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Aviation Générale

Electro An 1 (1/5) – Découverte en vol du SW 128 Velis Electro

Published by
Gabriel Gavard

Être aux commandes d’un avion électrique, quel pilote ne l’envisage pas aujourd’hui ? Grâce aux Alpha Electro et Virus Velis Electro, les deux biplaces de Pipistrel, l’expérience est devenue possible, mais elle reste rare. Ouvrons cette série estivale en cinq parties avec la prise en main du biplace électrique Velis Electro, du côté de Megève.

C’est l’école Avialpes, basée à Annecy, qui nous a offert la possibilité de voler sur son Velis Electro, que lui a livré au printemps, Finesse Max, le distributeur français de Pipistrel. Les quelques jours précédents le rendez-vous de prise en main du SW 128 Velis Electro ont été consacrés à l’examen de la documentation disponible et des retours d’expérience sur le biplace et ses congénères.

Avant de prendre les commandes de tout avion, une plongée dans son manuel de vol est indispensable. Mais à l’heure actuelle, il y a bien plus à assimiler pour ne pas voler idiot en avion électrique. L’essentiel de cette documentation, où plusieurs points cruciaux sont mis à jour, sera en suite de cette prise en main, dans la deuxième partie de notre série (la semaine prochaine).

Préparations

Pour la formation théorique au SW 128, Pipistrel a mis en place une formation en ligne, dite Pipistrel theoretical CBT programme, en 19 leçons et 147 pages. Ce cursus complet, en anglais, repose sur des présentations simples clairement imagées permettant de transmettre efficacement la somme importante d’informations indispensable à l’approche des nouveaux systèmes et nouvelles exigences de l’avion électrique.

Depuis la fin du printemps 2021, le survol d’une partie du Massif du Mont Blanc est réservé aux avions électriques. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Également destiné aux pilotes de Virus thermiques, le complément de formation théorique et le support de formation en vol jusqu’au solo repose sur le « Virus Difference Training Programme » (SW-128-Difference-Training-Programme) publié par Pipistrel. La formation pratique standard consiste en quatre séances de 40 mn de vol, chacune accompagnées d’au moins 15 mn de briefing/debriefing. On constate que si la troisième séance est surtout consacrée aux pannes et la quatrième sur la gestion de l’énergie, les deux précédentes auront beaucoup été dédiées aux caractéristiques de vol du SW 128.

Velis Electro. Tour de piste standard. © Pipistrel

À ce propos, il est à noter que si le programme CBT (Computer Based Training) promeut fermement la glissade en finale si trop haut (ci-dessus), le support de formation en vol VDTP (Virus Difference Training Programme) réserve cette solution au choix de l’instructeur « suivant les capacités et la confiance de l’élève. »

L’écran crucial

L’analyse du manuel de vol est pour le prochain épisode, mais le briefing du vol d’aujourd’hui impose la présentation de l’écran EPSI (Electric Propulsion System Instrument) inconnu des pilotes thermiques, dont les trois fenêtres, ci-dessous, délivrent des informations essentielles.

SOH : « State of health » ou état de santé indique le niveau de dégradation des batteries, qui diminue leur capacité. Cet état est fonction du nombre et de l’intensité des cycles de charges/décharges, ainsi que de l’âge et de l’utilisation des batteries.

1 – compte-tours 2 – fenêtre active 3 – puissance en kW 4 – SOC : « State of charge » ou niveau de charge des batteries, correspondant au niveau de carburant dans les réservoirs. 5 – estimation du temps de vol restant 6 – messages en cas d’alerte 7 – voltages des batteries 8 – températures des batteries 9 – température du contrôleur de puissance 10 – température du moteur

1 : niveau de charge 2 : paramètres du chargeur 3 : paramètres du système de batteries de l’avion

 

Silence sur le massif

 

Le rendez-vous est à Megève, où le SW 128 Velis Electro d’Avialpes est attendu d’Annecy ce matin du 15 juin 2021 pour la première vol dans le massif du Mont-Blanc par un avion électrique. À l’heure dite, dans un discret bruit d’hélice, le biplace nous survole en reconnaissance avant de rejoindre le circuit de l’altiport. Il se pose en silence, termine la montée de la piste à bonne allure. L’hélice est arrêtée avant qu’il s’immobilise.

Tous les cycles de chargements du Velis Electro de Pipistrel sont relevés, avec le détail des températures et SOC (états de charge) en début et fin. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Sans délai, il est mis en charge. Emmanuel Rety et Jérémie Chaine, ses deux pilotes, présentent leur nouveau biplace. Le SW 128 ayant beaucoup à faire découvrir, le temps de charge est utilement utilisé.

Amandine Veluz, élève-pilote d’Avialpes, décolle ensuite avec Emmanuel Rety pour survoler la fameuse zone d’habitat naturel en vigueur depuis le 1er juin 2021, où seuls sont admis les avions 100% électriques. La « Maximum operating altitude » (limite de certification, habituellement liée à la motorisation, différente du plafond opérationnel « Service ceiling ») du SW 128 étant fixée à 12.000 ft (3.658 m), le Mont-Blanc l4.810 m) lui-même n’est pas visé.

