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Défense

Décodage de la vidéo de l’abordage du drone MQ-9 Reaper par un Sukhoi russe

Published by
Frédéric Lert

Les images étaient très attendues et elles ne déçoivent pas : on y voit sans équivoque un Sukhoi russe engagé dans des manœuvres très agressives vis à vis du drone qui évolue au-dessus de la mer Noire, dans l’espace aérien international.

Des images avaient été diffusées quelques heures auparavant montrant le drone General Atomics Reaper vu depuis le cockpit de l’un des Sukhoi. On pouvait alors se rendre compte qu’il s’agissait d’un modèle récent avec winglets en bout de voilure, hélice quadripale, une large antenne verticale sous le fuselage et un réservoir supplémentaire sous l’aile gauche. Ces vues reflétaient aussi un passage bien à plat le long du drone, avec un différentiel de vitesse important.

Les images transmises par l’US Air Force montrent donc la suite de l’histoire avec un enchaînement de différents séquences, pour un total de 43 secondes : avec sa boule optronique MTS-B (Multispectral Targeting System-B) de Raytheon dirigée par les opérateurs au sol, le drone filme les passes très agressives d’un Sukhoi, armé d’au moins six missiles air air. Le chasseur se présente avec une vitesse de rapprochement très élevée et une visibilité pratiquement nulle pour le pilote en direction du drone. Tout sauf une approche stabilisée ! L’hélice du Reaper est à ce moment intacte.

Une pale de l’hélice du drone MQ-9 Reaper, peut-être même deux, ont été endommagées dans la collision. © USAF

La vidéo montre également un largage de carburant (un vide-vite par moteur), avec l’intention de couvrir les capteurs du drone ? Un allumage de la post combustion pour enflammer le nuage de kérosène, à la manière de ce que faisaient les F-111 en meeting, aurait été sans doute encore plus spectaculaire et efficace, mais il n’a pas été tenté (ou peut-être envisagé) par les pilotes russes…

Les Américains ont compté 19 passages des Sukhoi à proximité de leur drone. Les premières approches, stabilisées, permettent aux Russes de filmer en détail l’appareil américain. © DR

Le deuxième passage du Sukhoi est encore plus rapproché. Le positionnement de la caméra, sous le fuselage du Reaper, ne permet pas de voir l’accrochage proprement dit ni avec quelle partie du Sukhoi il se fait, mais on mesure que le chasseur russe passe vraiment très près, avec comme pour la première fois une trajectoire non stabilisée et une visibilité nulle du pilote vers le bas.

Les manoeuvres deviennent ensuite plus agressives, avec des rapprochements de plus en plus proches, pour finir sur un rapprochement mal contrôlé et la collision. © USAF

Les Américains expliquent que la transmission des images est alors interrompue pendant une soixantaine de seconde en raison du masquage de l’antenne satellite par le Sukhoi. Quand le lien vidéo est repris, on distingue très bien une pale d’hélice endommagé.  L’empennage de droite semble intact, mais on ne sait rien de celui de gauche. En plus d’un problème sur la motorisation, les Américains ont annoncé avoir eu des difficultés pour contrôler leur appareil et ils ont alors opté pour l’écrasement volontaire en mer.

Selon les Américains, l’interception du drone aurait eu lieu à une cinquantaine de nautiques de la Crimée (repère 1). L’appareil aurait été heurté quelques nautiques plus loin (repère 2) et il se serait écrasé en mer à 75-85 nautiques de la terre ferme (repère 3).  © USAF

La frustration russe face aux vols de reconnaissance américains dans l’espace aérien international, mais à proximité de leurs installations en Crimée, s’est traduite par une agressivité de moins en moins contenue. C’est l’avantage et l’inconvénient du drone : l’absence d’équipage permet une prise de risque accrue de la part de l’adversaire, mais elle favorise dans le même temps cette prise de risque, avec l’idée que les conséquences politiques seront forcément moindres en cas d’accident.

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • "Les américains expliquent que ..." Permettez-moi de prendre les explications des américains avec la même prudence que celles des russes, chinois, français, etc. Ils nous montrent ce qu'ils veulent et trafiquent leurs vidéos avec le même talent qu'ils ont mis à espionner leurs co-belligérants.
    L'intox bat son plein dans ce ruineux conflit pour le Donbass.

    J'ai une lecture personnelle de cette vidéo : puisqu'il y a deux pales d'hélice opposées touchées j'en déduis qu'elles ont été touchées par des objets distincts. Objets provenant probablement de morceaux du drone.
    Par ailleurs comme rien ne prouve le contact, je suppose que c'est le souffle du SU 27 qui a endommagé le drone.

    Les pilotes russes m'ont toujours bluffé par leur audace lors des meetings.

    • Bonjour Anemometrix,
      Si une pale semble lourdement endommagée, l'autre, qui lui est opposée, semble plutôt être en drapeau. Ne me demandez pas pourquoi, je n'étais pas sur place... pour le reste, chacun peut y aller de ses suppositions...

  • Question : imaginez un drone russe à la limite de l'espace aérien américain pour observer des bases US par exemple... d'après vous les américains l'auraient laissé tranquillement espionner?
    Vivement que cette guerre s'arrête, d'ici là il faut plus de hauteur de vue et d'impartialité à mon avis.

    • L'objet de de cet article est, il me semble, "comment" cet évènement a pu se dérouler et pas "pourquoi".
      Nous subissons assez de médias et de commentateurs qui nous expliquent pourquoi !

  • Vous ecrivez :
    "Un allumage de la post combustion pour enflammer le nuage de kérosène,........ mais il n’a pas été tenté (ou peut-être envisagé) par les pilotes russes…".

    Cette manoeuvre a pu être faite au moment ou le SU 27 quitte le champ de la caméra.

    • Bonjour Bernard, c'est possible, mais j'ai la faiblesse de croire que cela se serait vu, d'une manière ou d'une autre...

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