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Aviation Générale

Electro AN 1 (2/5) – Le SW 128 Velis Electro en chiffres

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Gabriel Gavard

Dans ce deuxième épisode de la série consacrée au SW128 Velis Electro, nous vous proposons une lecture des manuels de vol et d’exploitation du biplace électrique certifié de Pipistrel. Nous revenons aussi sur les différents accidents qui ont impliqués des avion, des ULM et des prototypes électriques ces dernières années et nous présentons une analyse des coûts d’exploitation.

Plusieurs articles rapprochant le Velis Electro de l’Alpha Trainer, le biplace basique de Pipistrel issu du Virus SW, j’ai ressorti mes notes de 2014 prises lors de l’essai d’un des premiers modèles pour le magazine Aviasport. Mais la lecture des publications techniques officielles m’a vite alerté sur le grand écart entre le biplace ULM d’alors et l’avion électrique certifié d’aujourd’hui. Les deux machines se ressemblent, certes, mais nous allons voir que les différences ne limitent pas à la motorisation et ses particularités.

Évènements électriques

Avant tout, cette question que tout utilisateur peut légitimement se poser : quid du « risque électrique« , en particulier de feu en vol ?

L’accidentologie des nouveaux avions électriques et les déboires de leurs systèmes (batteries lithium et électronique de puissance) détaille un sévère endommagement des batteries de Solar Impulse, des incendies destructeurs de prototypes (Alice, Lilium Jet, MC-30E) et quatre accidents ayant fait l’objet de rapports complets : celui du MC-15E immatriculé PH-THE en 2013, du Magnus eFusion HA-XEF en 2018, de l’Alpha Electro I-D057 en 2018 et de l’Alpha Electro LN-ELA en 2019. Les trois premiers ont été détruits par le feu, mais celui-ci a été provoqué par l’impact du sol.

Ces accidents mortels ont tous pour origine des évolutions à trop basse vitesse.

Le quatrième a subi une panne moteur suite à une erreur de maintenance. Le pilote a mené un atterrissage d’urgence au terme duquel l’Alpha Electro a été endommagé, sans départ de feu consécutif. Ainsi aucun départ de feu en vol n’est actuellement documenté.

Mais à propos de grand écart entre un ULM et son « descendant » électrique, l’exemple du Magnus Fusion et du Magnus eFusion peut prêter à réflexion sur l’influence de la masse sur les caractéristiques de vol. Celle-ci impose à un pilote formé sur la version « normale » d’avoir sur la version électrique à « oublier » les automatismes acquis, même en situation de danger immédiat. Dans ce cas, le Magnus Fusion thermique pèse 310 kg à vide avec 1h30 de carburant, pour 455 kg au eFusion. Soit une différence de masse équivalent pratiquement à deux passagers supplémentaires. Aux basses vitesses, le comportement des deux machines est radicalement différent.

Au-delà de l’Alpha

Le SW128 Velis Electro a été précédé de deux biplaces électriques de même architecture. L’unique exemplaire du premier, le WATTsUP, a pris l’air en août 2014. Ce prototype du biplace basique Apha Trainer électrifié en lien proche avec Siemens a été utilisé pour valider les solutions qui ont mené au second, l’Alpha Electro, développé en autonomie par Pipistrel et produit en série. Très rapidement, ce nouvel Alpha s’était avéré opérationnel et la réalité d’une aviation électrique était apparue dans plusieurs pays, dont la France avec le Fab-Lab de la FFA débuté au printemps 2018.

Le Velis Electro semble reprendre l’essentiel de l’Alpha Electro, et même ses lignes. Pourtant sa cellule n’est plus apparentée à la gamme Alpha, mais à celle du Virus initial. Car vis-à-vis des autorités aériennes de ces pays dont la bienveillance ne pouvait règlementairement se limiter qu’à l’émission de laisser-passer, il était indispensable pour Pipistrel de parvenir à certifier ce biplace électrique.

Disposant du Virus SW 121 classé CS-VLA depuis avril 2016, l’avionneur slovène s’est logiquement orienté sur un complément de son certificat de type avec le modèle Virus SW 128 (nom commercial Velis Electro) pourvu d’une motorisation électrique. « Cette certification courte a été rendue possible par une coopération étroite entre l’EASA et le constructeur« , résume efficacement Wikipédia. Ainsi, le 10 juin 2020, le certificat de type EASA.A.573 relatif aux appareils de type Virus SW 121 a été étendu à la variante Virus SW 128 à propulsion électrique (Certificat de type).