Cette première réalisée, l’avion se repose après 50 mn de vol, avec un niveau de charge (SOC) à 35%. Il est aussitôt rebranché. Mon vol étant le prochain, j’élabore, mal servi par les informations assez contradictoires des écrans de l’avion et du chargeur, un calcul du temps nécessaire pour rejoindre les 100% aux 32 ampères indiqués. On m’avise de simplement tabler sur 1 mn = 1%. L’heure nécessaire est utilement passée au restaurant de l’altiport. La température est autour des 18°, et le vent négligeable.

Amandine Veluz, élève-pilote d’Avialpes et Emmanuel Rety, son instructeur, au retour de la première du survol du massif par un avion électrique. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Silence dans le cockpit

Emmanuel Rety, directeur général et chef pilote d’Avialpes, et moi-même, estomac plein, retrouvons le SW 128 Velis Electro, quant à lui, batteries chargées. En dépit de mon manque des souplesse, l’installation en place gauche est sans effort. La position reculée et l’épais longeron perturbent la visibilité vers l’arrière et le haut. Les palonniers se plaçant bien sous les pieds, leur réglage est inutile.

Ce moteur-là n’ayant pas à chauffer, l’amphi-cabine se déroule dans une tranquillité facilitant la compréhension.

C’est fou comme le moteur thermique est habituellement présent, réalisé-je. Si l’électrique était la norme, je gage que son assimilation serait plus pénible que l’actuelle.

La mise en oeuvre de l’avion est liée aux quatre gros interrupteurs à verrouillage alignés sur la colonne centrale, respectivement siglés Master, Avionics, Bat et PWR. Frein de parc serré, le basculement de Master active le test du vibreur de manche associé à l’AOA (Angle of attack) et chargé d’avertir le pilote de la proximité du décrochage. Cet avantageux remplaçant de l’avertisseur de décrochage est aussi présent sur le SW 121 (le Virus thermique certifié), mais celui-ci ne dispose pas de vibreur de manche. Les basculements d’Avionics et de Bat connectent radio, intercom et transpondeur ainsi que les circuits sous 12 volts, dont l’EPSI qui permet de contrôler le SOH et les températures.

 

Pour le reste, une check-list habituelle est suivie. À son terme, l’espace devant l’hélice étant libre et la manette de puissance en arrière, PWR (power) est basculé. Une faible poussée de la manette met silencieusement l’hélice en mouvement. Frein de parc lâché, l’avion avance et les contrôles habituels sont menés. Au point d’attente, la puissance est mise sur freins pour s’assurer qu’au moins 50 kW sont disponibles (la puissance max ou MTOP est de 57,6 kW @ 2500 t/mn pour 49,2 kW @ 2350 t/mn en max continu), et les températures sont contrôlées à l’EPSI.  Le moteur est coupé, un cran de flaperons sorti, le SOC à nouveau vérifié (au moins 50% sont requis pour décoller), ainsi que les deux batteries sont bien actives. Les vitesses sont annoncées : 50 kt rotation, 60 kt en montée initiale, puis 75 kt en lisse.

En piste

Le SW 128 est aligné, et la manette de puissance poussée en butée. Amplifiée par la forte pente de la piste de l’altiport de Megève, l’accélération est vive. La rotation ne tarde pas. À peine décollé, l’aiguille des kW tangente le rouge, Emmanuel Rety demande une réduction de puissance (« MTOP must be limited to 90 seconds » indique le manuel de vol, en contradiction avec cette dizaine de secondes).

Le SW 128 Velis Electro de Pipistrel au décollage. © Gabriel Gavard

La montée se poursuit autour de 500 ft/mn à 75 kt. L’intention du vol n’étant pas de rejoindre les cîmes, l’avion est mis en palier. Je retrouve les réactions immédiates et homogènes du Virus et de l’Alpha Trainer. Les flaperons induisent des effets secondaires très modérés. La commande de trim est instinctive, et sa précision remarquable.

Manche en butée arrière aux différents braquages, bille centrée, le décrochage reste symétrique avec une assiette peu cabrée, effectivement à proximité des 51 kt en lisse et 45 pleins volets publiés. Manche en avant, le biplace reprend immédiatement son vol. Attention, il accélère très vite en lisse et, fixée à 108 kt, la VNE approche elle aussi très vite.

Le palier est repris et la puissance réduite à 20 kW (le manuel de vol établit la croisière normale entre 20 et 36 kW). La vitesse se stabilise à 75 kt indiqués pour 1900 t/mn. Poussée à 36 kW, 95 kt sont indiqués à 2300 t/mn.

Retour légèrement glissé

« Rappelez-vous que vous devez débuter la descente bien avant votre destination« , prévenait le manuel de vol de l’Alpha Trainer de 2014, de voilure similaire également dépourvu d’aérofreins, mais bénéficiant d’un plus fort braquage des flaperons, d’une hélice ralentie par la compression d’un 912, et certes d’une masse inférieure de 150 kg. « Une longueur de piste d’au moins 500 m est recommandée, sans obstacle dans un plan de 3%. L’utilisation de pistes plus courtes devrait être exceptionnelle et requiert beaucoup de savoir-faire, une forte glissade en finale et cela se pratique à vos risques en périls« , insistait-il.

