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Industrie

Airbus opte pour une motorisation hydrogène en pod

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Gilles Rosenberger

Airbus révèle un des scénarios étudiés pour la propulsion zero-émission : la nacelle à hydrogène. Il s’agit de nacelles « autonomes » et aisément démontables comprenant un système propulsif électrique complet : le réservoir d’hydrogène cryogénique, le circuit/système carburant, la pile à combustible, la batterie, l’électronique de puissance et de contrôle, le moteur électrique, la gestion thermique de l’ensemble et l’hélice.
L’avantage du principe de pod mis en avant par Airbus porte sur les facilités de maintenance (hors avion) et la possibilité d’un échange standard, et probablement une simplification des interfaces. Toutefois, l’intérêt du projet réside principalement dans une mise en concurrence plus facile de plusieurs motorisations pour un même avion.

L’idée d’un quick-change pour faciliter le remplissage du réservoir semble plus difficile à projeter. Ce concept fait l’objet d’une série de brevets déposés en 2018 et n’est pas sans rappeler celui du pod du démonstrateur Pipistrel HY4.

Airbus présente une première déclinaison de ce concept en l’appliquant sur un avion de la famille ATR. Ces avions sont aujourd’hui équipés de 2 turbopropulseurs Pratt & Whitney Canada de la famille PW100, offrant des puissances unitaires comprises entre 1.5 et 1.8 MW (selon les modèles ATR). En proposant 3 nacelles (pod) par coté, chacune devrait produire entre 0.5 et 0.6 MW.

Examinons rapidement la maturité de chacune des briques technologiques concourant à cette innovation.

Moteurs électriques

  • Les gros moteurs électriques aéronautiques déjà disponibles affichent aujourd’hui entre 250 et 300 kW de puissance continue (MagniX ou Rolls-Royce – Siemens) soit la moitié de ce qui est ici attendu mais, le montage de 2 moteurs coaxiaux identiques permettrait de fournir les 500 ou 600 kW nécessaires ; par ailleurs, un scénario de R&D qui doublerait la puissance d’une technologie jeune, n’est probablement pas irréaliste

Piles à combustibles (PAC)

  • Les meilleures piles à hydrogène fournissent aujourd’hui une trentaine de kW en laboratoire et le programme Européen FLHYSAFE (Safran+CEA+DLR+INTA, l’équivalent espagnol de l’ONERA) ambitionne d’augmenter la maturité de piles modulaires de 15 kW assemblables en série, et ce , d’ici 2023. L’assemblage de plusieurs piles en série sera nécessaire pour obtenir les tensions appelées par les moteurs (aujourd’hui de l’ordre de 500-600 V et prochainement plus proche de 1.000V). Il s’agit donc ici d’augmenter la maturité et la fiabilité de la technologie, pas d’en inventer une nouvelle.

Batteries

  • Un tel système électrique nécessite une batterie pour notamment gérer les phases transitoires et apporter rapidement de l’énergie en substitution d’une PAC dont la rapidité de réponse n’est habituellement pas très élevée. Il s’agit ici de batteries de relativement « faible » capacité mais offrant des vitesses de décharge élevées sans pénaliser leurs durées de vie. C’est probablement la brique technologique la moins mature de l’ensemble.

Réservoirs d’hydrogène

  • On sait construire des réservoirs cryogéniques passifs capables de conserver l’hydrogène à -273 °C pendant quelques heures mais le principal problème d’installation dans un avion est alors celui de son encombrement. Considérant un rendement global cumulé de la PAC et du moteur (de l’ordre 40%), la puissance attendue en croisière par chaque moteur (400 kW), la densité énergétique du LH2 (33 kWh/kg) et sa densité massique à -253 °C (70 kg/m3), alors 2 heures de vol nécessitent environ 1 m3 de LH2.

Systèmes support

  • Les systèmes support, notamment électronique de puissance, circuit hydrogène et gestion thermique, sont probablement les briques technologiques pour lesquelles l’adage « le diable se cache dans les détails » devra être le plus souvent appliqué.

Parmi les solutions proposées par Airbus pour sa démarche zéro-émission (turboprop hybrides, turbofan hybrides, aile volante) ce concept de pod avec pile à combustible semble être celui dont les briques technologiques offrent déjà le plus haut degré de maturité.

