol de son biréacteur ultra-léger.

Une cabine pour quatre passagers. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Les espoirs que portait le Citation Mustang se sont également envolés à l’épreuve de l’exploitation. Même s’il faut reconnaître que le niveau sonore plus faible et l’absence de vibrations rendent le confort cabine du Mustang plus élevé que celui du King Air 90, deux réacteurs pèsent plus lourd qu’une seule turbine, quand on compare les coûts opérationnels directs du Mustang à celui du TBM910/930.

Il y a eu jusqu’à une vingtaine de Citation Mustang basée en France. © Gil Roy / Aerobuzz.fr

Cessna a d’une certaine manière voulu atténuer cet écart en fixant un prix de vente sensiblement inférieur à ceux de ses concurrents. Le Citation Mustang était vendu 3,35 M$ contre 3,8 M$ pour le TBM930 et 3,6 M$ pour le King Air C90GTX. A ce prix, la marge était réduite, voire inexistante. Elle est sensiblement plus importante avec le Citation M2, extrapolé d’un modèle amorti.

Un biréacteur léger taillé pour l’Europe

Environ un quart de la flotte mondiale de Citation Mustang est exploité en Europe. Ce ratio est nettement plus important que pour n’importe quel autre modèle de la famille Citation. Trois compagnies d’aviation d’affaires l’exploitent au sein d’une flotte monotype. Il s’agit de la britannique Blink et de la française Wijet qui ont fusionné et qui à elles deux gèrent 15 Mustang. La troisième est la danoise Globeair avec pas moins d’une vingtaine d’appareils. A son échelle, le Citation Mustang tient les promesses des start-ups qui au début des années 2000 voulaient révolutionner l’avion taxi avec leur VLJ.

De cette époque, il ne reste plus que le Phenom 100EV qui devrait profiter du retrait du Citation Mustang, et le Cirrus SF-50 dont les livraisons vont enfin débuter, sur le créneau inférieur.

Il restera aussi 470 Mustang en service pour des décennies encore.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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