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Industrie

L’industrie aéronautique mondiale renoue avec ses vieilles habitudes au salon de Dubaï

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Jérôme Bonnard

Le premier grand salon aéronautique de l’après-crise Covid-19 a déroulé à Dubaï (14-18 novembre 2021) un scénario connu avec à la clé de volumineuses annonces pour occuper le devant de la scène médiatique. Le salon de Dubai a surtout mis en lumière la bonne santé retrouvée d’Airbus et l’enlisement de Boeing.

Outre une présence remarquée des Russes, avec un nombre record de produits plus ou moins nouveaux, de l’avion de ligne à l’hélicoptère de combat (MS-21-310 à moteurs PD-14, SSJ100 Aurus, Mi-28NE, Ka-52E Alligator…), et sur le plan militaire l’acquisition de deux Airbus A330 MRTT supplémentaires pour les Émirats arabes unis, ainsi que deux A400M par l’Indonésie, les regards se sont surtout tournés vers les deux géants du transport aérien mondial.

Des annonces à relativiser

Au 31 octobre 2021 Airbus affichait un solde positif de « seulement » 125 commandes pour un total de 167 annulations depuis le début 2021. L’avionneur a triplé largement la mise en deux jours à Dubaï avec 408 appareils commandés. De son côté, son éternel rival Boeing était en avance fin octobre 2021, avec 309 commandes nettes (sur 720 avant annulations ou conversions) boostées notamment par les 140 et 258 737 MAX, respectivement pour Southwest Airlines et United Airlines. En revanche l’avionneur américain n’a pas dépassé la centaine de contrats cette semaine.

Avec désormais plus de 400 commandes des deux côtés sur 2021, (plus de 500 pour Airbus si l’on inclut la lettre d’intention annoncée aussi à Dubaï de 111 appareils pour le loueur américain ALC), les deux poids-lourds de l’industrie aéronautique mondiale continuent de se défier tout en surfant sur des projections optimistes sur l’avenir.

D’ici à 2040, l’avionneur européen prévoit que les compagnies aériennes auront besoin de 39.000 appareils, alors que l’américain a évalué les besoins en avions neufs à 43.500 appareils. La différence s’explique par le fait que Boeing inclue les avions régionaux dans son étude, et pas Airbus. Ils s’accordent sur un taux de croissance du transport aérien d’environ 4% par an sur les 20 ans à venir.

Le 737 MAX sauve la mise à Dubaï

La compagnie aérienne low-cost Akasa Air, toujours en attente de démarrage de ses opérations, a officialisé au troisième jour du salon sa préférence pour le Boeing 737 MAX. Elle commande 72 appareils, pour près de neuf milliards de dollars au prix catalogue selon l’avionneur, afin de « constituer sa future flotte ». Elle annonce ses premiers vols à mi-2022 à partir de Bengalore. Le contrat prévoit une première tranche de réception de dix appareils au début d’activité.

Avec plus de 4.000 commandes en cours depuis son lancement et 3.334 appareils restant à livrer (données Boeing), le 737 MAX est actuellement produit au rythme de 19 par mois, chiffre qui devrait passer à 31 début 2022 et « évoluer selon la demande » précise Boeing. En plus d’un Dreamliner 787 (le seul commandé au salon) et d’un 767-300 Freighter, Air Tanzania a également commandés deux MAX à Dubaï.

Toutefois, depuis les problèmes du 737 MAX, son carnet de commandes, donné pour près de 5.000 exemplaires en 2018, s’est vu réduire par un nombre conséquent d’annulations. Entre 2019 et 2020, Boeing a perdu pas moins de 876 commandes du modèle, annulées ou converties en commandes d’autres modèles.

Le 777X fait le show

Pour sa première sortie sur un salon international (et plus long vol direct en provenance de Seattle le 8 novembre 2021, effectué dans le cadre de sa campagne de certification), le triple 7 nouvelle génération de Boeing a marqué le coup. D’abord par sa toute première démonstration aérienne, époustouflante, notamment lors de virages serrés parfois sur la tranche et autres ascensions rapides…

La région du Golfe, avec les commandes de Qatar Airways et Etihad, représente les deux-tiers des 320 commandes passées depuis le lancement du programme en 2013.

