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Hélicoptère

Les défis de Bruno Even à la tête des hélicoptères d’Airbus

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Frédéric Lert et Thierry Dubois

Pour Bruno Even, qui s’assiéra bientôt dans le siège du pilote chez Airbus Helicopters, le travail s’annonce passionnant et les journées chargées. Il prendra la tête d’une organisation qui a fait ses preuves et a su résister à la baisse de son principal marché. Mais, du monoturbine cinq places H120 au Caracal, en passant par le H160M, le X6, le VSR700 ou encore le NH90, de nombreuses décisions, cruciales pour l’avenir de l’entreprise, doivent être prises à court ou moyen terme.

Fraîchement nommé aux commandes d’Airbus Helicopters, Bruno Even prendra ses fonctions le 1er avril. Aujourd’hui patron de Safran Helicopters Engines, il connaît par cœur l’hélicoptériste de Marignane, son plus gros client. Sur la plupart des dossiers, il sait donc à quoi s’attendre…. reste à savoir comment il imprimera sa marque.

Bruno Even arrivera dans une entreprise qui – à l’instar de Safran Helicopter Engines – a subi sans trop de dégâts une grave récession sur son marché. Guillaume Faury a su mener le bateau dans une mer agitée (mais sans éviter tous les écueils). Le marché semble redémarrer ou, du moins, s’être stabilisé.

Numéro un

Airbus conserve sa place de numéro un mondial des voilures tournantes civiles. L’organisation des bureaux d’étude, des essais en vol, des usines et des ventes est rodée, surtout si on pense aux difficultés récentes des concurrents. Les ventes de Sikorsky dans le civil sont devenues négligeables, Bell se remet de l’accident d’un prototype sur un programme majeur et Leonardo a eu des ennuis sur ses chaînes de fabrication. Plusieurs programmes d’Airbus – y compris, désormais, le récent H175 – ont des fondamentaux solides.

Bruno Even, sur le point de devenir le directeur général d’Airbus Helicopters. © Safran

Mais de nombreux chantiers restent ouverts. Pour certains d’entre eux, le ciel est loin d’être dégagé.

Parmi les questions auxquelles Bruno Even devra répondre figure – en commençant par le bas de la gamme de l’ex-Eurocopter – celle des monoturbines de la catégorie des cinq-places. Guillaume Faury a décidé d’arrêter le programme H120. Airbus abandonne ainsi délibérément un créneau à Bell et à Robinson. Le risque est de perdre le lien avec une importante communauté de pilotes, certes privés plus que professionnels. Bruno Even validera-t-il ce choix ou tentera-t-il un retour dans les plus petits monoturbines ?

Un nouveau concurrent

Juste au dessus, la famille Ecureuil – H125 et H130 – va voir arriver un concurrent innovant, le SH09 de Kopter (ex-Marenco Swisshelicopter). Faut-il lancer un nouveau programme afin de le contrer ? L’Ecureuil, même s’il a été régulièrement amélioré et si sa position commerciale est enviable, est un produit vieillissant

Mais le remplacer serait à coup sûr un investissement important. De plus, les concepteurs du SH09 n’ont pas partie gagnée. On peut donc imaginer une situation où Airbus aurait beaucoup dépensé afin de présenter un successeur à l’Ecureuil… et où le programme SH09 échouerait, laissant Airbus à nouveau sans concurrent majeur sur ce créneau.

Le H160, toujours en cours d’essais en vol, pourrait faire l’objet d’une version militaire pour la France. © Thierry Dubois / Aerobuzz.fr

Plus haut dans la gamme, le H160 de la catégorie intermédiaire est toujours en cours d’essais en vol. Sa mise au point est plus longue que prévue. Bruno Even devra la conclure.

Chez les lourds, la situation est paradoxale. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a validé le retour en service du H225 et du Super Puma L2. Mais certains exploitants importants hésitent encore à leur faire confiance. D’une manière générale, le marché de la desserte des plate-formes pétrolières, clé sur ce segment, est au point mort. Ses acteurs sont sur la même longueur d’onde : cette situation est appelée à durer.

Mais l’année 2017 a été très bonne pour les ventes de la famille Super Puma (voir plus bas) grâce à d’autres clients.

