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Culture Aéro

Retour aux fondamentaux pour quatre pilotes d’ATR72

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Gil Roy

Début décembre 2006, un équipage d’Airlinair a convoyé un ATR72-500 de Tahiti à Toulouse en 11 étapes et 59 heures et 30 minutes de vol. Les coulisses de ce périple de 8 jours à travers plus de la moitié du globe réalisé par quatre pilotes, un technicien et une hôtesse.


A l’échelle de l’ATR, le monde est immense. Les six membres de l’équipage chargé de ramener en métropole l’ATR72-500 acquis par Airlinair auprès d’Air Tahiti peuvent en témoigner. Il leur aura fallu huit jours et pas moins de onze étapes pour parcourir les 13.600 NM qui séparent Papeete de Toulouse.

De l’ultra long courrier pour un appareil optimisé pour voler en dessous du niveau 250 sur des distances de 200 à 300 NM. Et c’est précisément l’idée de sortir du cadre qui a séduit, Lionel Guerin, le PDG d’Airlinair et Emmanuel Boucq, le directeur du personnel navigant de la compagnie, quand la question du rapatriement de l’appareil s’est posée.  » Air Tahiti nous a proposé de composer un équipage mixte. Leurs pilotes assurent un convoyage dans chaque sens, chaque année. La compagnie possède une solide expérience en la matière. Nous n’avons pas hésitez un instant. Nous avons décidé de prendre en charge cette opération intégralement « , explique Emmanuel Boucq qui en assumera la responsabilité, de la préparation au déroulement.

Lionel Guerin, pour sa part, devra renoncer quelques jours seulement avant le départ pour des raisons d’ordre privé (dégradation de l’état de santé de son père). Il avait pourtant consacré la plus grande partie de ses congés estivaux à remettre à jour sa licence de pilote de ligne et à passer une qualification de type ATR42/72. Depuis son départ du groupe Air France pour créer sa compagnie, cet ancien commandant de bord d’A330 d’Air Inter n’avait plus volé en ligne. Ce convoyage était l’occasion rêvée pour lui, de remettre le pied à l’étrier. Il devra se contenter de suivre le périple depuis son bureau de Rungis.

Ensemble, les deux hommes ont constitué leur équipage. Ils ont choisi des pilotes qui s’impliquent dans la vie de la compagnie. Frédéric Atlan (39 ans), commandant de bord depuis deux ans, a créé le premier site internet de la société. Daphné Desrosiers (36 ans), copilote, a pris en charge la cellule  » anglais « . Le convoyage va lui offrir la possibilité de rapporter des heures d’échanges radio en HF et avec les centres de contrôle les plus variés. Une matière première de choix pour ses futurs cours. Florian Baclin (32 ans), deuxième copilote, a postulé pour être instructeur au sol.  » Une fonction ingrate qui consiste à expliquer aux nouveaux entrants comment fonctionne la compagnie « , résume le directeur du PN.  » Florian est toujours là quand il le faut « . C’est également le cas pour Anne-Caroline Seite (25 ans), hôtesse, qui a fait le choix de devenir instructrice il y a un peu moins d’un an.  » Nous n’étions pas réglementairement obligés d’emmener une PNC sur ce convoyage. Nous voulions toutefois que cet équipage soit représentatif de la compagnie. C’est aussi cette motivation qui explique la présence de Daphné. 10% de nos copilotes sont des femmes « .

Le sixième homme d’équipage est Philippe De Miranda (46 ans), technicien. Formé dans les écoles de la Marine Nationale, au sein d’Airlinair, ce représentant du personnel est l’homme de toutes les situations. Technicien itinérant, il est toujours prêt à intervenir en dépannage sur l’ensemble du réseau. Il parcourt plus de 100.000 km par an en voiture.  » En cas de problème mécanique, nous savons que nous pouvons toujours compter sur lui, où que nous nous trouvions « .

A l’exception d’Emmanuel Boucq, ancien pilote de Transall de l’Armée de l’Air, entré chez Airlinair, à sa sortie de l’armée, au printemps 2000, et dans une moindre mesure de Philippe De Miranda, les membres de cet équipage ont connu des parcours professionnels pour le moins sinueux. Il leur aura fallu une détermination sans faille pour décrocher un emploi stable en compagnie.  » J’ai mis dix ans pour trouver un travail : cinq ans de formation et cinq ans de recherche « , résume Frédéric Atlan. Quand le directeur du PN leur a proposé de participer au convoyage, aucun n’a hésité. A leur arrivée à Papeete, l’avant-veille de départ, Emmanuel estimait pourtant leur avoir  » fait un cadeau empoisonné « .