Les autorités des nations investies dans cette mobilité correcte se sont alignées, à l’image de notre DGAC en avril 2021, à l’arrivée des premiers exemplaires : « En matière de qualification des pilotes, de cadre de gestion de navigabilité et de maintenance, et de conditions d’exploitation, certaines dispositions de la règlementation européenne (qui est applicable en France) ne sont pas adaptées aux spécificités de la propulsion électrique. Des évolutions réglementaires sont prévues pour y remédier. En attendant, comme l’y autorise la règlementation européenne, des dérogations ont été octroyées par la France pour permettre l’exploitation du Virus SW 128« .

Le SW 128 Velis Electro en chiffres

L’évolution jusqu’à la certification électrique s’est comme à l’accoutumée accompagnée d’un accroissement de masse du biplace et d’une augmentation de prix. Le passage de l’Apha Trainer (59 kW, 279 kg à vide – 550 kg max) à l’Alpha Electro (60 kW, 379-550 kg) s’était traduit par un accroissement de 100 kg et augmentation de 60.000 € (65.000 à 125.000).

Celui du Virus SW 121 (73 kW, 349-600 kg) au SW 128 (58 kW, 428-600 kg) s’accompagne de chiffres réduits : 79 kg et 15.500 € (169.500 à 185.000). Encore plus que l’Alpha Electro par rapport au Trainer, le SW 128 est allégé de plusieurs éléments du SW 121 : parachute, aérofreins, hélice constant-speed, carénages, chauffage, …

Pour le coût d’utilisation du Velis, le magazine Flyer a publié un calcul sur un an d’utilisation basé sur des chiffres de Pipistrel. Au-delà de 500 heures de vol annuelles, le coût horaire serait de 53,95 €, le poste principal étant la dépréciation (près de 37 € d’amortissement sur 10 ans), la maintenance comptant pour 15,97 € et l’énergie pour seulement 1,08 €. On est donc surpris par les calculs de Green Aerolease et Avialpes, qui arrivent quant à eux à des chiffres horaires supérieurs au triple.

Car Flyer oublie deux paramètres : l’assurance et les batteries. Aerobuzz avait dévoilé l’énormité du premier  : 15.600 €/an. Tout comme celle du second dans la présentation de Gilles Rosenberg : « Pipistrel garantit 500 heures les premières batteries du Velis Electro. Son prix de remplacement 22.000 € HT conduit à provisionner plus de 50 €/heure« .

Et Flyer néglige une troisième réalité, celle de boucler 500 heures par an en Velis (sans parler des 800 h/an également calculées par le magazine). Car si cinq exemplaires du biplace certifié sont produits par mois, seulement 1.500 heures de vol ont été réalisées pour la totalité de la flotte durant la première année de mise en service. L’actuel record de distance en une journée de seulement 327 km, soit moins de 2h30 de vol, ne témoigne pas non plus d’une utilisation intensive.

Pour l’heure, Green Aerolease, principal client du SW 128, base son calcul sur 120 h/an, et Alpin Air Planes, principal utilisateur, dit atteindre une moyenne de 15 h/mois. De fait, les 165 et 175 €/h calculés actuellement par les deux opérateurs français semblent très serrés.

Avant l’envol, plongée dans les manuels

La comparaison des manuels de vol du Virus SW 121 (SW121 Pilot’s handbook) et du SW 128 Velis Electro (Velis Electro SW 128 Pilot’s handbook) montre qu’en dépit d’une certification conjointe, leurs cellules se distinguent en particulier par les voilures et les performances qui leurs sont liées.

Le Velis Electro ne dispose plus d’aérofreins, avons-nous vu, mais à l’autre extrémité du domaine de vol ses flaperons (plans combinant ailerons et volets sur toute l’envergure) ne disposent plus non plus de la fonction « reflex » (- 5°). Leurs angles de braquages sont ainsi limités à 0, 8 et 19° (pour mémoire 0, 15 et 25° à l’Alpha Trainer). La puissance moindre du Velis contribue également à une vitesse de croisière inférieure : 93 kt à 36 kW (73,5%) versus 119 kt à 75% au SW 121 à la masse maximale de 600 kg. À noter qu’à la puissance de 38 kW (55% des 69 kW continus du 912 S3), le SW 121 conserve un avantage de 9 kt. N’oublions pas que celui-ci dispose également d’une hélice constant-speed, de plus d’un diamètre supérieur à celle à pas fixe du SW 128.

Les différences de puissance et d’aérodynamique sont respectivement importantes au décollage et à l’atterrissage. En conditions ISA, le SW 121 utilise 320 m avant de passer les 50 ft, dont 160 m d’asphalte, pour 448 et 240 m au SW 128. Au retour, le SW 121 nécessitera 445 m des 50 ft à l’arrêt, dont 260 m de piste, pour 537 m dont 183 (grâce au freins Beringer ?) au SW 128.

Des 50 ft au toucher, le modèle électrique couvre ainsi une grande distance, presque double de celle du thermique : 354 m contre 185 m. Ce paramètre sera impérativement à prendre en compte.

