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Dépose minute

15 centimes

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Gil Roy

Par tradition, le dimanche du premier tour des élections présidentielles (c’est encore plus vrai pour le deuxième tour), jusqu’à 20 heures, les médias parlent de tout sauf de politique. Interdit d’influencer les électeurs au moment où ils s’apprêtent à mettre leur bulletin dans l’urne. Ce soir, quelques secondes avant 20 heures, les télévisions enclencheront le compte-à-retour et à 20 heures précises, fidèles à leurs habitudes, elles feront monter le suspense en mettant en scène les premières estimations. A cet instant précis, depuis une bonne heure déjà, les réseaux sociaux auront commencé à commenter les premiers résultats. TF1, France 2 et les autres sont là pour sauver les apparences d’un débat démocratique maîtrisé.

Aerobuzz.fr étant attaché aux traditions – il vous l’a encore prouvé récemment – il ne sera pas question de politique ce matin. Pas de risque : nous avons suffisamment à faire avec Airbus qui, une nouvelle fois, démontre qu’il a une dent contre l’industrie française. Nous pourrions aussi parler d’une remise de gaz à Roissy qui a affolé les médias. Tout sujet est bon à prendre, sauf, évidemment, l’exclusion de l’essence d’aviation de la remise carburant entrée en vigueur le 1er avril. L’arrêté du 25 mars 2022 est sans ambiguïté : tout le monde bénéficie des largesses de l’Etat. Tout le monde, sauf l’aviation. Nous l’avons promis : pas de politique ce matin ! Ni de polémique qui risquerait d’être mal interprétée…

Et puis ce serait mesquin de polémiquer pour 15 centimes d’euro par litre, même si cette mesure opportune fait l’unanimité des consommateurs qui en bénéficient. Sauf peut-être chez les écologistes et une partie des 12 candidats qui auraient fait plus s’ils avaient été au pouvoir. Mais là nous touchons à la politique.

Depuis le début de la semaine, les organisations représentatives de la filière aéronautique ont exprimé leur indignation. Une couleuvre de plus à avaler. De là à en faire une affaire d’Etat… Gardons notre sang-froid : il ne s’agit que d’une mesure temporaire. Dans quatre mois, tous les compteurs seront remis à zéro. Plus personne ne bénéficiera d’aide. L’aviation sera, à nouveau, logée à la même enseigne que les automobilistes, les transporteurs routiers et les plaisanciers.

Certains, du côté des aviateurs, feront remarquer que 15 centimes, c’est toujours bon à prendre. Même si ce n’est que pour quatre mois. Cela aurait presque permis d’équilibrer (ne serait-ce que pendant quatre mois) la surtaxe de 20 centimes d’euros par litre d’AvGas consentie à la Convention citoyenne pour le climat. La Planète ne s’en serait même pas aperçue… Les finances publiques non plus. Il est probable que le GIEC n’est pas loin de partager cet avis.

Bouc émissaire un jour, bouc émissaire toujours. Qu’il s’agisse de la convention citoyenne pour le climat de 2020-21 ou de la remise carburant de 2022, l’aviation bénéfice d’un traitement de faveur. Ce n’est plus de l’aérobashing, c’est de l’acharnement. Et pour quel bénéfice, écologique comme électoraliste ?

A part les aviateurs, quel électeur se souvient aujourd’hui, au moment d’aller voter, qu’au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, l’aviation légère est taxée d’un côté et exclue de l’autre ? En revanche, l’élève-pilote sait ce qu’il lui en coûte. Et si au moins, il pouvait être convaincu que les efforts demandés à la petite aviation contribuent à équilibrer le bilan carbone de la planète, il pourrait voler l’esprit léger en se raccrochant à la satisfaction de participer à l’effort général. Même pas…

Aujourd’hui, c’est le premier tour de l’élection présidentielle et la voix d’un aviateur prise individuellement compte autant que celle de chacun ou chacune des douze candidats. Alors usez de votre droit. Allez aux urnes la tête haute et la conscience en paix, votre vote n’a pas de prix.

Gil Roy

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

View Comments

  • Excellent papier comme d'habitude Gil ! Merci et bon vote à tous.
    Nous, ici à Shanghai, nous en sommes privés....

  • Bravo Gil.
    Ton article énonçant (dénonçant ?) une vérité incontestable sur l'état des lieux du traitement de l'aviation en France par une population manipulée et culpabilisée à outrance avec des discours aussi faciles que faux est un sans-faute.
    En plus, il y a de l'humour (certes peu accessible à ceux qui gobent toutes ces sourates d'une écologie de salon, l'inverse de ce qui pourrait faire bouger intelligemment les choses, mais le niveau des croyants de cette nouvelle religion verte est peu compatible avec cette option non dogmatique...).
    Un mot encore sur cette "convention citoyenne", concept faussement populaire qui semble justifier ce statut de pestiférés de l'aviation et des aviateurs dont se régalent tous les intellos sauveurs de planète qui peuvent ainsi avec fierté concrétiser leur jalousie de ceux qui peuvent simultanément se faire plaisir et faire preuve de discernement...
    Le format de cette convention était le plus malhonnête qui puisse être ;
    On a posé à des personnes neutres (ça aurait pu être nous, mais pas sûr qu'ils en aient pris le risque...) une série de questions du type : "qu'est-ce qui pollue le plus : rester assis dans le jardin ou prendre sa voiture ?" Ou encore "vaut-il mieux, pour diminuer les émissions de CO2, augmenter le chauffage quand on a froid ou se serrer tous nus à quatre dans une seule couverture de laine bio râpeuse ?"
    Etc...
    Toute personne honnête (même moi) aurait bien-sûr donné à chaque fois la réponse la moins polluante...
    La magouille consistait ensuite à additionner les "bonnes réponses" (forcément majoritaires, à part si l'échantillonnage était composé d'abrutis) et à en tirer des conclusions valant pour évidences du genre : supprimer les voitures, les radiateurs, les avions, les motos, les stations de ski, les cuisinières, les animaux de compagnie, les vaches, etc.
    Comme on ne pouvait pas, du jour au lendemain, forcer les gens à vivre comme kromagnon on n'a retenu des conclusions que celles qui, en plus, flattaient les plus frustrés : suppression des avions, des grosses voitures, des bateaux de croisière, etc. mais bien-sûr pas des smartphones, des stades de foot ou des télés grand-écran pour suivre les intrigues fabuleuses de la téléréalité.....
    Et voilà, le tour était démocratiquement joué....
    Bon, j'arrête vite, il faut que j'aille voter....

    Jean-Baptiste Berger

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