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Défense

Permis de frapper pour les drones Reaper français

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Frédéric Lert

L’Armée de l’air qualifie l’emploi des bombes à guidage laser GBU-12 sur ses drones MQ-9 Reaper basés à Niamey (opération Barkhane). Une évolution qui renforce singulièrement les capacités offensives françaises dans le Sahel. A terme, chaque drone pourra emporter jusqu’à 4 bombes de 250kg ou 8 missiles air-sol, ou bien un panachage des deux.

Après moult tergiversations, la décision d’armer les drones MQ-9 Reaper français avait été annoncée par la ministre des armées en septembre 2017. Un peu plus de deux ans plus tard, c’est donc chose faite : quatre tirs d’expérimentation conduits depuis la base aérienne de Niamey, dans le cadre de l’opération Barkhane, ont permis de qualifier la mise en œuvre de l’armement.

Les tirs ont été précédés par une campagne d’évaluation également menée sur la base de Niamey. Certes l’armement du Reaper est une chose acquise et qualifiée depuis longtemps par l’US Air Force, mais l’Armée de l’air souhaitait tout de même s’assurer de la bonne adéquation du matériel et des procédures avec les conditions locales, dans le Sahel.

Un processus dense de qualification

Depuis la fin du mois de novembre 2019, les armuriers et les équipages français ont également reçu une instruction de la part de leurs collègues américains sur le montage et la dépose des bombes GBU-12 à guidage laser (250 kg) ainsi que sur les procédures de tir. Avant leur déploiement en opération, les équipages ont quant à eux suivi à Cognac (base de la 33ème Escadre de surveillance, de reconnaissance et d’attaque) des cours théoriques et effectué des séances de simulateur pour apprendre les procédures techniques de tir des GBU-12. Puis sont arrivés, à partir du dimanche 15 décembre 2019, les premiers tirs réels contre des cibles installées sur un champ de tir au Mali, au nord de Gao, dans un environnement désertique.

Le premier tir a été fait en mode automatique : la désignation de la cible se faisait par l’équipage avec la boule optronique du drone et l’appareil calculait lui-même en continu le point de largage en fonction de son altitude et de sa vitesse. Le lendemain, lundi 16 décembre 2019, le deuxième tir s’est fait avec un contrôle manuel du point de largage par l’équipage du drone. Un mode opératoire présentant plus de flexibilité face aux évolutions de la situation tactique au sol.

Le troisième vol, mardi 17 décembre 2019, s’est soldé par le tir de deux munitions larguées quasi simultanément par un même drone (un décalage de quelques centièmes de secondes existe pour éviter une collision en vol). Les deux bombes visaient deux cibles différentes, mais l’une était guidée par le drone tireur, tandis que l’autre l’était par un deuxième Reaper. Quatre bombes tirées au total donc, et quatre coups au but pour cette campagne.

Installation d’une GBU-12 cette fois sur un point d’emport intérieur. Le Reaper dispose de quatre points d’emport identiques, permettant l’emport d’autant de munitions de 250kg ou bien de 4 x 2 missiles Hellfire. © Armée de l’air

Une communalité avec les avions

La France ne disposant, pour l’instant, que de cinq drones MQ-9 Reaper au standard 1 (le sixième a été détruit sur accident), ce sont ces appareils qui ont reçu la capacité de tir qui ne porte pour l’heure que sur l’emploi de GBU-12. Chaque appareil peut recevoir jusqu’à quatre munitions de ce type, deux sous chaque aile.

Pour l’instant, seuls les trois appareils basés à Niamey (depuis 2016) ont reçu leurs câblages et pylônes d’emport. Les deux appareils présents à Cognac seront équipés dans les premières semaines de 2020, ce qui permettra alors de réaliser des tirs d’entrainement en France.

A noter que les corps de bombes et les kits de guidage des GBU-12 utilisés sur les Reaper sont identiques à ceux employés sur les avions de combat ou même sur les Atl2 de la Marine. Les fusées d’impact sont toutefois différentes pour prendre en compte la vitesse de largage plus faible de la munition.

Dans l’attente des Reaper block 5

La diversification des emports ira de pair avec la mise en service des Reaper block 5 dont les premiers exemplaires seront livrés à la France en début 2020. Ces appareils se distinguent des block 1 par leur nouvelle suite logicielle. On annonce du côté de l’Armée de l’air la qualification du missile Hellfire et de la GBU-12 en fin d’année 2020, suivie début 2021 par celle de la bombe GBU-49 (guidage mixte laser-GPS).

Les Block 5 garderont les quatre points d’emport, avec donc la possibilité d’emporter quatre bombes de 250 kg, un panachage de bombes et de missiles Hellfire ou même jusqu’à 8 missiles (deux missiles par point d’emport). Il est enfin prévu que les Block 1 encore en service soient portés au standard block 5 à l’horizon 2022-2023. Le contrat n’est pas encore finalisé.

Surveillance, renseignement et bombardement

L’armée française attend beaucoup de cette nouvelle capacité, même si l’on indique au ministère que les principales missions des drones restent la surveillance et le renseignement. « Mais (ces missions) pourront aussi être étendues aux frappes dans le respect des règles d’engagement, si l’opportunité se présente : la pression sur les groupes terroristes armés n’en sera que plus grande. » (…) « Il s’agit d’une nouvelle capacité, précise encore le ministère des armées, pas d’un changement de doctrine. Les règles d’engagement des drones armés sont exactement les mêmes que celles des avions de chasse avec lesquels ils sont complémentaires ».

Retour de vol à Niamey. La munition accrochée sous l’aile droite a été tirée sur un champ de tir au Mali, dans le nord de Gao. © Armée de l’air

L’expérience a toutefois montré qu’essayer le Reaper c’est l’adopter, plus aucune opération d’envergure ne se faisant dans le Sahel depuis 2016 sans l’appui d’un appareil de ce type. C’était vrai en utilisant les capacités de surveillance et de reconnaissance des appareils, ce le sera encore plus maintenant qu’une capacité de bombardement d’opportunité leur est ajoutée.

Il est donc prévisible que la plus grande flexibilité opérationnelle apportée par le drone armé se traduira immanquablement par une augmentation du nombre de tirs sur ce théâtre d’opération.

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Permis de tuer après expérimentation sur qui !? Le cynisme n'a pas de bornes.
    Cela rappelle la "publicité" de l'armée israélienne qui vante ses "produits" -- à Satory -- avec comme argument : testé en conditions réelles ... sur les Palestiniens.

  • Merci de toutes ces précisions, moi je croyais qu'on avait fait ces "tirs d'expérimentation au Mali" avec des cobayes, on en trouve là-bas.
    "ce qui permettra alors de réaliser des tirs d’entrainement en France." on risque de bien rire…. ou alors on décolle de l'intérieur de Captieux.
    Prochaine étape (dans dix ans max) : on refile le total à l'Armée de Terre.

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