En fait, le plus pénible dans ce voyage, aura été les vingt et une heures de vol en classe économique pour rejoindre Papeete. A peine débarqué en Polynésie, tout le monde se retrouve dans le hangar de maintenance d’Air Tahiti, sur l’aéroport de Faaa. Cette première journée va être entièrement consacrée à la préparation de l’ATR. Le matériel technique et les pièces de rechange préacheminés sont chargés à bord ainsi que les kits de survie et les deux canots de sauvetage. Les papiers de l’avion sont également vérifiés. De son côté, Philippe contrôle que toutes les remarques apportées par ses collègues qui l’ont précédé à Papeete ont bien été prises en compte. Trois membres du bureau technique d’Airlinair, un spécialiste moteur, un spécialiste cellule et le directeur technique, ont en effet passé neuf jours à Tahiti pour inspecter dans ses moindres détails le biturbopropulseur qui sortait de check C. Juste avant l’arrivée de l’équipage de convoyage, un pilote d’Airlinair a effectué un vol de contrôle.

Au soir du vendredi 1er décembre, l’avion est chargé. Le départ est prévu, lundi 4. Philippe passe une partie de la journée du samedi à contrôler la documentation technique. Avec Anne-Caroline, il fait un détour par Carrefour pour  » améliorer l’ordinaire des jours  » à venir. Emmanuel a récupéré la fiche de pesée. Il effectue le devis de masse et contrôle le centrage. Il compare ses calculs avec ceux qui lui transmet le bureau d’études d’Airlinair. Les deux se recoupent. Les autres pilotes vérifient la documentation de vol. En fin de journée, les étapes sont réparties entre les quatre pilotes. Emmanuel fera équipe avec Daphné. Ils effectueront la première. Frédéric et Florian assureront la deuxième. Les deux binômes alterneront les branches tout au long de la navigation.

Dimanche après-midi, pendant que le technicien fait les pleins de l’ATR, les quatre pilotes se retrouvent au bureau de piste pour déposer les deux premiers plans de vol. Emmanuel a été affecté pendant deux ans à Nouméa à l’escadron de transport outre-mer. Avec son Transall, il a sillonné cette zone du Pacifique. Il connaît tous les terrains de dégagement possible, tous les aérodromes, toutes les pistes.  » Les équipages de convoyage d’Air Tahiti ont l’habitude de passer par Apia dans les Samoa. J’ai choisi une route plus nord par Wallis « . Pas de difficultés à noter côté météo.  » Il y a une belle dépression au sud, avec un front au nord de la Nouvelle-Zélande. On devrait rencontrer un vent de face de 10 kts. Au vu des vents statistiques, j’avais tablé sur 16 kts « . Tout se met en place selon le scénario échafaudé depuis des semaines.

Dans le petit bureau de piste de l’aéroport de Faaa, les pilotes se retrouvent véritablement au pied du mur.  » Sur la ligne, il est rare que nous ayons à déposer un plan de vol. Cela peut arriver de manière ponctuelle lorsque nous faisons un charter ou que nous convoyons un avion revenant de mécanique « , fait remarquer Frédéric. Les automatismes reviendront rapidement.
Il n’est pas encore 5 heures quand les deux jeunes femmes et les quatre hommes arrivent à l’aéroport, lundi matin, 4 décembre. Le coordinateur d’Air Tahiti chargé de gérer l’escale est là. En quelques minutes, l’équipage se retrouve de l’autre côté. Il pleut. Le plafond est bas. La température est de 25°C. Les pleins sont faits : 5 tonnes, le maximum. La première étape est donnée pour 1.576 NM de survol maritime. La masse au décollage est de 19.546 kg pour une masse maximale autorisée de 22,5 t. Tout au long du voyage, le pétrole sera la seule variable d’ajustement dans le devis de masse.
A 6h22 local (16h22 TU), Emmanuel lâche les freins avec 22 minutes de retard sur l’horaire. La montée au niveau 180 se fait dans les nuages. Quelques turbulences, un léger givrage, au bout d’une heure, le ciel s’éclaircit. Le bleu sera la couleur jusqu’à Brindisi.