Le X6 en veilleuse

De même que l’Ecureuil, le Super Puma a été amélioré mais ses bases sont anciennes. Faut-il le remplacer ? C’est ce pourquoi une phase « conceptuelle » avait été lancée sous le nom de projet X6.

Le X6, un projet de remplacement du Super Puma, a du mal à voir le jour. © Airbus Helicopters

Elle s’est montrée « non concluante », selon Guillaume Faury. Les fournisseurs n’auraient pas été prêts à fournir les technologies de rupture souhaitées. Et la demande future est jugée incertaine. Bruno Even devra reconsidérer le problème à court ou moyen terme.

CityAirbus est un véhicule VTOL électrique dédié à la mobilité urbaine et pouvant emporter quatre passagers © Airbus

Dernier chantier civil, et non des moindres : montrer que le projet CityAirbus de multi-rotor sans pilote a un avenir, au-delà de l’effet de mode.

Une fois n’est pas coutume, le marché militaire a été très favorable à Airbus Helicopters en 2017 et Bruno Even aura à cœur d’entretenir le mouvement. Il devra compter encore et toujours sur la famille Super Puma, dont 54 exemplaires ont été placés l’an dernier, en majorité à des clients militaires. Ironie de l’histoire, il souffrait comme PDG de Safran Helicopter Engines de l’usure prématurée des turbines Makila dans le Sahel. A présent passé de l’autre côté du miroir, il pourra maintenant demander des comptes à son successeur sur un problème qu’il connaît bien…

Le militaire, entre succès et incertitudes

L’avenir se présente aussi plutôt bien pour le H160M désigné pour le contrat HIL (Hélicoptères Interarmées Léger) français. Bruno Even devra toutefois ne pas relâcher son effort pour concrétiser l’opération. Si le choix du H160M pourrait difficilement être remis en question, l’avenir se jouera sur le calendrier et le nombre d’appareils. La cible totale serait maintenant de 169 H160M, alors qu’il était évoqué « entre 160 et 190 appareils » lors de la visite à Marignane du ministre de la Défense du moment, Jean-Yves le Drian. C’était il y a tout juste un an… Rare sont les programmes militaires dont les quantités de matériels commandés n’ont pas été consciencieusement rabotées au fil des ans…

Le H160M au premier plan emporte un panier roquettes sous le marchepied et une nacelle avec une arme automatique à l’avant. A l’arrière plan, une autre configuration avec des mitrailleuses en sabord. Les deux appareils sont équipés d’une tourelle optronique. © Frédéric Lert / Aerobuzz.fr

Pour ce qui concerne le calendrier, on est aussi dans le flou artistique… La DGA évoquait au début 2016 une possible accélération du programme. Changement de braquet, se sera finalement un ralentissement : le projet de LPM (Loi de Programmation Militaire) nous apprend que les premières acquisitions se feront désormais en 2022, avec les premières livraisons en… 2028 !

Lors de la présentation des résultats 2017 à la presse, Guillaume Faury conseillait alors à son successeur, qui n’était pas nommé, « d’explorer de nouveaux marchés et de capitaliser sur le succès du H160 ». Dès lors, il ne fait guère de doute que le H160M rejoindra le giron « HForce » un programme permettant d’équiper les appareils de la gamme commerciale d’un véritable système d’arme. Les qualifications à venir des appareils, à commencer par le H145, occuperont les années à venir.

Vers un Cabri dronisé

La LPM s’est révélée aussi relativement décevante aussi pour le VSR700, drone embarqué sur une base de Cabri G2 d’Hélicoptères Guimbal. La certification militaire de l’appareil est attendue pour 2019 mais les premiers appareils ne seront pas commandés par la DGA avant 2025, avec un début de livraison prévu pour… 2028 ! Le marché de l’hélicoptère dronisé est dit prometteur, mais il sait se faire désirer…

Le VSR700, un drone issu du Cabri, ne peut espérer une commande française qu’à long terme. © Airbus Helicopters

A plus long terme encore, le X6 – s’il est relancé – pourrait bien être tourné en premier lieu vers les militaires, dynamique de marché oblige. Reste qu’il ne faudra peut être pas compter sur la France comme client de lancement : en l’état actuel des choses, l’ALAT (Aviation légère de l’armée de terre) a renoncé clairement à l’idée de mettre en œuvre des hélicoptères lourds. Trop cher pour elle ! Ce que voudrait en fait l’ALAT, et avec elle la Marine et l’armée de l’Air, c’est disposer plus rapidement des appareils en révision, réparation ou modernisation chez les industriels. C’est une pierre dans le jardin d’Airbus Helicopters et Bruno Even aura pour mission de poursuivre les efforts de son prédécesseur en matière de satisfaction client, particulièrement quand ceux-ci sont institutionnels.

