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Industrie

L’ISAE-SUPAERO fait sa place à bord de l’aéronef du futur

Published by
Fabrice Morlon

L’ISAE-SUPAERO est en passe de posséder sa propre soufflerie aero-acoustique de 1.700 m2. Elle permettra à ses chercheurs et élèves d’étudier la traînée aérodynamique et les émissions sonores des aéronefs de l’aviation civile. Avec ce nouvel équipement c’est tout un campus qui entend réduire au silence les avions actuels mais aussi les aéronefs et engins volants autonomes de demain.

L’inspiration souffle sur le campus de l’ISAE-SUPAERO. Celle qui fera l’aéronef de demain, ou plutôt celle qui permettra d’imaginer le train d’atterrissage et les dispositifs hypersustentateurs des aéronefs de demain. Ce souffle est impulsé par la toute nouvelle… soufflerie, inaugurée fin septembre 2017 et qui devrait entrer en service en 2019, le temps de qualifier cet équipement unique et donc précieux.

Neuf millions d’euros ont été investis dans la soufflerie de l’ISAE-SUPAERO, supportés par la Région Occitanie, Toulouse métropole et la Direction Générale de l’Armement (DGA) © ISAE-SUPAERO

Rapprochement Supaéro et ENSICA

Il y a 10 ans, en 2007, Supaéro se rapprochait d’une autre école toulousaine, l’ENSICA (École nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques), pour former l’ISAE (Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace)- SUPAERO. Une soufflerie de taille équivalente était installée dans les locaux de l’ENSICA, qui n’a pas été reprise. « La mise en service de la nouvelle soufflerie aéroacoustique conclue cette phase de rapprochement des deux écoles » analyse Olivier Lesbre, directeur de l’ISAE-SUPAERO qui complète « toutefois, ce n’est pas une simple copie de l’ancienne : la nouvelle tourne deux fois plus vite et, surtout, mesure l’empreinte sonore. »

Un bras rotatif, bardé de capteurs acoustiques, tourne autour de la veine et permet de caractériser l’objet soufflé sous tous les angles © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Mach 0,24 ou 80 mètres par seconde

Si la veine est de taille comparable à l’ancienne (1,8 m x 1,8 m, 1.700 m2), la nouvelle soufflerie produit un vent de 80 m/s, soit Mach 0,24 la vitesse de l’aviation civile en phase d’approche. La différence majeure est qu’elle est équipée d’un système de mesure du son qui permettra de quantifier le bruit cellule hors bruit moteur. En clair, on cherchera avec cette soufflerie à mesurer l’écoulement, l’empreinte sonore produite par un train d’atterrissage en approche, par un volet de courbure, par un bec, bref par l’ensemble des dispositifs qui changent la configuration de l’avion en approche. Si l’ISAE-SUPAERO est placé sous la tutelle de la Direction Générale de l’Armement (DGA), la soufflerie aura toutefois pour objectif d’étudier l’architecture des aéronefs civils.

La veine guidée, de section carrée, permettra de souffler des objets situés à 4 mètres du sol et fixés sur un pylône © ISAE-SUPAERO

La jambe de train plus bruyante que le moteur

« En phase d’approche, le train d’atterrissage d’un moyen courrier représente 30 à 40% du bruit total de l’avion » explique Laurent Joly, chef du département aérodynamique et propulsion à l’ISAE-SUPAERO qui poursuit : « et pour un long courrier, on atteint 50% du fait des trains plus massifs. » En réduisant cette empreinte, on rendrait donc les zones aéroportuaires moins bruyantes. C’est d’ailleurs l’objectif affiché par le CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile) qui prévoit entre 50% et 65% de réduction non seulement des émissions de CO2 mais également des émissions sonores, entre 2020 et 2050.

Un motoventilateur de 800 Kw assure la propulsion à la vitesse maximale de 80 m/s soit Mach 0,84 avec un bruit de fond inférieur à 75 dBA © ISAE-SUPAERO

Complément aux modèles numériques

C’est là le pari que souhaite relever l’ISAE-SUPAERO en « offrant » à ses chercheurs un outil à la pointe de la technologie. Le Père Noël est un peu en avance cette année et a déposé sur le campus toulousain un cadeau à 9 millions d’euros. 70 jeunes chercheurs auront accès à l’installation fin 2018 ou début 2019 et pas uniquement pour plancher sur l’aviation commerciale.