Au bout d’une heure quarante-cinq, le vol RLA001C quitte la FIR de Tahiti pour passer sur celle d’Auckland. L’ATR72 se hisse au niveau 220. Le vent de face est de 14 kts.  » Calcul de pétrole, calcul de délestage, calcul de temps estimé, etc, nous avons développé un logiciel spécifique pour ce convoyage « , explique Emmanuel. En cabine, Frédéric et Florian  » révisent  » leur étape à venir. Philippe est sur son PC. Ambiance studieuse.

Il est 22h30 TU quand la ligne de changement de date est franchie. Un saut de 24 heures en avant dans le temps. Une première pour cinq des six membres d’équipages. Une demi-heure plus tard, l’ATR72 se pose à Wallis où il est 10 H 00 mardi matin. A Papeete d’où l’avion est parti 6 heures et 45 minutes plus tôt, il est encore lundi, mais 13 H 00. A Rungis, où les opérations attendent avec impatience le compte rendu de la première étape, il est minuit. Oui, mais de quel jour ? Au niveau 350, le passage de la ligne de changement de date pose de moins de questions.

A partir de maintenant, l’équipage va résorber son décalage horaire et se recaler, heure par heure, voire par demie heure jusqu’en Italie. Une gymnastique intellectuelle à laquelle s’est livrée Emmanuel Boucq au cours de la préparation du convoyage, dans les semaines qui ont précédé :  » pour chaque escale, nous avons tenu compte de l’heure de lever et de coucher du soleil en local. Nous avons réalisé un véritable boulot d’étude de ligne afin d’éviter la fatigue de l’équipage « . Toutes les étapes se feront de jour. Aucun vol de nuit. La fatigue sera néanmoins visible sur les visages à l’arrivée à Toulouse.

L’escale de Wallis revêt un aspect particulier. Six heures et quarante-cinq minutes de vol au-dessus du Pacifique, sans problème. Le travail en HF, une première pour la plupart des pilotes, n’a posé aucune difficulté. Cette étape inaugurale qui est aussi l’une des plus longue avec 1.576 NM, s’est déroulée comme prévue. Le convoyage est sur les rails. Emmanuel ne cache pas son soulagement.

En moins d’une heure l’escale est négociée. 4 tonnes de pétrole. Et c’est reparti pour cinq heures de vol. Il est 15 H 45 quand l’ATR72-500 d’Airlinair se pose sur l’aéroport désert de la Tontouta en Nouvelle-Calédonie. Le bilan de cette première journée de vol est encourageant. La préparation faite en amont paye. Emmanuel a découpé le trajet en onze étapes que Florian et Daphné ont ensuite étudiées.  » Cette préparation nous a pris trois semaines « , précise la jeune co-pilote.  » Les étapes les plus délicates ont demandé jusqu’à dix heures de travail « . L’une des plus complexe a sans doute été celle de Darwin à Denpasar.  » Nous nous sommes retrouvés avec des contraintes de niveau de vol. Le plancher de la route directe était au FL250. Comme nous ne pouvons pas monter au-dessus du FL240, nous avons préparé les deux solutions qui s’offraient à nous, en plus, évidemment de la route directe que nous avions, dès le départ, l’intention de négocier, en direct, avec le contrôle « , explique Florian. Evidemment, les deux autres routes allongeaient sensiblement la longueur de l’étape.  » Pour la préparation de longues étapes comme celles-ci, nous avons toujours du jouer avec la contrainte d’emport de carburant « .

A Nouméa, la température est agréable. Après 12 heures de vol, c’est un véritable plaisir que de marcher autour de l’avion et de respirer à l’air libre. Philippe De Miranda soulève les capots moteur et vérifie le niveau d’huile. Inutile de les refaire. Il  » campe l’avion  » pour la nuit. Un rituel qu’il effectuera chaque soir pendant qu’un des deux copilotes  » pastille  » l’avion.

Le lendemain matin, l’aéroport est plus animé. Emmanuel a négocié un départ en VFR pour offrir à son équipage un survol de la barrière de corail de Nouméa. 20 minutes de vol à 500 pieds avant d’activer le plan de vol IFR. Cinq heures et quarante minutes plus tard, l’ATR se pose à Cairns, en Australie. Escale rapide sous la surveillance de deux douaniers intransigeants. Arrivée à Darwin, en fin d’après-midi. Rien de particulier à signaler à l’exception d’un slalom entre de gros cumulonimbus atteignant le niveau 550.