En revanche, pas certain que cela suffise à apaiser l’impatience du client de lancement Emirates, exaspéré par les retards accumulés (quatre ans au total sur le programme) du 777X. Sa certification est désormais annoncée pour mi-2023 pour les premières livraisons fin 2023 selon Boeing. Lors du salon, l’emblématique patron de Emirates, Tim Clark, a prévenu. « Nous allons surveiller et être très attentifs sur le déroulement du processus de certification au cours des deux prochaines années… puis nous apporterons des précisions sur nos intentions quand aux livraisons… » tout en rassurant sur le maintient du choix de l’appareil…

L’incontournable famille A320neo

Outre sa commande phare de 2021 avec 255 A321neo pour le groupement Indigo Partners (Wizz Air : 102 appareils (75 A321neo + 27 A321XLR), Frontier : 91 appareils (A321neo), Volaris : 39 appareils (A321neo) et JetSmart : 23 appareils (21 A321neo + 2 A321XLR), Airbus a aussi annoncé 28 A320neo pour Jazeera Airways (dont 8 321neo) et 10 A220 pour Ibom au Nigeria.

Juste avant le salon, au 31 octobre 2021, l’avionneur européen affichait un insolant carnet de 7.556 commandes de la famille A320neo et 643 A220.

La bataille du fret est lancée

Face à la forte demande mondiale du fret, poussée notamment en 2020 par le e-commerce en pleine crise sanitaire, Boeing a fait part de ses ambitions dans la conversion de B737 en version cargo. L’avionneur ouvrira trois nouvelles lignes, la première en 2022 à Londres Gatwick et les deux autres à Kelowna au Canada chez KF Aerospace en 2023. L’opérateur loueur Icelease devient le client de lancement de la future ligne londonienne avec l’annonce au premier jour du Dubai Airshow d’une commande ferme pour 11 B737-800 BCF (Boeing Converted Freighter).

Mais Airbus en a profité dès le lendemain pour dévoiler le nom de son client de lancement et de son tout nouveau programme d’A350-1000 converti en cargo. Le géant américain de la location Air Lease Corporation a passé commande pour 7 appareils dédiés au fret. Ce nouvel avion-cargo d’Airbus lancé en septembre 2021 pour une entrée en service en 2025 et sera basé selon l’avionneur sur un A350-1000 raccourci. Il débarque en concurrence frontale avec le 777XF. Selon la presse américaine spécialisée, il devrait offrir une charge utile supérieure à 109 tonnes contre 103 pour le triple 7.

Boeing reste toutefois de loin leader sur ce marché, avec plus de 900 avions cargos en commande, marché qui a permis d’ailleurs de prolonger la vie de son légendaire superjumbo avec 100 exemplaires cargo du 747-8F. En outre, Dubaï Airshow a aussi vu 9 767-300BCF commandés par DHL, deux 777F par Emirates et un 767-300F de la part d’Air Tanzania.

ATR et Embraer marquent aussi leur présence

L’avionneur ATR, qui a fêté cette année ses 40 ans, a dévoilé plus de la moitié de ses contrats 2021 au Dubaï Airshow, soit 17 commandes au total cette semaine (et désormais 29 sur l’année dont 26 pour l’ATR 72-600).

La quasi-totalité des appareils commandés à Dubaï sont des ATR 72-600 pour des clients fidèles qui poursuivent le renouvellement de leurs flottes. On note 4 ATR 72-600 pour Binter Canarias (plus une option), 2 ATR 72-600 pour Tarom et pour Afrijet et enfin 5 pour Air Corsica.

Cette dernière est aussi cliente de lancement de l’ATR 72-600 équipé des nouveaux moteurs Pratt & Whitney PW127XT. Elle réceptionnera ses appareils entre novembre 2022 et février 2023. ATR a en outre signé une lettre d’intention avec la compagnie japonaise Toki Air qui deviendrait ainsi le tout premier opérateur de la version STOL (décollage et atterrissage sur courte distance).

De son côté, Embraer a modestement marqué sa présence avec trois E175 vendus à la compagnie aérienne du Nigeria Overland Airways avec des options pour trois autres. L’avionneur brésilien a aussi dévoilé sa vision du marché d’ici 20 ans avec une projection de 10.900 avions de moins de 150 places à livrer. Le brésilien partage avec l’américain et l’européen la même confiance en l’avenir.

Jérôme Bonnard

 

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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