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Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas

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Gil Roy

Les usagers de la petite plate-forme du sud-est lyonnais redoutent que leur nouveau propriétaire, la Communauté urbaine de Lyon, ne veuille livrer à court terme les 100 hectares aux promoteurs immobiliers. Avec l’appui des communes environnantes et d’une association de riverains, ils tentent de monter un projet pour sauver leur terrain.


L’aérodrome de Corbas est l’un des 150 terrains qui ont fait l’objet d’un transfert de propriété de l’Etat vers les collectivités locales, dans le cadre de la loi de décentralisation de 2004. Début 2007, la communauté urbaine de Lyon est ainsi devenue le nouveau propriétaire. Officiellement, elle n’a pas encore décidé ce qu’elle comptait faire de cette plate-forme. Elle affirme étudier trois hypothèses : le maintien du site en l’état, l’urbanisation du site par le biais d’activités et le maintien d’un poumon vert. Les usagers de la plate-forme soupçonnent le Grand Lyon d’avoir déjà pris sa décision et de vouloir transformer ces 113 hectares en zone industrielle.


Leur opinion s’appuie sur aucun fait objectif, mais plutôt sur un faisceau de présomptions. La première est évidemment la localisation géographique de l’aérodrome de Corbas. Situé à une quinzaine de kilomètres du centre de Lyon, il se trouve dans le dernier secteur de l’agglomération lyonnaise qui offre encore des possibilités d’urbanisation à grande échelle. Il est desservi par une sortie d’autoroute et pourrait être d’ici quelques années, longé par le futur tracé de fret ferroviaire qui doit traverser la France. Avec de tels arguments, les parcelles se vendront sans problème.


Cette menace pèse sur cet aérodrome depuis des décennies, bien avant le changement de propriétaire. Les usagers ont appris à vivre avec. Leur inquiétude s’est toutefois accrue en 1998, lorsque l’Aviation légère de l’armée de terre a quitté Corbas après dissolution du 5ème Groupement d’Hélicoptères Légers. La présence de l’ALAT avait toujours été considérée localement comme une assurance sur l’avenir ; tant que les militaires seraient là, les promoteurs ne pourraient rien faire. Le départ du 5ème GHL a évidemment modifié la donne, mais c’est véritablement, le changement de propriétaire qui à fait prendre conscience aux usagers locaux de la précarité de leur situation. Les premiers échanges avec les représentants du nouveau propriétaire ont apparemment été marqués du sceau de la méfiance. Les premières décisions prises par la Communauté lyonnaise ne laissent rien présager de bon.


Ces mesures portent principalement sur deux points, d’une part l’actualisation des procédures d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) et d’autre part la mise en demeure de mettre les trois installations de distribution de carburant du site en conformité avec la réglementation. Les AOT sont accordées pour trois ans, renouvelable une seule fois pour une durée maximale de trois ans. Au passage, les tarifs de location ont été revus à la hausse. A titre d’exemple, la facture a été doublée pour l’aéro-club de Villeurbanne. Quant aux pompes à essence et aux cuves, du fait des nouvelles AOT, aucun pétrolier ne souhaite investir dans la plate-forme avec des échéances aussi brèves et la Communauté urbaine refuse de prendre en charge des travaux, bien qu’elle soit propriétaire de fait des installations.


En parallèle de la gestion de ces deux dossiers technico-financiers, les usagers de la plate-forme ont décidé de contre-attaquer en lançant une grande réflexion sur l’avenir de l’aérodrome de Corbas. L’objectif est d’élaborer un projet d’intérêt général afin de forcer la main à la Communauté urbaine de Lyon. Les communes sur le territoire desquelles se trouve l’aérodrome sont parties prenantes et favorables au maintien de l’activité aéronautique. Une association de riverains se mobilise également pour la sauvegarde de la plate-forme.


Dans un premier temps, l’objectif est de démontrer l’intérêt aéronautique de ce petit aérodrome à usage restreint qui regroupe toutes les activités : avions, planeurs, aéromodélisme, parachutisme, construction amateur, ailes anciennes… Dans un second temps, il s’agit de trouver l’articulation pour ouvrir la plate-forme au public. Et pour ce faire, l’idée est de rebondir sur les projets de l’agglomération lyonnaise qui cherche à valoriser des espaces naturels dans sa périphérie.


Aviateurs et élus locaux ont lancé une réflexion sur la manière de transformer les cent hectares de l’aérodrome de Corbas en un parc vert à thème aéronautique. Certains évoquent, en particulier, la possibilité de créer un parcours ornithologique avec des postes d’observation pour permettre aux visiteurs de découvrir l’importante faune aviaire présente sur le site. Des pistes cyclables pourraient aussi être aménagées et être connectées au réseau que met en place actuellement le département du Rhône. L’aérodrome deviendrait dès lors un but de randonnée cycliste. Dans les anciens hangars de l’ALAT d’autres voudraient développer des ateliers de conservation du patrimoine aéronautique à destinations des plus jeunes. Tous ces projets ne sont d’ailleurs pas antinomiques.


