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Défense

Le C295, champion discret d’Airbus

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Frédéric Lert

Depuis une vingtaine d’années, le C295 d’Airbus (ex Casa 295) accumule discrètement les succès commerciaux. Près de 300 appareils ont été vendus dans 38 pays et la liste est loin d’être close, Airbus n’étant pas à court d’idées pour faire évoluer son avion.

Dans la moitié des sagas familiales, le fils de famille est une branche pourrie qui ne sait pas succéder au père et dilapide l’héritage. Dans l’autre moitié des cas, il le dépasse et lui vole la vedette. Avec la filiation Casa 235 – Airbus C295, c’est bien à ce deuxième scénario que l’on assiste. En trente ans de production le Casa 235, qui est né d’une coopération réussie avec l’indonésien IPTN, s’est vendu à 285 exemplaires : 211 produits en Espagne et 74 en Indonésie, chaque partenaire ayant gardé toute liberté pour commercialiser l’avion.

C295 Forces aériennes saoudiennes. © Airbus
C295 sauvetage canadien. © Airbus

Avec également 285 appareils vendus à ce jour, le C295 a d’ores et déjà fait aussi bien que son prédécesseur et sa carrière est loin d’être finie. En cette fin de mois de mai 2022, 197 avions ont été livrés et 88 autres doivent encore l’être. Les deux-tiers du carnet de commandes restant à honorer sont constitués par les 56 avions vendus à l’Inde en septembre dernier, et dont les livraisons devront intervenir entre 2025 et 2032. Sur ces 56 avions, 16 seront assemblés en Espagne et les 40 autres le seront directement en Inde par le groupe Tata.

« L’usine de Seville fabrique de dix à douze appareils par an, mais nous pouvons ajuster les cadences au gré de nos besoins » explique Fernando Ciria, responsable du marketing pour les avions ISR et les avions cargo tactiques chez Airbus. Le succès appelle le succès et Airbus revendique aujourd’hui 80% de ce marché avec le C295.

La concurrence se limite au C-27J de Leonardo, à des appareils russes dont l’avenir parait plutôt sombre, mais aussi au modèle 235 qui est toujours proposé à la vente par l’Indonésie.

« Certains pays clients achètent d’ailleurs les deux types d’avions, Casa 235 et C295 » fait remarquer Fernando Ciria. Pour notre interlocuteur, les raisons du succès sont nombreuses, à commencer par l’image de marque Airbus adossée à l’héritage très fort apporté par la gamme Casa : « Depuis le Casa 212, nos avions bénéficient d’une excellente réputation sur tous les continents. Notre support client bénéficie également d’une très bonne image et les bons résultats obtenus font que de nombreux pays étoffent progressivement leurs flottes au fil des ans. Sur 38 pays utilisateurs, 17 ont passé des commandes multiples. L’Egypte a par exemple commencé ses opérations avec trois avions, avant de signer des commandes additionnelles au fil des ans. Elle dispose aujourd’hui de 24 appareils, ce qui en fait le premier opérateur mondial, en attendant l’entrée en service des appareils indiens ».

C295 en version AEW (Airborne Early Warning) : une proposition d’Airbus pour l’instant sans suite commerciale. © Airbus

D’un point de vue technique, le C295 conjugue une conception moderne avec une relative simplicité d’utilisation et d’entretien. La polyvalence de l’avion, au-delà des seules missions de transport tactique, permet de répondre à différents besoins opérationnels tout en limitant les besoins en formation des équipages et maintenanciers. 

Depuis par exemple huit ans, le C295 est utilisé par la marine chilienne pour les missions anti sous-marines, avec la capacité d’emporter des torpilles sous la voilure. D’autres appareils en version ISR (surveillance et renseignement) sont également en service à travers le monde et Airbus poursuit le développement d’une version ISR armée, avec les munitions (bombes guidées, missiles et roquettes) installées sous les six points d’emport de la voilure.

Tir d’une torpille depuis un C295 MPA. Comme pour toutes les autres versions spécialisées, le C295 offre un coût d’exploitation modéré. © Airbus

« Nous avons participé à une campagne commerciale avec cette capacité pour un pays qui a depuis placé cette exigence en stand-by. Cette version n’est donc pas en service, mais elle reste disponible dans notre portfolio » précise Fernando Ciria. En 2011, Airbus avait également proposé une version Awacs doté d’un radar rotatif monté sur le dessus du fuselage.

Depuis 2001, le Casa peut être ravitaillé en vol en utilisant une perche fixe installée au-dessus du poste de pilotage. L’Espagne, le Brésil et la Finlande disposent de cette capacité sur certains de leurs avions. Trois avions brésiliens (sur une flotte totale de 15) optimisés pour les missions de sauvetage au combat sont également pré-équipés pour recevoir une perche de ravitaillement en vol. Les C295 peuvent se ravitailler sur les C-130 et des tests devraient avoir lieu prochainement sur les A400M.

Faire du C295 un ravitailleur en vol a également été un objectif essentiel pour Airbus.

Deux configurations sont aujourd’hui validées pour le ravitaillement en vol des hélicoptères ou des avions de combat. L’équipement optionnel s’installe dans la soute et se charge et se décharge par la rampe. Le ravitaillement des hélicoptères se fait à faible vitesse, le tuyau sortant simplement par la rampe ouverte. Pour accéder à une vitesse supérieure et ravitailler les avions, la rampe est fermée et une ouverture est aménagée pour laisser passer le tuyau. Mais l’équipement installé en soute, avec tuyau, pompe et réservoir, est toujours le même.

Ravitaillement en vol d’un C295 par un C295W équipé de winglets. La vitesse est suffisante pour ravitailler également des chasseurs. © Airbus

Le carburant livré est intégralement emporté dans le réservoir installé en soute. L’interconnexion avec les réservoirs de l’avion serait possible, mais elle n’a pas encore été développée. Une autre application envisagée est l’entrainement des pilotes au ravitaillement en vol avec un ravitailleur bon marché et plus accessible que le haut de gamme représenté par l’A330 MRTT. « Tous les tests sont aujourd’hui réalisés et nous sommes prêts à offrir notre solution de ravitaillement en vol à un premier client » résume Fernando Ciria. Enfin, un autre kit a été développé pour faire du Casa un ravitailleur au sol avec la possibilité de livrer toutes sortes de carburant pour des hélicoptères ou des véhicules terrestres.

C295 en patrouille avec un A400M. © Airbus

Le C295 fait la course en tête, mais Airbus ne relâche pas son effort. Dans sa version 295W, l’appareil est désormais proposé avec des « winglets » en bout d’aile qui offrent de meilleures performances en condition « haut et chaud ». Une nouvelle avionique a également été qualifiée sur l’avion et quatre pays client l’ont déjà choisie. De quoi permettre à Fernando Ciria de dire que « l’avion est moderne, bien dans son époque, très présent dans notre ligne de produit et en aucun cas en fin de vie ».

Les regards d’Airbus se portent en fait sur le possible chainon manquant entre le C295 et A400M. Entre 23 et 141 tonnes de masse maximale au décollage, il semble bien qu’une place existe pour un avion intermédiaire…

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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