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Défense

Les évacuations aériennes reprennent à Kaboul

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Frédéric Lert

Après les scènes de chaos du lundi 16 août, les Américains ont repris le contrôle de l’aéroport et les évacuations ont repris. Derrière le rouleau compresseur américain, les Européens arrivent en ordre dispersé.
Les États-Unis avaient commencé à évacuer leur personnel diplomatique non essentiel à partir du 27 avril dernier. Mais devant la débandade de l’armée afghane et la progression des Talibans, les choses s’étaient accélérées à partir du 29 juillet avec l’affrètement de plusieurs avions civils.

640 personnes assises sur la plancher du C-17 « Reach 871 ». On parlera des masques et de la distanciation sociale un autre jour… © USAF

Dans les heures précédant le chaos du 16 août, les Américains avaient accéléré le mouvement en évacuant plusieurs centaines de leurs nationaux, membres du personnel diplomatique et autres « contractuels » ainsi que plusieurs centaines (on parle de 700 personnes) d’Afghans venant s’ajouter à ceux ayant déjà quitté le pays.

Plusieurs C-17 de l’US Air Force furent également engagés au cours du dernier week-end, dont un appareil 436th Airwing de Dover, indicatif Reach 871, aujourd’hui devenu célèbre pour avoir enlevé d’un seul coup près de 640 personnes. L’appareil fut en fait pris d’assaut par les Afghans déjà sélectionnés pour partir sur plusieurs avions. Le temps que l’ordre revienne, 640 étaient déjà à bord… Plutôt que de faire redescendre du monde, le commandant de bord choisit de décoller en l’état

Dans un échange radio avec un contrôleur aérien, il indiqua ne pas être certain du nombre de personnes à bord « environ 800 » expliqua-t-il.

Un décompte un peu plus précis à l’arrivée au Qatar ramènera le chiffre à 640. Une procédure existe sur le C-17 pour transporter un grand nombre de passagers à même le plancher : des sangles sont alors fixées entre les deux parois du fuselage, en travers de la soute, pour leur permettre de se tenir au décollage et à l’atterrissage.

La Grande-Bretagne engage ses C-17 et plusieurs centaines de soldats dans les opérations d’évacuations. © MOD

Le chiffre enregistré à Kaboul n’est d’ailleurs pas un record : en 2013, aux Philippines, un C-17 avait évacué d’un coup 670 personnes fuyant devant l’arrivée d’un typhon. On se souvient également de quelques records battus en 1975 pendant l’évacuation de Saigon, avec 250 personnes (dont de nombreux enfants…) à bord d’un hélicoptère lourd HH-53 ou encore 452 vietnamiens dans un C-130, dont 32 dans le cockpit ! Le C-130 était alors en surcharge, ce qui n’était pas le cas du C-17 de Kaboul, les 640 pax étant loin de représenter la charge marchande maximale de l’avion (77 tonnes).

Les opérations d’évacuation ont repris en fin d’après-midi le 16 août après que les troupes américaines eurent sécurisé la piste.

On comptait alors 3500 Marines et parachutistes de la 82ème Airborne sur l’aéroport et plusieurs milliers d’autres étaient en route, l’objectif du Pentagone étant de déployer une force combattante de 6000 hommes sur l’aéroport. Pour mémoire, la France engage guère plus de 5.000 combattants dans l’opération Barkhane, du Mali au Niger en passant par le Tchad et le Burkina Faso. La capacité à mobiliser très rapidement 6.000 hommes et à les projeter tout aussi vite du Golfe persique vers l’Afghanistan est une des rares choses à mettre au crédit du Pentagone dans cette affaire !

© MOD

Les États-Unis envisageaient de retrouver à partir du mardi 17 août un rythme de 20 à 30 vols par jours, militaires et civils affrétés, avec à la clef l’évacuation quotidienne d’au moins 5000 personnes.

Le Département d’état américain annonce vouloir rapatrier jusqu’à 22.000 Afghans, qui viendront s’ajouter aux 70.000 déjà accueillis sur le territoire américain depuis 2005.

