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Défense

Le Secours héliporté en Corse, c’est moins Super qu’avant…

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Frédéric Lert

Stationné sur la base corse de Solenzara, l’escadron d’hélicoptère EH 1/44 Solenzara a rendu ses Super Puma l’an dernier. Il a reçu en remplacement quelques-uns des derniers Puma de l’armée de l’Air. L’équipe d’alerte SAR croise désormais les doigts pour que l’unique appareil présent en piste ne fasse pas faux bond en cas de coup dur. Cette situation au goût amer rappelle le vieillissement parfois indécent de certains aéronefs des armées.

Les Super Puma utilisés à Solenzara pour les missions de secours, en montagne ou en mer, étaient les derniers de leur espèce en France. Les appareils étaient certes performants mais ils formaient une micro flotte hétérogène difficile à faire vivre. L’an dernier, les deux derniers appareils ont été vendus à l’Espagne tandis que l’armée de l’Air a fait roquer ses hélicoptères : l’escadron 1/67 Pyrénées basé à Cazaux dispose à présent d’un pôle Caracal homogène et ses derniers Puma ont été ventilés entre les unités d’Outre Mer et donc Solenzara. Le schéma d’ensemble est flatteur, mais ça coince un peu dans les détails…

Magnifique dans son uniforme blanc à rayures bleues… : le Super Puma 2244, ancien habitué des grands espaces du Pacifique est parfaitement à son aise sur la Méditerranée. Il évolue maintenant sous les couleurs espagnoles. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Une flotte Puma hétérogène

D’abord parce que si elle est importante (23 appareils) la flotte de Puma de l’armée de l’Air pèche par son hétérogénéité : seulement dix appareils sont aptes à la mission SAR, car équipés d’un coupleur de vol stationnaire, d’un phare de recherche (installé dans la poutre de queue) et d’une capacité carburant augmentée à 2.250 litres (contre 1.550 litres normalement). Les treize autres sont inadaptés aux interventions maritimes de nuit.

Ils ne peuvent pas non plus être projetés en opérations extérieures (Opex) parce qu’ils ne sont pas autoprotégés. Tous ne seront pas mis aux normes OACI, l’investissement n’étant pas prioritaire pour un appareil en fin de vie. La gestion de cette flotte ancienne est donc un joli sac de nœud dont l’escadron de Solenzara goûte chaque jour les joies.

« Une transition entre deux machines, c’est toujours un peu délicat à organiser explique la commandant D. qui dirige l’escadron Solenzara. Mais aujourd’hui on nous demande en plus de passer du Super Puma vers le Puma. C’est bien plus difficile à vivre que d’aller d’une machine ancienne vers une plus récente… »

Intervention du Solenzara pendant des inondations en Corse. Les équipages disposent d’un solide savoir-faire dans une large gamme de missions, mais comment s’entraîner, maintenir les qualifications et assurer les alertes, avec seulement un ou deux appareils disponibles ? © EH Solenzara

Manque de disponibilité

N’ayons pas peur des mots, la transition qui a eu lieu en ce moment au Solenzara est une régression. D’autant qu’il y a Puma et… Puma. Le Puma c’est un peu comme Jean-Paul Belmondo : il y a le modèle 1970, mâchoire carrée et muscles en relief. Et il y a le même cinquante ans plus tard, fatigué par une vie de bourlingues sur les cinq continents.

Les difficultés sont palpables à Solenzara où l’on aligne trois appareils. Ou plutôt deux, le troisième ayant servi ces derniers mois de magasin de pièces détachées. Sans rotor, ni moteur ni BTP, il ne fait pas le fier. Car en plus de l’âge et de la fatigue des appareils, le manque de pièces détachées pose aussi des problèmes aigus à l’unité. C’est donc avec deux appareils à la disponibilité très fluctuante que le Solenzara doit aujourd’hui faire face à ses différents engagements : prises d’alerte pour le secours à terre (SATER) ou en mer (SAMAR), exercices, entraînements des navigants, passages de qualifications, formation des mécaniciens etc.