La tableau de bord du Velis Electro de Pipistrel bien rempli. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Le manuel de vol du SW 128 Velis Electro ne reprend pas de tels avertissements, mais ils n’ont évidemment pas manqué de me revenir à l’esprit en préparant ce vol. Tout comme l’essai dans Aviasport de l’Alpha Electro par Thierry Grun lui octroyant « le gros défaut d’une trainée insuffisante pour effectuer un atterrissage court« . Pipistrel avait communiqué à propos d’une hélice « récupératrice d’énergie » en faisant fonction d’aérofrein, mais les essais auraient montré que son moins bon rendement en traction rendait son bilan global négatif.

Pour l’atterrissage comme le décollage, le site de Megève s’avère pour le moins déplacé pour juger des performances d’un avion « de plaine ». Toutefois, la pente et la longueur de sa piste lui permet d’accueillir des avions beaucoup plus exigeants que le nôtre, et les caractéristiques de son circuit n’empêchent pas une approche à 3%. Une fois le SW 128 ainsi installé en finale à 60 kt pleins volets (65 kt max), il lui suffit ainsi d’une légère glissade pour tenir la bonne trajectoire.

L’accès aux batteries du Velis Electro de Pipistrel a nécessité de larges trappes, et pour l’arrière une ouïe de refroidissement. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Le biplace électrique ne m’a finalement pas semblé plus problématique que le l’ULM thermique. Un pilote averti… d’autant qu’il est ici très bien accompagné. Le toucher est mené en gardant la roue avant soulevée, et la montée avec un filet de Watts. Les volets rentrent, la radio est coupée et le courant fermé. Puis le SW 128 est poussé à son poste de recharge. L’électrique, ce n’est finalement pas très compliqué. C’est différent, en plus silencieux, et aussi en plus calme.

À suivre, le débriefing documenté du biplace d’avant-garde, et néanmoins certifié, de l’aviation légère électrique. Où l’on constatera que « pas très compliqué » peut être à moduler.

Gabriel Gavard

Mercredi 4 août 2021 à 9h30 – Electro An 1 ( 2/5)

« Le SW 128 Velis Electro en chiffres « .

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Gabriel Gavard

Pilote avion et ULM depuis 1984, c’est par la construction amateur et les revues techniques (Fox-Echos, qu’il a créée, puis Experimental dont il sera rédacteur en chef) que Gabriel Gavard a abordé la presse aéronautique en 1994. Rédacteur en chef d’Aviasport de 2005 à 2011 et d’ULM-Info de 2017 à 2020, collaborateur à Aerobuzz.fr depuis 2012.

View Comments

  • Moi !
    (Euh, pardon.
    Je répondais juste à la question posée en tête de cet article : Être aux commandes d'un avion électrique, quel pilote ne l'envisage pas aujourd'hui ?)

    • Ben moi si, je voudrais bien voir, par curiosité ! Faut être curieux, pour se faire une idée sur pièce. Je sais que ça marche fort, de manière silencieuse, efficace, et sans grosses vibrations. Miam. Je sais aussi que ça dure pas forcément longtemps et qu'il faut être patient pour recharger. Mais les expérimentations des Lucioles, Cri-cri, et autres pionniers m'ont démontré que ça peut marcher très fort. Mon expérience modéliste sur de gros modèles, au début du Lipo, me l'on démontré aussi.
      Ce qui m'inquiète plus, vu de l'intérieur, est la maîtrise des champs électriques provoqués par le fonctionnement du moteur, du contrôleur, et autour des accus délivrant de la puissance. (j'ai eu des ennuis avec ça)
      Pour les feux électriques, je suis moins inquiet. Ces feux sont violents, destructeurs, difficilement contrôlables, mais finalement très rares. Même en modélisme avec des utilisateurs parfois "exotiques". Les feux connus sont très spectaculaires, médiatisés, visibles. Le cas de l'avion Alice fait en effet son effet...
      Mais on oublie que des accus de technologie "LIPO", on en est cerné tous les jours et partout. Nos montres connectées, nos téléphones, nos tablettes, nos ordinateurs, nos trottinettes (pas vu beaucoup de feux...), nos vélos, et bien sûr nos voitures. J'ai croisé ce matin sur la périph' parisien nombre de "Zoé" et de Tesla pour ne citer que celles là, sans craindre qu'elles ne m'explosent au nez. Elles ne sont par ailleurs pas interdites de parking souterrains comme l'ont été les GPL jadis...
      Il faut être prudent avec ces accus, comme avec tout réservoir contenant une grande quantité d'énergie concentrée. Essence, hydrogène, etc... Faut pas fumer à coté !
      Alors non, je n'ai pas de contre indication à tester un avion électrique, pour voir.

    • +1. Moi non plus. Tant que les feux et autres accidents inexpliqués d'avions électriques ne l'ont pas été (ou les explications publiées...). Ceux qui ont vu des feux d'accus lipo de modélisme comprendront.

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