Aux extrêmes des plages d’utilisation, le SW 121 dispose d’une VNE atteignant 163 kt contre seulement 108 kt au SW 128. De même pour la « Maximun operating altitude« , celle du SW 121 est fixée à 18.000 ft (5.486 m) contre à 12.000 ft (3.658 m) au SW 128.

Sans surprise, pour le décrochage, les différences sont minimes. Selon les manuels de vol respectifs, il survient à 49 kt en lisse et 43 kt pleins volets en SW 121, contre 51 kt et 45 kt au SW 128.

L’électrique prend l’avantage en niveau sonore : 60 dB contre 70 au Virus, sachant que 3 dB correspondent au doublement de l’énergie sonore reçue.

Explications électriques

Le manuel de vol du SW 128 Velis Electro se distingue par les particularités électriques de ses chapitres 3, 4, 7 et 9. Le 3, « Emergency procedures« , compte pas moins de 71 pages. Disons qu’après les détails des différents feux et surchauffes et les check-lists afférentes, les lignes consacrées au givrage de la cellule et à l’amerrissage apparaissent rafraichissantes. Le chapitre suivant « Normal procedures » dédramatise l’utilisation de la nouvelle énergie, et confirme l’importance capitale de l’EPSI. Le chapitre 7 « Airplane description » présente utilement l’ensemble des systèmes, dont les deux de refroidissement qui contiennent plus de liquide que celui des Rotax des avions précédents. Le chapitre 9 est entièrement consacré à l’EPSI aux trois fenêtres cruciales pour l’utilisateur, détaillées dans l’article précédent.

L’ensemble des chapitres cités du manuel de vol du SW 128 constitue une excellente base de connaissance de l’adaptation de l’énergie électrique à l’aviation légère.

© Pipistrel

© Pipistrel

Beaucoup plus que les manuels de vol habituels des avions thermiques, celui du SW 128 détaille en chapitre 5 « Performance data » les limitations imposées par l’énergie disponible. Avant tout, l’avion n’est utilisable qu’entre -20 °C et +35 °C. La température des batteries doit être d’au moins 0° et ne doit pas dépasser 45°.

L’utilisateur est mis en garde sur l’influence des SOCSOC : « State of charge » ou niveau de charge des batteries, correspondant au niveau de carburant dans les réservoirs.et SOHSOH : « State of health » ou état de santé indique le niveau de dégradation des batteries, qui diminue leur capacité. Cet état est fonction du nombre et de l’intensité des cycles de charges/décharges, ainsi que de l’âge et de l’utilisation des batteries.pour l’autonomie et le rayon d’action. En 5.9, deux tableaux précisent l’autonomie en fonction de l’altitude, de la puissance et du SOH, le premier avec une réserve de 10 mn à 20 kW (vol local) (Local Flight), le second avec une réserve de 30 mn à 20 kW (navigation).

En 5.11, la consommation d’énergie est chiffrée pour chaque phase de vol (Conso/phase de vol). Ainsi, comme les manuels de vol habituels présentent un exemple de centrage, celui du SW 128 détaille en plus des exemples de préparations de vol (détermination du point de non-retour, calcul global de la consommation en additionnant toutes les phase d’un vol).

Sachant qu’au retour, il doit au moins rester 30% de SOC (15% n’étant pas suffisant pour un tour de piste normal, prévient le manuel).

Avialpes est, historiquement, le premier exploitant privé en France, du Velis Elctro de Pipistrel. © Gabriel Gavard / Aerobuzz.fr

Préparation au vol plus compliquée, coût horaire plus élevés, vols plus courts demandant une attention plus soutenue, plage de vitesse plus réduite, aérodynamique plus exigeante en tour de piste : comparé à un habituel avion d’aéroclub, le SW 128 n’a t-il que son silence et son bilan carbone à faire valoir ?

Non, car, excepté le coût horaire imposé par son avant-gardisme (assurance, batteries), ses contraintes sont plus formatrices pour la nouvelle aviation en gestation. Et c’est bien sur ce marché de la formation d’avenir que le nouveau-venu se diffuse avec succès.

Gabriel Gavard

Mercredi 11 août 2021 à 9h30 – Electro An 1 ( 3/5)

« Le SW 128 Velis Electro à l’épreuve des opérations « .

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Gabriel Gavard

Pilote avion et ULM depuis 1984, c’est par la construction amateur et les revues techniques (Fox-Echos, qu’il a créée, puis Experimental dont il sera rédacteur en chef) que Gabriel Gavard a abordé la presse aéronautique en 1994. Rédacteur en chef d’Aviasport de 2005 à 2011 et d’ULM-Info de 2017 à 2020, collaborateur à Aerobuzz.fr depuis 2012.

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