Cet été, les réunions se sont multipliées sur l’aérodrome de Corbas afin d’élaborer une stratégie. Elles ont regroupé les dirigeants des différentes associations du site et des représentants des communes. Un premier état des lieux est en cours de réalisation afin de présenter la richesse de l’offre. Mais il est indispensable que très rapidement une petite structure opérationnelle se mette en place. L’expérience l’a démontré dans les affaires récentes, les projets de sauvegarde d’un aérodrome doivent être pris en charge par une équipe resserrée sous la direction d’un animateur qui ne compte pas son temps. A Colmar, le dynamique président de l’aéro-club avait cédé sa place pour s’occuper à temps complet du dossier de la défense du terrain. L’une des conditions indispensables de la réussite est également que tous les usagers partagent le même objectif et aillent dans le même sens. Cela implique que les uns et les autres aient l’intelligence d’oublier leurs querelles personnelles afin d’unir leurs forces et de présenter un front uni.


A ce stade, le point essentiel est aussi de déplacer ce dossier du registre technique vers le domaine politique. Il faut faire jouer les influences. Et à Corbas, cela apparaît d’autant plus aisé, que les élus locaux ont pris fait et cause pour l’aérodrome. Il ne faut pas oublier non plus que le Grand Lyon est redevable à Corbas d’avoir accepté d’accueillir sur son territoire un centre pénitentiaire dont aucune autre ville ne voulait. La mise en service est imminente. Sans attendre l’inauguration officielle, le maire entend bien le rappeler à ses collègues de la Communauté urbaine. La partie est serrée, mais l’aérodrome a des atouts dans son jeu.


Et si malgré tout, ce champ d’aviation qui fait partie du patrimoine local disparaît, la mairie devra s’employer à rebaptiser une grande partie de ses rues. Elle pourra toujours garder l’allée Saint-Exupéry et l’allée Roland Garros. Un écrivain et un stade de tennis ! Ca parlera peut-être encore aux générations futures. Mais qui expliquera aux gamins de Corbas pourquoi le boulevard s’appelle Jean Mermoz, et les allées des lotissements Nungesser, Coli, Bolland, Guynemer, Guillaumet, Ader… La France est le berceau de l’aviation et à son niveau Corbas et surtout Lyon ont joué un rôle dans cette aventure qui est loin d’être finie. C’est le moment de s’en souvenir aussi.

Gil Ro

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas
    Après avoir lu les précédents commentaires, je suis atterré de savoir que le site de Corbas risque de disparaître au profit de promoteurs immobiliers alors qu'il est d'un très grand attrait pour l'aviation civile légère .
    Je viens de m'y rendre et j'en reviens tout émerveillé par ce qu'il abrite de nôtre patrimoine de cette AVIATION LEGERE civile et militaire, qui ne doit pas disparaître... Pour de vils projets d'immobilier !!!...
    Depuis toujours j'ai été passionné par les avions, mais c'est mon frère cadet qui a pu y accèder en tant que militaire puis en terminant sa carrière en étant commandant de bord à la célébrissime compagnie qu'est AIR FRANCE !!!

  • Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas
    il y a différentes possibilités pour rendre un terrain attractif, mais ce n'est pas en faisant de la pub pour un constructeur de moteurs ( sauf s'il verse une subvention ) que l'on peut faire avancer le problème.
    en premier, voir de quelle façon il peut être ouvert à la CAP sans restriction..;un argument ( comme un autre ) vous déchargez le trafic sur Lyon
    ensuite, vous voulez y adjoindre d'autres activités extra-aéro, peut être, mais il faudra que les avions soient équipés de silencieux efficaces,je vois mal des tenismann jouer avec des moteurs qui leur sifflent dans les oreilles, et bien sur, même avec silencieux, prévoir un circuit de piste éloigné !
    cela fait beaucoup de choses, mais vous avez raison de soulever le lievre, gouverner, c'est prévoir, pour avoir voulu fermer les yeux sur le danger, Romilly s'est retrouvé à Troyes ! et je ne parle pas de Thionville qui est en sursis.

  • Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas
    Corbas est un terrain que je ne connais pas mais je l' ai survollé à deux reprises pour des touch and go. Je le trouve plus qu' interéssant de par les activités qu' il regroupe, qui en font une plate forme riche de potentiel pour le futur.
    Futur aéronautique evidament mais aussi d' ouverture aux autres comme suggeré dans un magazine dedié aux ULM et aéronefs legers bien connu des FANAS .
    Il proposais d' ouvrir nos terrains à de nouvelles activitées comme les kermess, fetes patronales, les rassemblements de véhicules anciens autos motos, foires fouilles, salon du livre et de la BD etc etc , d' y amenager deux cours de tenis un de basket et de les impliquer intimement dans la démarche de préservation de l' espace vert et écologique que représante un terrain gazonné.
    Toutes ces nouveautés en dehors des pistes et voies de roulement bien sur.Mais une fois presèrvé l' integrité aéronautique des installations , pouquoi pas?
    Plus il y aura de personnes interessées, plus il y aura de défenseurs. Qu' en dite vous ?

  • Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas
    Cet aérodrome fait parti du patrimoine non seulement local mais aussi national et il doit VIVRE, ces requins de promoteurs immobiliers n'on qu'à aller voir ailleur

  • Inquiétude sur l’aérodrome de Lyon-Corbas
    l'aéroclub de Villeurbanne , mes premiers vols , mon lâcher , mon brevet dans les années 80 , le rallye , les DR 400 , un TB 10 , HR 100 , ATL , que de souvenirs , ne laissez pas partir Corbas !!!
    a plusieurs reprise les penseurs voulaient nous grignoter ou nous manger , l' autoroute est un bon exemple de grignotages , ils voulaient même éclairer l'échangeur avec des mats gigantesques...
    merci Gil Roy , ancien du club .

    GG

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