Les conditions de vol sont optimales. La valeur moyenne du vent de face est faible, de l’ordre de 10 à 20 kts selon les étapes, conformément à ce que pouvaient laisser prévoir les études statistiques qu’avait dépouillées méticuleusement Emmanuel. Quant aux températures rencontrées au niveau 240, elles se situent sensiblement au-dessus des ISA, ce qui favorise les performances des deux turbopropulseurs Pratt & Whitney et optimise la consommation. Les écarts entre la consommation estimée et celle effective sont insignifiants. Frédéric jubile.

La troisième journée s’inscrit dans la lignée des deux précédentes avec également deux étapes au programme. A 9 H 00 du matin, la température est déjà de 29°C. Daphné vérifie que les limitations ne sont pas dépassées. Bonne nouvelle : la route directe est acceptée.  » Nous allons éviter 200 NM et une heure de vol supplémentaires « , se réjouit Florian.  » Je suis surpris de la facilité avec laquelle se déroule ce voyage. Je m’attendais à plus de difficultés. La préparation a été bonne. Les seuls contretemps que nous rencontrons sont aussi ceux que nous avions anticipés. Ils sont purement d’ordre administratif « .

img23|left>L’Inde n’a toujours pas autorisé le survol de son territoire.  » Nous n’arrivons pas à obtenir l’autorisation de nous poser à Chennai, encore moins, évidemment, d’y rester une nuit « , déplore Emmanuel qui commence sérieusement à s’inquiéter. Dans cette partie du monde agitée, les alternatives ne sont pas nombreuses. Les conséquences d’un refus seraient lourdes à gérer pour la suite du convoyage.  » La demande a pourtant été faite trois semaines avant notre départ de France « .

Le vol de Darwin à Denpasar se déroule normalement. Le léger vent arrière de 15 kts au départ tourne à 22 kts et trois quarts avant. Rien d’alarmant. La vitesse sol est de 255 kts et la consommation instantanée de 290 kg/h et par moteur. Hier au soir, Philippe a refait les niveaux. Il a versé trois boîtes d’huile après quatre rotations et une vingtaine d’heures de vol. Remarquable.
Depuis le départ, il est à l’écoute de l’avion et de ses systèmes.  » Comme nous ne connaissons pas cet avion, je fais un suivi des codes MFC (multi fonction computer). Comme ils peuvent être transparents pour les pilotes, il est important que je puisse suivre l’incidence d’éventuelles pannes. Je suis également les codes EEC (engine electronic control) et PEC (propeller electronic control). Je centralise toutes les données sur un formulaire spécifique au convoyage destiné à la direction technique « .

L’approche sur Denpasar est spectaculaire. Dans le cockpit, Frédéric et Florian en prennent plein les yeux. L’aéroport de Bali est situé sur une plate-forme entourée des plages de Bali. L’assistance et les autorités locales réservent à l’équipage un accueil des plus chaleureux. Emmanuel doit tout de même démêler un problème d’autorisation de payement qui n’est pas arrivé dans la bonne banque. Après plusieurs échanges téléphoniques avec les opérations à Rungis, une solution est trouvée.

Après quatre heures de vol, l’ATR72-500 se pose sur l’aéroport Changi de Singapour. Changement de décor. Changement d’échelle. Trois pistes parallèles dont une réservée aux forces aériennes singapouriennes. Un trafic dense de gros-porteurs.  » J’aurais pu choisir un terrain plus petit « , reconnaît Emmanuel,  » mais l’idée était de se faire plaisir et d’aller à la découverte « . L’esprit dans lequel il a monté ce convoyage est ici résumé. Ce périple revêt par certains côtés une dimension initiatique pour de jeunes pilotes dont l’horizon professionnel se dessine en lignes intérieures.

En cabine, Frédéric et Florian étudient les cartes de parking de l’aéroport. Ils préparent le départ de demain matin. Toutes les informations relatives aux aéroports visités au cours du convoyage ont été regroupées dans un imposant classeur. La bible de l’équipage. Des centaines de cartes photocopiées ou récupérées sur des sites internet des services officiels de chaque pays. Une part importante de la préparation. Une aide précieuse au bon déroulement du périple.

