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L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale

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Bruno Rivière

Les grands débuts de l’aviation commerciale à travers le monde ne finissent pas de révéler leurs intrigues. Avec « La Compagnie Générale Aéropostale, les autres lignes » (éditions Privat) voici qu’on découvre les aventures parfois peu banales de ces fameuses « autres lignes » qu’étaient Latécoère, l’Aéropostale, la Compagnie transafricaine d’aviation, Aeroposta Argentina, etc. Une fameuse leçon d’histoire.


Nos enfants traverseront-ils l’histoire des débuts de l’aviation avec pour seule référence la « ligne Mermoz », cette fabuleuse ligne qui reliait la France à l’Amérique du sud à la fin des années 1920 ? Rien n’est moins sûr ! C’est du moins ce que pense Jack Mary qui publie actuellement chez Privat une synthèse historique consacrée à « La Compagnie Générale Aéropostale, les autres lignes ». Membre de l’association « Mémoire d’Aéropostale » et de « Toulouse Montaudran Mémoire d’avenir », Jack Mary raconte – et réhabilite – les raids de reconnaissance des héros parfois oubliés qu’étaient les pionniers et pilotes de Latécoère, les Paul Vachet, Didier Daurat, Gaston Chenu et autres Marcel Bouilloux-Lafont.
Non, Mermoz et Saint Exupéry n’étaient pas seuls à l’époque ! Preuve en est, les premières exploitations commerciales des lignes aériennes notamment sud-américaines étaient souvent réalisées par des pilotes argentins, boliviens ou vénézuéliens. On lit l’ouvrage comme on écouterait un enregistrement original de messages TSF diffusaient entre les deux Guerres : phrases courtes, entrecoupées de brefs signaux de morse, évidemment quelques « fritures » sur les lignes ! Le récit est bourré d’anecdotes inédites. Ecoutez plutôt : « Face à des problèmes de sécurité, la direction de la CGEA, Compagnie Générale d’Entreprise Aéronautique (Latécoère) doit trouver des solutions, au moins provisoires. Tout d’abord, on fait stationner à Alicante et à Oran des vedettes de dépannage prêtes à intervenir en cas d’amerrissage forcé. Ce sont trois médiocres et déjà vieux navires construits entre 1916 et 1918. […] La direction est amenée à suppléer les émissions radio au moyen d’un système utilisé pendant la guerre : l’emploi de pigeons voyageurs. […] A chaque tête de ligne est embarqué sur l’hydravion partant un petit panier contenant quatre pigeons provenant du colombier d’Alicante et quatre d’Oran. » (page 53).
Ecoutez aussi cette précision, rapportée par Paul Vachet de retour de reconnaissance en Patagonie en 1929 à bord d’un Laté 25, qui remplace son vieux Breguet 14 : « Les terrains reconnus ne présentent pas de difficultés majeures et les travaux d’aménagement et de construction peuvent être rapidement menés à bien. Il reste néanmoins un danger permanent, le vent. Des dispositions spéciales sont étudiées, telle celle de ne pas voler lorsque le vent dépasse les … 130 km/h. » (page 118).
Ecoutez encore, nous sommes en 1930 quelque part au Venezuela. C’est l’époque des monomoteurs Laté 28 pouvant transporter jusqu’à huit passagers : « Le directeur d’un centre de production de pétrole a demandé la création d’une escale. Le peu de trafic passagers escompté engendre la mise en place d’une escale facultative. A l’extrémité d’un terrain sablonneux, proche des puits de pétrole, un mât est installé, en haut duquel est hissé un drapeau rouge lorsque l’aviateur doit prendre un ou des passagers. Lors de chaque vol, le pilote vérifie, à basse altitude, s’il doit poser son appareil sur le terrain ou peut continuer son trajet. » (page 171) Succulent aussi, cette histoire de livraison par bateau d’un Laté 28 au port de La Guaira (Venezuela) en avril 1930 : pour gagner du temps, il est tout simplement décidé de remonter l’appareil directement sur la plage… et de procéder aux essais en vol à partir de cette même plage ! (page 162).

Pour parfaire son ouvrage, Jack Mary a réuni des dizaines de photos et documents, dont certains doivent faire frémir certains jeunes pilotes habitués au désormais « tout-électronique-et-tout-électrique » de leurs avions. Un exemple (page 58), intitulé « conseils aux aviateurs » : « Ne partez qu’avec un avion en parfait état de fonctionnement. Prenez soin d’avoir une trousse d’outillage complète et en parfait état. Emportez les pièces de rechange dont le remplacement peut être effectué par vous grâce aux moyens du bord. Munissez-vous de trois bonnes cordes et de trois grands sacs qui, remplis de sable ou de pierres, vous serviront à amarrer votre appareil, ceci pour le cas où le terrain sur lequel vous vous poserez ne possèderait ni hangar ni alvéole… ».
Enfin, pour les amateurs d’authentiques histoires, l’auteur revient sur les créations de compagnies telles qu’Air France, Air Afrique, Sabena, Aéromaritime… On comprend dès lors beaucoup mieux pourquoi certaines vivent – survivent ? – encore, et pourquoi d’autres ont disparu du paysage.