« On parle beaucoup en ce moment de drones ou de mobilité urbaine » relève Laurent Joly qui précise : « s’ils sont nombreux à sillonner les airs, autant qu’ils soient silencieux. » Le nouvel équipement permettra ainsi aux chercheurs de développer des concepts d’aéronefs, en complément des modèles numériques. « La soufflerie aéro-acoustique est un formidable terrain de jeu pour imaginer l’aéronef du futur » complète Patrick Fabiani, directeur de la recherche à l’ISAE-SUPAERO.

43 entreprises sont intervenu sur ce projet à 9 millions d’euros qui tient dans un bâtiment de deux étages © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Recherches en partenariats

Ce nouveau moyen d’essai ne sera toutefois pas réservé aux chercheurs de l’école. Plutôt qu’un outil jalousement gardé, la soufflerie devrait s’inscrire dans le cadre de partenariats de recherche au niveau local, national et international, entre acteurs académiques de la formation et acteurs industriels en France et en Europe.

Quand on parle de soufflerie, on pense immanquablement à l’ONERA et à sa soufflerie de Fauga-Mauzac, située non loin de la cité toulousaine. Comme dans le Nord avec la plateforme CONTRAERO récemment mise en place entre les universités et l’ONERA, on imagine à Toulouse un partenariat similaire. Avant cela, l’ISAE-SUPAERO, l’ENAC et l’ONERA s’apprêtent à officialiser une fédération de recherche aéronautique et spatiale avant la fin de l’année, qui permettra de mutualiser les outils au service de la formation et de la recherche.

La nouvelle soufflerie de l’institut s’inscrira également dans un réseau de moyens d’essais aux caractéristiques complémentaires : souffleries de l’Ecole Centrale de Lyon, celle de l’ISAE-ENSMA à Poitiers, la soufflerie CEPRA19 de l’ONERA à Saclay et celle du GI-S2A opérée par Peugeot et Renault. Du côté des industriels aéronautiques, Airbus, Safran et Dassault ont été approchés pour mener des projets de recherche en partenariat.

Deux balcons escamotables permettent aux chercheurs d’intervenir sur l’objet soufflé au niveau de la veine © Fabrice Morlon / Aerobuzz

Feuille de route

Pour l’heure, la soufflerie aéro-acoustique est en phase de tests. Elle subit actuellement les essais de réception tant aérodynamiques qu’acoustiques, qui s’étendront jusqu’en fin d’année 2017. Les essais de qualification se dérouleront au premier semestre 2018. Le deuxième semestre 2018 verront la configuration de l’outil avant de pouvoir débuter les travaux de recherche en 2019.

Fabrice Morlon

 

 

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Fabrice Morlon

Pilote professionnel, Fabrice Morlon a rejoint la rédaction d’Aerobuzz, début 2013. Passionné d'aviation sous toutes ses formes, il a collaboré à plusieurs médias aéronautiques et publié une dizaine d'ouvrages, notamment sur l'aviation militaire.

View Comments

  • mach 0,84 c'est 280m/s : le 2 a du rester dans l'encrier
    80m/s c'est 288 km/h et aussi 155,5 Kt : : c'est plus proche de la vitesse d'approche d'un Liner

  • Bonjour,

    80 m/s pour une phase d'approche est vraisemblable. Mach 0,84 est une vitesse largement supérieure et pas de phase d'approche en tout cas. Laquelle est la bonne Svp ??

    Merci, bonne journée
    Frank Barbot

    • Bonjour Frank et merci pour votre remarque! En effet, j'ai glissé une coquille dans le nombre de Mach : c'est en fait Mach 0,24 et non 0,84, une vitesse bien trop élevée pour une phase d'approche d'un liner!

    • N'oublions pas qu'en soufflerie, on recherche un nombre de Reynolds équivalent à la réalité, donc à échelle réduite, il faut plus de vitesse !

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