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Pour qui la fève ?

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Frédéric Lert
© Vincent / Aerobuzz.fr

La Direction Générale de l’Armement vient de sortir du four la belle galette des rois qu’elle  préparait amoureusement depuis quelques mois. Autour de la table, deux convives qui se connaissent bien : Dassault Aviation et Airbus. L’heure du partage ne va pas tarder et on saura bientôt qui aura la fève, qui sera le roi de la patrouille maritime à la française…

Le remplacement des derniers Atlantique 2 (« Dassault Aviation » à l’état civil mais avec « Breguet » pour nom de jeune fille), nous rappelle que le temps des avions spécialisés est terminé. L’Atl2 est une survivance d’une époque riche ou l’on pouvait se permettre de dessiner un avion pour la seule mission de patrouille maritime. Les derniers à avoir tenté le coup sont les Japonais avec le P1 : 60 appareils construits. On ne rit pas, c’est deux fois plus que pour l’Atl2…

L’heure est à présent aux avions civils adaptés à la mission. L’utilisation d’un Airbus A320 ou d’un Falcon 10X pour astiquer les océans est un bon indicateur du niveau de performance atteint par ces appareils, et en particulier de leur motorisation qui conjugue incroyablement bien puissance, sobriété et fiabilité.

Coup de chapeau donc aux motoristes. Ce sont eux et eux seuls pratiquement qui tirent l’aviation, qu’on se le dise. Les grandes ruptures, c’est aux motoristes qu’on les doit. Moteur turbocompressé, réacteur, turbomoteur, double flux, cycle variable, électricité, hydrogène… Les moteurs ouvrent la brèche dans laquelle les bureaux d’études s’engouffrent pour ensuite donner naissance à de nouvelles générations d’avions.

Ce sont donc aujourd’hui le Leap de CFM International, le PW100G de Pratt & Whitney et le Rolls Royce Pearl qui rendent possible les missions au long cours (en haute altitude du moins…)de l’A320 Neo ou du Falcon 10X. Deux avionneurs, deux beaux avions, mais deux avions très différents pour une même mission.

Airbus a aujourd’hui les mains pleines avec un carnet de commande de plus de 7.000 appareils, à 90% de la famille A320Neo. Que pèserait dans ce contexte la fabrication de quelques dizaines d’A320 spécialisés ? Pas grand-chose, à part une belle opportunité de se compliquer la vie en production. Mais aussi la possibilité de remonter sur le ring face au P-8 Poseidon de Boeing, après la tentative avortée il y a quelques années de faire de l’A320 un avion multimission. Les questions de fierté méritent bien quelques sacrifices.

Les enjeux sont différents pour Dassault Aviation. Le carnet de commandes est étoffé, mais à l’échelle d’un artisanat de luxe. Une commande pèserait lourd, particulièrement pour un Falcon 10X en début de carrière. Et surtout, il y a pour l’avionneur de St Cloud une compétence à préserver, une gamme à faire vivre. Après les Falcon 200, Falcon 50 et autres Falcon 2000, après les études sur les 6X et 8X, après aussi l’idée sans lendemain d’une troisième génération d’Atlantique, un Falcon 10X de patrouille maritime offrirait peut-être une dernière opportunité de développer un avion marin. Impossible pour Dassault de laisser passer cette occasion.

Airbus ou Falcon, les deux solutions techniques se valent. Les uns et les autres sauront accrocher des missiles sous la voilure, greffer des radars et même plaquer des soutes ici ou là… Le choix se fera ailleurs : coût d’opération, volume de l’équipage, et surtout répartition des rôles entre les deux avionneurs, avec en toile de fond un autre programme lourd d’enjeux industriels, le SCAF. Alors, pour qui la fève ? 

Frédéric Lert

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Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une vingtaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

View Comments

  • Il est certainement excessif de prétendre que les motoristes, et eux seuls, tirent l'aviation. Un bon avion a certes besoin de bons moteurs, mais ce n'est pas tout.
    Sinon, le PW JT8D aurait à lui seul assuré le succès du "Mercure", comme il l'a fait pour le B737. De même, le programmes de remotorisation d'avions civils grâce au CFM, pourtant excellent moteur, n'ont connu qu'un succès limité.
    Il ne faut pas négliger les progrès considérables en matière d'aérodynamique, de calcul des structures ou encore de matériaux nouveaux.
    De même, la sécurité aérienne a beaucoup progressé grâce aux équipementiers (GPWS/ EGPWS, TCAS,...) et aux constructeurs (commandes électriques et protection de l'enveloppe de vol).
    Les motoristes ont largement contribué aux progrès de l'aviation commerciale, mais ils ne furent pas seuls.
    Compagnies et autorités ont aussi beaucoup oeuvré pour développer cette industrie.

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