La relève est prise par des Puma qui ne sont plus de toute jeunesse. La présence de mécaniciens dans le cockpit est un signe que la prise d’alerte a du plomb dans l’aile… © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr

Des conséquences en cascade

D’autres appareils devraient arriver en Corse dans les semaines à venir, en provenance des sites qui en assurent l’entretien de niveau industriel. La cible pour l’escadron Solenzara est de disposer de cinq ou six Puma d’ici l’été. A moyen terme, il devrait également récupérer les missions offensives qui étaient celles des Puma du temps où ils étaient à Cazaux, notamment avec l’emploi du canon de 20mm en sabord.

En attendant, on touche du bois à l’escadron pour que l’unique appareil présent en piste chaque jour ne fasse pas faux bond en cas de coup dur. On fait également des choix cornéliens : parce qu’il n’est pas possible de repousser sans cesse les entraînements, on se résout parfois à ne plus pouvoir assurer l’alerte SAR au profit des unités de chasseurs en campagne de tir. Et sans alerte SAR, pas de tir air-air possible au large de la Corse pour les chasseurs. Frustrant pour les escadrons qui viennent du continent et qui ont eux aussi un tempo d’entrainement très serré à respecter.

« Quand les chasseurs m’appelle pour me demander si la SAR est bonne, je leur suggère d’acheter un Rafale de moins pour que je puisse recevoir quelques hélicoptères de plus » plaisante la commandant D. Une boutade qui pourrait peut-être connaître une concrétisation, avec l’achat en urgence de H225 neufs ou d’occasion, équipés pour la mission SAR. Le rêve est permis…

Frédéric Lert

 

 

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Espérons que dans la partie réservée aux abonnés vous traitez des points suivants avec en préambule la responsabilité de l'AA de la SAR OACI sur tout le quart Sud-Est de la France avec mise en place de ce moyen principal et permanent d'alerte en périphérie extrême de la zone de prérogatives depuis 2008 ... date du départ d'Istres (Base FAS, CEV, EPNER, Dassault, placé géographiquement au barycentre) :
    - quid des performances Puma/SuperPuma Mk1 (Statio HES pour treuillage en zone montagneuse, rayon d'action, vitesse de croisière pour atteindre la zone de recherche, capabilité monomoteur, charge offerte, volume soute médicalisable, type treuil, ...)
    - quid des QDV et automatismes comparatifs entre Puma et Caracal... notamment pour de la récupération de nuit en pleine mer par forte houle ... et du système de navigation associé !!!
    - que sont devenues les infrastructures de l'escadron d'hélicoptères de la BA125 spécialement construites entre 2001-2003 aux normes aéronautiques pour accueillir à l'époque ces mêmes Puma SAR puis SuperPuma ex-Dircen, et Fennec MASA ... lors du dernier meeting d'Istres on y voyait des véhicules de l'EDSA avec de nombreux algeco sur le parking Aeronautique... cet escadron serait il trop petit pour son usage ?
    - il est intéressant de voir que la Marine elle met en œuvre un NFH90 à partir de Lanveoc pour faire le même travail SAMAR/SECMAR ... on est là dans l'extrême inverse. N'y a-t-il pas là une incohérence globale dans la mise à disposition des moyens de secours ?
    - pourquoi garder des SuperPuma Mk1 à l'escadron VIP ?

    Alors qu'il y a moult H225 VIP/SAR/Cargo d'occasion disponible à très bas prix en France, l'AA se met à louer des H225 à un prix qui lui permettrait d'en acquérir un par an ... il serait enfin temps d'uniformiser toute la flotte HM de l'AA en H225, en relocaliser 2 à Orange pour l'ETO du CIEH & la SAR SudEst , récupèrer ceux prêter au DAOS 4e RFHS et ainsi simplifier la formation, l'emploi, la maintenance ... avant que d'hypothétiques HIL ne remporte l'adhésion des états-majors !

    • Merci pour votre commentaire très pertinent. Vous soulevez de bonnes questions qui dépassent toutefois le cadre de ce modeste article. La réponse à votre interrogation initiale est donc "oui et non"
      cordialement
      Frédéric Lert

    • Si votre commentaire est sans doute très intéressant, je suis au regret de vous dire qu'il n(e m)'est pas très très clair. En avez-vous une version un peu plus vulgarisée ?

      • Je suis d'accord avec CA ,c'est un peu du chinois,le forum Est public ,il mérite d'être un peu plus explicite..sinon à quoi sert de ne parler qu'aux spécialistes..?

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