 » Nous avons choisi de tout gérer de A à Z « , résume Emmanuel Boucq.  » C’est un travail très important pour une compagnie régionale, comme la nôtre, qui du fait de son activité ne dispose pas de l’infrastructure nécessaire pour le faire. Il est évident que nous n’avons pas choisi la simplicité. Si nous avions opté pour un numéro de vol Air France, toutes les portes se seraient ouvertes beaucoup plus facilement. Mais ce n’est pas ce que nous recherchions. Nous sommes fiers de voler sous numéro de vol Airlinair. En cas de problème, nous avons aussi la maîtrise totale pour le résoudre « .
Il aura fallu attendre le milieu de la nuit précédant le départ pour Chennai pour obtenir l’autorisation de l’Inde. Juste à temps. Emmanuel est à moitié soulagé. Les difficultés qu’il a rencontré ne laissent rien présager de bon. L’escale indienne s’annonce délicate à négocier sur le plan administratif. Elle sera conforme à ce qu’il craignait. Elle tranchera aussi avec l’escale de Singapour où le professionnalisme et l’écoute attentive de la société d’assistance seront impressionnants.

L’arrivée dans l’aérogare de Singapour, le lendemain matin, restera en effet comme le moment le plus surréaliste de ce voyage. A sa descente de bus, l’équipage découvre qu’un comptoir d’enregistrement lui est dédié, son numéro de vol affiché sur un magnifique écran plasma. Airlinair logé à la même enseigne que Qantas, Air China ou Singapore Airlines, dans un pays où personne n’avait encore entendu parler de cette petite compagnie régionale française. Incroyable.

Après avoir traversé des milliers de mètres carrés de boutiques de vente hors taxes, sans même prendre le temps de s’y arrêter, tout le monde rejoint l’ATR, à côté duquel est venu se garer un 747 Cargo de Singapore Airlines.
Une seule étape aujourd’hui, mais c’est aussi la plus longue prévue avec 1600 NM et sept heures et treize minutes de vol. Décollage en numéro 12 derrière un 767 d’Air China. En poste, Frédéric et Florian retrouvent l’ambiance de Roissy-CDG. Toujours autant d’eau sous les ailes. Le détroit de Malacca et le golfe du Bengale. Quelques têtes de cumulonimbus peu actives à éviter. Arrivée à Chennai, l’ancienne Madras, en milieu d’après-midi. Impossible de faire le plein ce soir, comme a pris l’habitude de le faire l’équipage. Mauvais signe.

Le lendemain matin, tout part de travers. L’assistant d’escale venu tout spécialement de Bombay bataille avec les autorités aéroportuaires. Emmanuel doit dénouer les problèmes les uns après les autres. Au moment de mettre en route, la tour lui impose un repousseur alors qu’il peut facilement effectuer un demi-tour sur le parking entièrement vide où est stationné l’ATR. La tour ne veut rein entendre. On attend le repousseur. Quand il arrive enfin, la tour, à nouveau, refuse de donner l’autorisation de mise en route tant que la facture du repousseur n’aura pas été réglée. Emmanuel bondit en dehors du cockpit et va s’expliquer avec son agent d’escale qui à son tour file en courant à la tour. L’autorisation de mise en route sera accordée quand la tour aura vu de ses propres yeux le formulaire de règlement. Il faudra encore attendre de longues minutes le feu vert pour s’aligner. La paranoïa gagne insidieusement le cockpit qui commence à soupçonner la tour de le faire sciemment. Au final, le vol RAL008C partira avec deux heures de retard sur son horaire prévu pour une longue étape de 1500 NM au cours de laquelle il affrontera 55 kts de vent de face en moyenne. Après l’eau, le sable. Les niveaux de vol relativement bas offrent des panoramas magnifiques. Ce convoyage tourne au cours magistral de géographie.

Après six heures et trente trois minutes de vol, Daphné pose l’avion à Mascat. Au cours de cette étape, elle a franchi les 4.000 heures de vol.
L’étape suivante, entre Mascat et Louxor, va se révéler la plus délicate à négocier. Elle est donnée pour 1482 NM, elle en fera 60 de plus. Il faut contourner Doat dont le survol est interdit à cause de rencontres sportives internationales. En prenant une route plus nord, les vents contraires se renforcent. Ils atteignent 105 kts. Il faut en permanence jouer avec les niveaux. Descendre jusqu’au 180. Il faudra sept heures pour rejoindre Louxor.  » La gestion du pétrole a été délicate « , explique Frédéric Atlan. A l’arrivée il en reste suffisamment dans les réservoirs pour être en accord avec la réglementation. Sans plus.

Le retour sur Toulouse, via Brindisi, au sud de l’Italie, ne posera pas de problème particulier. L’équipage retrouve un environnement qui lui est familier. Au passage de la Corse, l’heure est au bilan. Tous ont le sentiment d’avoir vécu huit jours exceptionnels.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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