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Industrie

Régime économique pour l’A380

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Gil Roy

L’avenir de l’A380 n’avait jamais encore été exprimé par Airbus avec autant de pessimisme. Pour la première fois, l’avionneur européen envisage l’arrêt du programme. Afin de se donner une dernière chance, Airbus se prépare à faire tourner sa chaine d’assemblage au ralenti.

Il y avait de la résignation, ce matin, dans le ton de Fabrice Brégier (président d’Airbus avions civils) et de John Leahy (directeur commercial d’Airbus), au moment d’évoquer l’avenir de l’A380. Combien de temps, le super jumbo européen leur survivra-t-il ? Les deux hommes qui ont porté à bout de bras le programme depuis des années ont fait leurs valises et sont sur le point de quitter l’entreprise. Dans quelques jours, ils ne pourront plus rien pour l’A380.

« Le jour de l’A380 viendra ! »

Ce matin, John Leahy manquait de conviction quand il a répété pour la énième fois que le jour de l’A380 viendra. A condition toutefois qu’Airbus lui accorde un nouveau sursis. C’est ce que s’est employé à préparer Fabrice Brégier l’année dernière, en imaginant la baisse de cadence de production au plus bas niveau possible, soit six avions par an, à compter de 2020. Le défi pour Airbus sera de maintenir au moins ce niveau de production industrielle dans les années à venir avant de profiter du remplacement des A380 et potentiellement de nouveaux marchés, affirme Brégier.

C’est un tour de force industriel pour l’avionneur. C’est surtout un effort aux limites du possible pour les équipementiers et plus encore pour les sous-traitants qui n’ont pas la surface financière du donneur d’ordres. Cela suffira-t-il ? Rien n’est moins sûr !

La solution Emirates

L’avenir de l’A380 est entre les mains de son plus gros client, en l’occurrence d’Emirates Airlines. La compagnie a la capacité de réceptionner un minimum de six avions par an sur les 8 à 10 ans à venir, a affirmé John Leahy. Mais si elle s’y refuse, Airbus n’aura d’autres choix que d’arrêter la production, a-t-il ajouté. Exit l’A380.

Fabrice Brégier a confirmé que les négociations étaient toujours en cours. Après avoir réclamé en vain une remotorisation de l’A380, Emirates exige aujourd’hui des garanties sur la poursuite de la production pendant au moins 10 ans encore. Avant de commander une trentaine d’exemplaires supplémentaires et alors qu’elle doit encore en réceptionner une quarantaine de ses précédentes commandes, elle cherche à préserver son investissement.

Et si la Chine se réveillait enfin

La Chine pourrait aussi offrir une issue de secours. Fabrice Brégier y croit. Il nous l’a confié la semaine dernière à Pékin. Il ne cesse de répéter qu’avec le doublement du trafic passagers tous les 15 ans, les compagnies n’auront pas d’autres choix. Encore faut-il que les prévisions des économistes du transport aérien se réalisent.

La centaine de journalistes spécialisés qui assiste habituellement à la présentation des résultats annuels d’Airbus, a suivi, ce matin, les exposés de Brégier et Leahy, en direct, sur internet. C’est autant de moins de passagers dans les avions. Si Airbus n’y met pas du sien, les prévisions risquent d’être intenables…

A380 vs 747

Si malgré tous les efforts de Brégier et de Leahy, Airbus décide d’arrêter l’A380, l’échec ne sera que relatif. L’A380 fait partie d’une stratégie globale. Il fallait un très-gros porteur dans la gamme Airbus pour contrer le 747 avec lequel Boeing faisait la pluie et le beau temps sur le segment de marché. Cette conviction, était celle de Jean-Luc Lagardère, alors actionnaire d’Airbus.

En 2017, le bilan annuel du 747 est comparable à celui de l’A380. Les deux avions enregistrent le même solde négatif de commandes nettes (-2), et à une unité près, le même nombre de livraisons : 15 pour l’européen contre 14 pour l’américain. Si ni le 747, ni l’A380, n’intéressent plus les compagnies aériennes, c’est peut-être la preuve que les économistes du transport aérien se sont fourvoyés.

Quoi qu’il en soit si désormais, Airbus est en passe de prendre l’avantage sur Boeing, c’est aussi un peu grâce à l’A380… qui n’a pas encore poussé son dernier soupir, ni dit son dernier mot.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Vous ne parlez pas du moteur perdu en vol,et des moteurs incendies .Nous savons le 747 aussi n'est pas tout blanc.Les bireacteurs sont suffisants dans tous les domaines.Pilotes
    hotesses,aiment leurs 777 les voyageurs aussi.

  • Je verrais bien plusieurs A380 régimentaires pour aller mettre de l ordre dans les petits pays du tiers-monde guerroyant en tributs et dont les émigrés coutent très cher a l Europe , leur situation est dramatique !

  • La manoeuvre est en cours depuis plusieurs mois pour pleurnicher des subventions du contribuable. Après qu'ait couru le bruit qu'Airbus avait 6000 ingénieurs en trop, on sent le chantage à l'emploi et la nécessité d'aider à passer un moment qui ne serait qu'un mauvais cap.
    A l'origine de tout ça, des études de marchés bidon et orientés pour faire croire qu'on vendrait 10 avions par mois. Toujours la folie du toujours plus. Les responsables préliminaires ont ils été sanctionnés? Bien sûr que non, Airbus being much too big to be faulty....

  • Que voulez-vous... Les grands quadrimoteurs sont morts ! Les compagnies ne jurent plus que par le bimoteur !
    Ou alors il est grand temps que l'A380 soit utilisé à ce pour quoi il a été conçu et certifié : le transport haute densité avec 700-800 PAX dedans...
    Et non pas utilisé comme une berline de luxe de première classe imitant un jet privé... Les grands bimoteurs modernes transportent actuellement quasi autant de monde qu'un A380 tels qu'ils sont utilisés !!!

  • L'arrêt du programme A380, serait pour AIRBUS, l'équivalent de la retraite de Russie pour Napoléon : dramatique mais pas insurmontable. En attendant accrochons nous aux deux dernières phrases de l'article...

  • Ce serait domage que ce bel oiseau super confortable tire sa reverance, mais bon il souffre d'un mal chronique (soute a bagages trop petite) et doit faire face a la concurrence des gros BI comme le A350 ou le 777-X.

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