Délicates ventes de NH90 et Caracal

Sur le plan commercial, il lui faudra également ranimer le soldat NH90, en coma commercial avec zéro vente depuis deux ans malgré des promesses de plusieurs pays.

Et puis, parmi toutes les campagnes de ventes en cours, il devra également surveiller la Pologne qui, pour le moment, fait plus travailler le service juridique que la chaîne d’assemblage. On se souvient que La Pologne avait rompu les négociations portant sur l’achat de 50 hélicoptères multirôle Caracal, un contrat évalué à 3,14 milliards d’euros. Airbus Helicopters s’est depuis tourné vers un arbitrage international tout en participant parallèlement à un nouvel appel d’offres portant sur huit hélicoptères pour les Forces spéciales polonaises.

Thierry Dubois & Frédéric Lert

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Frédéric Lert et Thierry Dubois

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  • @Porco Rosso : Attention, c'est le H120 qui n'est plus fabriqué. Il n'est pas question d'arrêter le programme Ecureuil.

    • Bonjour Thierry,
      Je ne savais pas pour le H 120, mais je men doutais un peu vu le peu de succes de cette machine, son probleme a ete de ne pas vraiment avoir sa place sur le marche avec un prix trop eleve. Un bon ecureuil B2 d occasion est 2 fois moins cher et 3 fois plus efficace pour un meme cout d exploitation. Il a une seconde vie pour l ecureuil B2 un peu partout en ce moment a cause de cela. Un Arriel c est autrechose qu un Arrius..
      Bell avec son 505, va surement avoir plus de succes parmis les operateurs de jet ranger.
      Mais concernant le H 125, on sent bien cote operateurs et ventes que Airbus pousse aujourd hui les clients a acheter du H 130 T2 plutot que du H 125. Je pense qu a terme ils veulent aussi arreter le H 125. Mais attention, en performance le H 130 T2, ne sera jamais un H 125; d ailleurs les pays de hautes altitudes, comme le Nepal et l Inde l ont bien compris. Je pense que le Bhoutan a fait une erreur de miser sur le H 130, ils s en rendront compte quand ils rentreront dans de plus serieuses et delicates operations.
      Pour revenir a votre titre accrocheur sur le Kopter, meme si le projet Helvetique est tres seduisant, il a encore un grand chemin a accomplir avec des faits et du terrain!!
      A vouloir a en faire trop, pas sur que cela soit efficace. Et je pense qu ils n ont pas forcement choisi le bon moteur.. On sent bien une revanche d orgueil sur la France..
      De ce cote la ils sont encore bien loin de l Ecureuil qui lui a fait bien plus que ses preuves depuis 45 ans deja en depassant toutes les esperances de ces concepteurs.
      Merci encore pour vos articles et votre passion
      ;)

  • Comme dit votre legende sous la photo, (et quelle belle photo d ailleurs !)
    Quel dommage que Airbus laisse doucement tomber ce fantastique monomoteur, As 350 B3, alias H 125. C est pourtant ce qu ils ont fait de mieux depuis les alouettes!!
    Son cousin bimoteur le 355 a ete abandonne en 2015 malheureusement alors qu ils auraient pu devenir le petit bimoteur incontournable un peu partout.. Trop tard.
    Le H 135, ne le remplace pas du tout au niveau polyvalence, efficacite et confort.
    Il faudrait juste qu Airbus essaye enfin de faire un H 130 avec 2 moteurs maintenant, et arrete de "faire plaisir" a MBB. La boite a chaussure 135 (alias BO 108), ne se vend plus.
    C est le H 145 qui prend le dessus, mais il a un reel vide et manque sur le marche dans la classe des 3 tonnes, et Il semble qu Airbus ne veut plus faire de petites machines..
    L ecureuil approche les 10 000 machines vendues avec un succes inegale dans la gamme.. On ne poura pas en dire autant des autres.
    Fin d une epoque.

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