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Aviation Générale

Les moyens aériens pouvaient-ils sauver Notre-Dame de Paris ?

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Frédéric Marsaly

Une des premières réactions à l’annonce de l’incendie qui a ravagé cette nuit la sublime cathédrale Notre-Dame à Paris fut celle du Président des États-Unis appelant de ses vœux l’engagement d’aéronefs bombardiers d’eau afin de combattre le feu qui alors dévorait la charpente en bois de l’édifice. Dans la soirée, beaucoup de messages sur les réseaux sociaux ou de réactions parmi les spectateurs montraient un certain étonnement à l’absence de moyens aériens de lutte contre les incendies.

Très rapidement les pouvoirs publics, les pompiers de Paris, la direction de la Sécurité Civile et de nombreux journalistes ont tenté de répondre clairement à ces interrogations.

Quelques points essentiels :

Les avions de lutte anti-incendies français sont basés à Nîmes pour des raisons évidentes, à 317 nautiques de l’incendie. Entre le délai nécessaire pour la mise en œuvre des avions et la durée du vol, seul, peut-être le Dash 8 aurait-il eu le temps d’arriver à Paris avant la nuit aéronautique (vers 21h10 ce lundi).  Mais pour faire quoi ? Larguer sur la charpente en feu et participer à la disloquer, avec comme conséquence immédiate de risquer de briser la voute et de fragiliser encore plus la structure de la Cathédrale ?

N’oublions pas que l’efficacité du largage d’un bombardier d’eau vient, dans un tout premier temps, de l’énergie cinétique de la masse d’eau, de sa puissance qui « souffle » littéralement les flammes avant que l’eau ne commence même à les refroidir. Ce mode d’action est clairement incompatible avec une action contre un bâtiment précieux.
l’énergie dégagée par un largage de 6 tonnes par un Canadair volant à 100 kt, c’est 8 millions de joules. On imagine aussi la pression au m² à l’endroit de l’impact…

Largage de six tonnes d’eau, écopées sur la Seine aux Mureaux, à la Ferté-Alais en 2016. Une action massive et efficace contre les feux de forêts, destructrice autrement. © F. Marsaly/Aerobuzz.fr

Ajoutons à cela le risque d’envoyer des débris un peu partout autour et d’étendre peut-être l’incendie aux bâtiments avoisinants. Nous n’évoquons pas plus la présence des pompiers en action qu’il aurait fallu faire battre en retraite pour éviter les risques (un largage de bombardier d’eau peut tuer directement ou par projection des débris), la faible surface de la cible, les obstacles aériens, la nuit. L’utilisation d’un avion bombardier d’eau est clairement et définitivement une fausse bonne idée.

Néanmoins, au cours de leurs histoires, des avions de lutte anti incendies sont déjà intervenus sur des feux industriels, sur des bâtiments et même des véhicules en flamme sur l’autoroute, ce qui prouve que ces appareils ne sont pas forcément cantonnés aux feux de forêt mais les sinistres ainsi traités n’étaient pas des cathédrales historiques qu’il fallait préserver absolument.

Et les hélicos bombardiers d’eau ?

Des questions se sont levées aussi sur le rôle possible des voilures tournantes et éventuellement des hélicoptères bombardiers d’eau (HBE). Si la Sécurité Civile dispose de deux EC-145 Dragon à Issy les Moulineaux, ils ne sont pas équipés de dispositif de largage d’eau car cela ne fait pas partie de leurs missions. Les HBE en France relèvent d’entreprises privées sous contrat avec les conseils généraux des départements du sud de la France pour des mises à disposition saisonnières.

Même si un appareil disponible et équipé, avec un équipage qualifié, avait été autorisé à intervenir on en revient aux difficultés des opérations en milieu urbain et nocturnes. On peut aussi se poser la question de l’intérêt des largages, pour les raisons expliquées plus haut, en ajoutant que parfois, sur les machines les plus puissantes, le souffle du rotor peut attiser les flammes ou éjecter des débris.  Là encore, ce qui est acceptable pour une forêt en feu l’est moins sur un bâtiment aussi précieux.

Reste le cas des HBE équipés d’un canon à eau comme certains équipementiers en proposent. Auraient-ils pu se rendre utiles ? Nous n’avons pas de réponse définitive.  D’autant qu’aucun appareil ainsi équipé ne semble être disponible en Europe.

Un EC-225 équipé d’un canon à eau Simplex SkyCannon Model 516, un type d’équipement qui risque de faire beaucoup parler de lui ces prochaines semaines. © Simplex Aerospace

Les drones alors ?