Le Pentagone explique par ailleurs que le général McKenzie, commandant en chef de l’US Central command, a rencontré des représentants des Talibans au Qatar et qu’il leur a assuré « que toute attaque sur les forces américaines et sur les opérations à l’aéroport donnerait lieu à une réponse rapide et puissante ». Le porte-parole du Pentagone a également annoncé que des négociations directes ont eu lieu entre le commandement américain présent sur l’aéroport et les chefs talibans à Kaboul pour garantir la tranquillité des évacuations. A vrai dire, les Talibans ont toutes les cartes en main et sauf à vouloir raser Kaboul, on ne sait pas ce que pourraient faire les américains contre quelques roquettes qui leur seraient gracieusement envoyées depuis la ville. L’intérêt des Talibans n’est toutefois pas de mettre des bâtons dans les roues des Américains qui ont d’ores et déjà annoncé qu’ils auront définitivement quitté le pays d’ici le 31 août.

Les Américains n’ont pas conduit de mission de bombardement sur les Talibans au cours des dernières 48 heures mais ils gardent cette possibilité : dans le ciel tournent des ravitailleurs pour les C-17 (il est hors de question de prendre du carburant à Kaboul) mais également pour les quelques avions de combat de l’US Air Force et de la Navy toujours présents dans la région.

Au-delà des États-Unis, de nombreux pays d’Europe agissent en ordre dispersé pour mettre en sécurité leurs ressortissants et quelques happy few afghans.

Les Britanniques prévoient par exemple d’envoyer 600 soldats pour aider à la sécurisation de l’aéroport et participer à l’évacuation de 4.000 Britanniques et 2.000 Afghans. L’Allemagne a envoyé un A-400 de la Luftwaffe lundi qui a tourné pendant près de cinq heures dans le ciel de Kaboul alors que le chaos régnait sur l’aéroport.

L’avion a fini par se poser avant de repartir très rapidement vers Tashkent (Ouzbékistan) avec… 7 passagers à bord ! Un chiffre dérisoire qui a déclenché une polémique Outre Rhin. L’Allemagne prévoit de baser deux A400M à Tashkent pour ramener en Europe jusqu’à 10.000 Afghans. La Russie, la Chine et la Turquie, pour ne citer qu’elles, ont choisi de garder des ambassades dans le pays, ce qui n’a pas empêché Ankara d’évacuer quelques centaines de ressortissants dans un Boeing 777 de Turkish Airlines. L’avion aurait été le seul appareil commercial à quitter Kaboul hier (16 août).

Vue satellite de l’aérogare de Kaboul hier. On distingue la foule massée contre le bâtiment. © DR

Quant à la France, elle « jette les bases d’un pont aérien » pour reprendre les mots de la ministre des armées Florence Parly.

En fait de pont on ne voit pour l’instant qu’une modeste passerelle, avec un A400M venu d’Orléans et ayant réalisé une première rotation dans la nuit de lundi à mardi entre la Base aérienne 104 d’Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis, tête de pont française dans la région depuis 2009) et Kaboul.

Les EAU sont à 3h30 de vol et les A400M sont donnés pour une capacité de transport de 116 passagers assis et attachés. Un peu moins de 50 personnes ont été embarquées pour ce premier vol. Mais l’effort est appelé à se renforcer dans les heures qui viennent avec l’engagement d’un deuxième avion dans le cadre de l’opération baptisée Apagan. Un avion civil avait été affrété en juillet dernier pour évacuer un premier contingent de Français.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Oui les Ricains sont très bons en matière d'évacuation quant au rouleau compresseur... Les Talibans en ont fait leur affaire... Je crois que les Ricains n'ont plus que la conquête de la Lune pour faire croire aux martiens qu'ils sont meilleurs !!!

  • Bon article ! Comme quoi monsieur Lert il faut expliquer longtemps des évidences aéronautiques aux gens qui surfent et posent leurs commentaires comme autant d'IED !

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