Gilles Rosenberger

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Gilles Rosenberger

Gilles Rosenberger se définit comme ingénieur, pilote (aile delta, planeur et avion monomoteur) et entrepreneur. Expert de la Nouvelle Aviation, il est un observateur avisé et bien informé des développements des nouvelles technologies et usages qui devront nous permettre de “voler moins carboné”. Il a construit son expérience et son expertise dans des sociétés telles que Socata, Aircelle, Safran, GECI-Skylander, Thales, Airbus-Voltair, Faraday Aerospace et Time To Fly.

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  • Dans ces domaines touchant au réchauffement climatique, en particulier, il ne faut pas confondre les "effets d'annonce" que publient les acteurs majeurs du secteur (à destination des groupes de pression, des actionnaires et des hommes politiques) et que la presse grand public se fait l'écho, avec les publications scientifiques que l'on trouve dans des ouvrages spécialisés, publications que tout ingénieur de recherche a sous son coude et avec lesquelles il travaille en fonction de ses crédits alloués pour faire avancer la Recherche dans la bonne direction.
    Les piles à combustible sont issues de travaux scientifiques extrêmement anciens (deux siècles environ) et tout comme les accumulateurs ont attendu qu'on ait vraiment besoin de les faire progresser. La difficulté c'est que l'on veut des solutions tout de suite et donc les exemples que l'on utilise sont basés sur les solutions actuelles les plus avancées, MAIS beaucoup d'autres voies existent.
    Une des difficultés dans la recherche scientifique c'est de faire le tri dans toutes les idées publiées pour savoir qu'est ce qui est plausible mais qui nécessite des moyens énormes pour les faire aboutir, les idées qui ne mènent à rien et les idées qui ont de l'avenir.
    L'accumulateur sodium/souffre a porté de grands espoirs alors qu'il y a fallu résoudre des problèmes technologiques ardus pour arriver à le construire.
    Depuis la nuit des temps on sait grâce à la théorie qu'il est possible de faire certaines choses mais pour cela il faut qu'un contexte extrêmement large au niveau de la technologie soit là pour entourer la réalisation.
    Un excellent exemple c'est la fibre optique dont le principe est connu des fontainiers depuis qu'ils savent faire des "fontaines lumineuses" mais pour faire un verre transparent sur des épaisseurs de dizaines de km c'est une autre histoire. Comment faire un verre d'une telle pureté ?

  • Bonjour à tous

    Avez vous regardé la durée de vie des piles à combustible industrielles et leur fiabilité ???
    Pas le top !
    Leur prix est à la hauteur des espérances mises en elles depuis plus d'un demi siècle sans applications pratiques et sans beaucoup d'espoir d'une baisse du cours du platine qui malgré des recherches sur un substitut possible , est le seul en lisse .
    Oublions les réserves mondiales de ce métal qui seraient insuffisantes pour une large diffusion......?
    Ce qui est le cas de beaucoup des métaux utilisés dans des technologies "nouvelles" vieilles d'un demi siècle et plus .
    Salutations

  • Le principal probleme de l'hydrogene est son bilan carbone catastrophique. On rejete autant de CO2 pour en produire que pour bruler du methane.
    Retour a la case depart.
    Il y a bien sur la couteuse filiere electrolyse mais qui n'offre un bilan carbone satisfaisant que si on utilise de l'electricite d'origine nucleaire.
    Tant que le probleme de production ne sera pas resolu , cette technologie avide de subventions publiques, comme les avions electriques, restera une curiosite de foire.

    • Je pense que si on ne tente rien pour pouvoir évoluer comme les débuts de l'Aviation; nous n'avancerons pas......
      Je reste sensible à la production carbone pour réaliser ses produits nouveaux!.....
      Quant aux subventions publiques, si elle sont judicieusement réparties, c'est bien mais.....

  • Ca va dans le bon sens ! Je ne croirai à l'électricité pour propulser des avions, des bagnoles ou tout autre mobile que lorsqu'on en passera par une pile à combustible.

    • Oui cela s'appelle le FUEL CELL c'est à dire la pile-carburant, c'est une pile à combustible très modernisée et dont le rendement a été fortement amélioré par rapport à celles que les USA ont envoyé dans l'espace (Gemini, Apollo, etc) dans les années 60.

    • C’est bien mais je persiste à penser que des hydrocarbures de synthèse resteront la meilleure solution pour faire voler des avions en mode « zéro émissions ». On peut produire ces hydrocarbures avec de l’électricité « verte », au sol , c’est moins difficile que de faire voler une pile à combustible - cf par exemple le procédé mis en œuvre par Audi : audi-mediacenter.com/en/audi-e-fuels-243

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