Bruno Rivière

Octobre 1930, aérodrome de Maracay
Le Breguet 14 n° 118, avion « fétiche » de Paul Vachet
Montage du Latécoère 28 n° 912 sur la plage de Puerto Cabello.
La Compagnie Générale Aéropostale, les autres lignes
Le 1er janvier 1929 : inauguration de la ligne Buenos Aires-Asunción.

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Bruno Rivière

Reporter photographe par passion, Bruno Rivière a assuré la rédaction en chef d’Aéroports Magazine pendant près de 25 ans. Il a également enseigné le journalisme en faculté. Spécialiste du transport aérien, il a rejoint Aerobuzz en janvier 2011. Bruno Rivière réalise des reportages et des recensions de livres.

View Comments

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    Le succès des contes de fée, c’est comme au gré des mots une l’histoire qui s’agence dans notre imaginaire. C’est la lecture elle-même, c’est le récit qui prend corps au fil de son récit. C’est des lieux, des temps, des événements, dans un monde extraordinaire. On se passionne pour le héro de conte, on le vénère, on le jalouse. C’est comme si nous avions besoin de cela pour nous évader du quotidien de notre vie. Les histoires mignonnes adoucissent notre quotidien. Les livres aident ainsi, tout comme les fêtes, à créer des couleurs vives que la nature n’aurait pas inventées. Le héro est souvent orphelin, abandonné, rejeté, miséreux. Il se bat et il réussit toujours. Le héro, c’est Youri Gagarine, un fils de fermier, un ouvrier lui-même ainsi choisi, envoyé dans une capsule autour de la terre et qui revient vivant. La fin est belle, toujours, je crois.

  • Rectifions
    Vous écrivez :
    les raids de reconnaissance des héros parfois oubliés qu’étaient les pionniers et pilotes de Latécoère, les Paul Vachet, Didier Daurat, Gaston Chenu et autres Marcel Bouilloux-Lafont

    Bonsoir,

    Le livre est effectivement une réussite et réhabiliter les noms de héros oubliés, c'est louable, mais votre texte laisse entendre que Marcel Bouilloux-Lafont était un "pionnier et pilote de Latécoère"... quand il était tout simplement le créateur et le patron de l'Aéropostale. Rien que ça.

    Cordialement

    Philippe Ballarini

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    Aujourd'hui les mots courage, volonté, abnegation, n'apparaissent plus que sur les feuilles glacées des derniers dictionnaires...ils ne font malheureusement plus parti du vivant. C'était l'époque des "grands" de l'aviation, ces hommes visionnaires qui n'hésitait pas à braver leurs peurs, leurs doutes face à des situations inédites jusqu'à lors. C'était le temps ou un seul mot prenait tout son essort, un mot porté comme une médaille offerte aux plus
    méritants : le mot " héros..."

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    Oui vous avez tout à fait raison! C'est beau, c'est joli à raconter en famille.
    Mais ce sont entre autre des gens comme vous qui, de par leurs besoins de sur sécurité, de rendements, de standardisation et de sureté ont créer une société dans laquelle avoir des couilles est éliminatoire.
    Une société où voler sur turbine nécessite minimum 700 hdv, une société ou monter ses heures est un vrai calvaire où les mots responsabilité et engagement n'existent qu'au pret d'un assureur.
    Le métier de pilote tel qu'il est exposé n'existe plus, tout comme le métier d’Ingénieur n'existe plus. C'est simplement un constat, la seule solution est d’être novateur dans un domaine où la législation n'a pas encore contraint, où les règles ne sont pas dictées par la masse et que cela ne colle pas encore à un model économique.
    Mais voila, je suis nez trop tard pour espérer faire un métier complet comprenant la technique, la navigation la communication et bien sur le pilotage. Désormais, c'est procédure et AP sur ON. Vouloir penser ou réfléchir est illusoire et dangereux aux yeux d'une hiérarchie couverte par une trentaine de parapluie réglementaire (dont le summum est la DGAC).
    L'ancienne époque (de l'aviation) n'est tout simplement plus accessible au plus jeune, ce ne sont pas les jeunes qui ont changé.

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    Bravo a Jack qui a su avec le talent que je lui connais d'avoir fixé cette période exaltante mais aussi dangereuse, afin que les hommes qui l'ont réalisée ne tombent pas dans l'oubli car ils etaient de véritables héros.

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    C’était le temps ou être pilote était une vraie vocation et un métier aux multiples facettes, raison (entre autres) pour laquelle l'uniforme était un bleu de chauffe.
    La motivation de ces gars là n’était pas de faire une carrière dans la ouate avec des conditions de travail dorées sur tranche (comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui) mais de relier les hommes, comme disait St Ex le poète...
    C'etait aussi le temps des chefs visionnaires et respectés.
    Les "bébés Mermoz" de notre compagnie nationale, qu'ils soient pilotes ou directeurs, feraient bien de s'en inspirer plus souvent pour sortir des ornières dans lesquelles ils se sont eux-memes embourbés.

  • L’histoire authentique des lignes méconnues de l’Aéropostale
    Et oui, en plus d'être bon "manoeuvrier d'aviation" , il fallait du bon sens , des connaissances en mécanique et surtout des coui....grosses comme ça.

    Une autre époque...

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Bruno Rivière

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