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Transport Aérien

Un nouvel espoir pour le MH370 ?

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Jean-Paul Troadec

L’annonce de la prochaine reprise des recherches de l’épave du Boeing 777 de Malaysia Airlines (vol MH370) par la société privée Ocean Infinity a fait renaître, parmi les proches des victimes et la communauté aéronautique, l’espoir de comprendre enfin les circonstances qui ont mené à la disparition de l’avion le 8 mars 2014, voilà bientôt quatre ans. Dans 90 jours nous pourrions en savoir plus. Les raisons de ce prudent optimisme…

Cet espoir a jusqu’ici été souvent déçu, au gré des communications plus ou moins fantaisistes faites au cours des recherches précédentes et, finalement, de l’annonce de leur suspension début 2017. Et pourtant, des moyens considérables avaient été déployés, en surface dans les premiers jours et en profondeur ensuite, comme nous l’avons rappelé.

Qu’y a-t-il de nouveau cette fois qui nous rend un peu plus optimistes, sachant que nous devrions être fixés assez rapidement puisque la durée de ces nouvelles recherches a été limitée à 90 jours ?

Les moyens mis en place par la société Ocean Infinity

Depuis les recherches conduites par le BEA entre 2009 et 2011Recherche de l’épave de l’Airbus A330-200 d’Air France (vol AF447) disparu dans l’océan Atlantique entre Rio-de-Janeiro et Paris-CDG, 1er juin 2009, et sans doute grâce à l’expérience acquise, les technologies d’exploration des grands fonds sous-marins ont fait de très grands progrès.

Il s’agit d’abord de la disponibilité des robots sous-marins porteurs de sonars aptes à détecter les épaves au-delà de 4.000m de profondeur, qu’il s’agisse d’avions, de navires ou de sous-marins d’ailleurs.

Disponibilité des robots sous-marins

Le nombre maximum de tels engins que le BEA avait été en mesure de mobiliser à l’époque, lors de ses recherches, a été de trois unités, ce qui représentait la totalité des appareils disponibles pour des usages civils : ici, la société Ocean Infinity va mettre en œuvre simultanément 8 robots, à partir d’un seul bateau. Il en résultera un gain de coût important, et, surtout, une efficacité démultipliée.

En effet, on nous annonce que le « Seabed Constructor » pourra couvrir 60.000 km2 en 3 mois à partir d’un seul navire alors qu’il avait fallu 8 fois plus de temps aux Australiens à partir de plusieurs navires  pour couvrir le double de cette superficie : cela représente un quadruplement de l’efficacité !

Cette efficacité permettra de réaliser les recherches dans des conditions météorologiques favorables avant le début de l’hiver Austral, alors que les recherches précédentes avaient été en partie lourdement handicapées par des violentes tempêtes.

Plus grande autonomie de robots

Les performances du dispositif mis en œuvre par Ocean Infinity portent sur les performances des robots eux-mêmes, dont l’autonomie passe de 22h environ à 60 h, et peut-être, surtout, sur la rapidité de mise en œuvre. Celle-ci est jusqu’ici ralentie par la nécessite d’assurer aux robots un suivi de navigation extrêmement précis tout au long de leur plongée. Leur GPS est en effet inopérant sous l’eau et la précision des centrales inertielles dont ils sont dotés dérive au cours du temps.

La technique utilisée jusqu’alors consiste à immerger au fond de la mer des balises dans toute la zone d’exploration prévue, à partir desquelles les robots peuvent se positionner. Cette opération assez lourde, ralentit leur mise en œuvre. Cette fois, ici, chaque robot sera suivi depuis la surface par une vedette autonome qui lui communiquera des informations lui permettant de recaler sa position : la mise en œuvre de cette solution apparait donc beaucoup plus rapide.

Tout ceci, combiné au nombre d’appareils mis en œuvre, explique sans doute le gain d’efficacité que la société Ocean Infinity affirme avoir validé.

Le contrat inédit entre le gouvernement Malaisien et Ocean Infinity

La nature du contrat passé entre le gouvernement malaisien et la société Ocean Infinity – qui ne sera payée de façon forfaitaire qu’en cas de découverte – est plutôt inhabituelle pour une opération de cette ampleur dont les enjeux portent sur plusieurs dizaines de millions d’euros.

Il faut donc que la récompense espérée soit suffisamment élevée par rapport aux coûts et à la probabilité de succès.

La probabilité de succès repose essentiellement sur la présence ou non de l’épave dans la zone explorée puisqu’on peut raisonnablement penser que l’épave sera découverte si on passe au-dessus.

Cela nécessite que Ocean Infinity ait toute liberté d’explorer la zone dans laquelle elle pense avoir des chances de trouver l’épave. C’est pourquoi le contrat ne contient pas de prescription à cet égard, mais fixe des plafonds de paiement en fonction de la surface explorée, pouvant aller jusqu’à 70 M$ au-delà de 25.000 km2. Il s’agit évidemment d’éviter un effet d’aubaine extraordinaire en cas de découverte dans les premiers jours de l’exploration !

Une nouvelle zone de recherche envisagée

Pour le moment, il semble que l’intention soit de Ocean Infinity soit d’explorer une surface contenue dans la zone de 25.000 km2 suggérée par un bureau d’études Australien et située au Nord de la zone de recherche précédente. Si l’épave y est trouvée après avoir exploré entre 10.000 et 25.000 km2, le paiement peut atteindre 50 M$, ce qui semble très supérieur au coût de revient pour la société. Par ailleurs, le plafond maximum de 70 M$ permet vraisemblablement de couvrir une surface supplémentaire importante, très au-delà de la zone envisagée.

Il est donc possible que la société Ocean Infinity se fonde sur des analyses complémentaires de celles publiées par les Australiens. Comme nous le montrions dans notre série d’articles précédents, celles-ci reposent sur une hypothèse forte, voulant que l’avion ait continué sa route sous pilote automatique et sans intervention humaine après avoir mis le cap sur le sud-est.

Un regard neuf sur tous les scénarios techniquement compatibles avec les données avérées.

Parmi les hypothèses alternatives, celle que l’avion ait continué en fait à être piloté délibérément selon une trajectoire évolutive en direction, altitude et vitesse, peut être compatible avec les enregistrements des signaux Inmarsat et aboutir à un point de chute situé encore plus au nord de la zone envisagée. C’est ce que suggère une étude récente d’experts indépendants.

Quoiqu’il en soit, le risque pris par Ocean Infinity, combiné à la perspective d’un « jackpot » en cas de succès ainsi qu’à une publicité extraordinaire dans ce cas les ont certainement amené à porter un regard neuf sur tous les scénarios techniquement compatibles avec les données avérées !

Jean-Paul Troadec

 

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Jean-Paul Troadec

Maintenant retraité, Jean-Paul Troadec a été directeur du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité aérienne), d’octobre 2009 à décembre 2013. Cette période a été notamment marquée par la conclusion de l’enquête sur l’accident du vol AF447 Rio-Paris à la suite de la récupération des enregistreurs de l’avion qui avaient séjourné 2 ans par 4.000 m de fond. Au cours de ses 42 ans de carrière professionnelle, Jean-Paul Troadec a notamment dirigé SEFA, l’école de pilotage de la DGAC maintenant intégrée dans l’ENAC et à la direction du service du contrôle aérien (maintenant la direction des opérations de la DSNA). Pilote IFR, il a effectué 2.000 heures de vols sur de nombreux types d’appareils, dont des turbomachines. Jean-Paul Troadec est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique (X67) et de l’Ecole Nationale de l’Aviation Civile.

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