Si les moyens aériens d’intervention n’ont donc, de façon tout à fait justifié, pas été engagés sur le sinistre, les drones légers ont été utilisés et il ne fait guère de doute que ces appareils munis de caméras thermiques vont jouer un rôle essentiel dans les opérations à venir, pour localiser, aider à traiter les foyers résiduels et dresser un état des lieux des dégâts.

On peut aussi imaginer que certains projets de drones porteurs de lances pourront trouver là de nouveaux arguments commerciaux, comme Aerobuzz s’en était fait l’écho, mais il faut se rendre à l’évidence, aucun largage de bombardier d’eau ne sera jamais d’une quelconque utilité sur un sinistre touchant un bâtiment de cette nature.

Frédéric Marsaly

 

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Frédéric Marsaly

Frédéric Marsaly, passionné par l'aviation et son histoire, a collaboré à de nombreux média, presse écrite, en ligne et même télévision. Il a également publié une douzaine d'ouvrages portant autant sur l'aviation militaire que civile. Frédéric Marsaly est aussi le cofondateur et le rédacteur en chef-adjoint du site L'Aérobibliothèque.

View Comments

  • Boudiou ! Ca cause dans le micro-cosme aéro !
    A quand le think tank (à ne pas confondre avec le water tank) qui va phosphorer (mais pas trop, car le phosphore est très inflammable) sur la définition du meilleur moyen d'extinction des feux qu'on baserait à Orléans (centre de la France et où ya déjà une base aéro) pour intervenir en moins de 10min sur n'importe quel incendie de patrimoine historique ou de fort intérêt français ?...
    J'ai en tête quelques noms : S Berne, pour traiter des drapeaux, Dieu pour le sauvetage des pauvres âmes, Quasi MODO, pour domestiquer les esprits mâles faisant, le Général BIZARD, pour mobiliser et assurer la permanence des troupes, et l'ingénieux Ingénieur TOURNESOL, qui retournerait le sol pour que l'incendie se propage dans le bon sens, du haut vers le bas et qu'on puisse l'atteindre par des moyens terrestres...
    My two cents.

    PS : Je suis volontaire pour contri-buée, car je sais que lorsqu'il y a de la buée il n'y a pas de départ de feux.

    • Un éditorial qui fait la part entre la techno, l'intelligence collective et le rationnel indispensable à la gestion d'une situation d'urgence. A. Montaud connaît son sujet car c'est le cœur de son quotidien : relier les technos aux hommes de l'art, où la cobotique, le deep-learning sont des apports triviaux.
      Je vous invite à apprécier son angle de vue = https://www.thesame-innovation.com/60-cm-ont-change/

  • George Sand disant : "Une éducation, qui ne consulte jamais les aptitudes et les besoins de chacun, ne produit que des idiots". Peut-être que certains n'ont peut-être pas eu la chance que l'on s'assure de leurs aptitudes et de leurs besoins.
    Or, le journal "Les échos" a rédigé un bon article sur le feu, qui reste compréhensible au profane. Restera à leur faire admettre la "maladresse" de leurs propos initiaux.
    https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/notre-dame-comment-les-pompiers-ont-gagne-la-guerre-du-feu-1013461

  • Réponse à lejys
    Vous paraissez sincère et convaincu mais je pourrai être en mesure de contrer votre commentaire sans le moindre problème surtout si vous êtes concerné sur le plan professionnel.
    Rien n'est plus néfaste que les certitudes
    Cordialement

  • J'ai lu avec attention les commentaires précédents, il y a à boire et à manger, raison pour laquelle je tiens à m'exprimer également pour confirmer qu'il y a 40 ans, à l'époque où les Pompiers de Paris possédait encore leur propre hélicoptère, quelque chose aurait été tenté dès la réception de l'alerte.
    J'ai eu l'occasion à cette époque d'éteindre un feu industriel .On aurait pu sauver la cathédrale si on avait adopté les nouveaux moyens dévolus à ce type de secours. Facile de dire cela après mais c'est ma conviction profonde après avoir passé 35 années au service de la Sécurité civile.
    D'autres bâtiments historiques sont également en danger, je ne citerai que le Mont Saint Michel surtout un jour de grande marée. C'est notre Histoire qui disparaît ainsi, mais demain, sur une centrale nucléaire, ce sera notre avenir.

  • N'est il pas normal voire règlementaire d'avoir des scenarios d'attaque deja prêts pour ce genre de risque avec toutes ces questions techniques déjà répondues a l'avance par des experts.

    Avec une charpente de cette nature, le risque "feu" était evident non ?!
    Donc 2 questions de posent :
    1- Quel était le système de detection étudié et validé avec le concours de professionnels et les pompiers ?
    2- Quel était le scenario prévu pour attaquer ce feu de charpente en accord avec la caserne locale ?

    Un moment avec ces richesses est assuré. La compagnie d'assurance a du réclamé de telles garanties.

  • Bonjour
    Il y a de nombreux départ de feux lors des travaux sur les toitures : soudures au plomb , braséro , disqueuses , chalumeaux divers ........
    Donc petite question : Pourquoi la détection incendie a si mal fonctionné et/ou pourquoi n'y avait-il pas de veille incendie par des rondes rapprochées dans un lieu de tous les dangers surtout après une première alarme ?
    Il n'est précisé nul part la présence de colonnes sèches ou mieux humides dans ce cas pour attaquer le feu le plus rapidement possible , chaque minute compte en cas d'incendie .
    Un temps de 20 minutes entre la première détection et le début de l'incendie , c'est une éternité pour un feu qui a le temps de prendre toute sa force ........

    Cela frise l'incompétence notoire dans notre monde sois disant hautement technologique bardé de plein de règlements pour prévenir les incendies .
    Salutations

    PS: Personne ne parle des fumées hautement toxiques qui s'échappaient du brasier dans lequel il y avait les 250 tonnes de plomb fondu de la toiture .
    Ce qui donnait la couleur jaune ....... Une pollution énorme qui semble n'avoir ému personne aussi bien chez les autorités que cher les écologistes .

  • A propos, je n'ai entendu ou lu aucun commentaire faisant allusion au plomb qui servait de toiture. 200 tonnes, je crois !!! fondues certes ou peut-être évaporées en partie avec la fumée ? d'ailleurs pour du bois TRÈS sec qui brûle j'ai trouvé que la fumée était bien épaisse et jaunâtre par moment.
    Voilà bien pourtant une pollution infiniment plus grave que celle des gaz d'échappement, n'est-il pas ?

  • Même ici on voit des commentaires café du commerce...
    Et des "la France est entre les mains d'incompetents"...

  • Jean Mi,
    En effet vous n'êtes pas clair....Cela vous fait peut être " reviser vos chiffres romains" mais la syntaxe pour prétendre écrire des phrases compréhensibles, devrait elle aussi être réviser....

    • Désolé, je n'ai pas été clair, j'y ferais attention.
      Quand je disais : "Lâcher 200 litres de flotte, c’est lâcher 200 kilos sur une charpente en bois vieille de 850 ans et des voutes en pierre fines… Effondrement immédiat ! ", je pensais bien largage en une fois, comme le font les canadair (voir la photo) ou les hélicos en opération "pompier". Donc de façon localisée, plouf.
      Je ne pensais en aucun cas arroser la totalité de la toiture en feu avec ces pauvres 200 litres bine étalés... qui n'auraient absolument rien fait. Bon, c'était pas clair.
      Je suis passé devant Notre Dame hier, ça fait quand même bizarre de la voir sans son toit. 850 ans d'histoire disparus en quelques heures...

  • Oui un hélicoptère bombardier d'eau avec intervention rapide sur la flèche aurait pu sauver la toiture ; la flèche n'aurait peut être pas supporté le choc . Personnellement cette flèche a été rapporté au 19 ème siècle et je n'en vois pas vraiment l'utilité architecturale . Mais la reconstruire on sait faire !
    En tous cas travailler dans les tours de la défense en sachant qu'aucun moyen aérien n'existe en cas d'incendie , ça fait froid dans le dos.

    • Ce n'est pas exact, dès le départ il y eu une flèche, assez proche de celle imaginée par Viollet-Le-Duc mais en un tout petit peu plus imposante.

      La première flèche avait été construite au-dessus de la croisée du transept au XIIIe siècle, vraisemblablement entre 1220 et 1230. Cette flèche d'origine était un clocher, qui comportait au XVIIe siècle jusqu'à cinq cloches.
      Sous l'action du vent, elle commença à s'affaisser au milieu du XVIIIe siècle, puis fut démontée de 1786 à 1792, après plus de cinq siècles d'existence.

      Viollet-Le-Duc finalement n'a fait que remettre l'unité architecturale dans son concept de départ

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