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Transport Aérien

[Rétro 2020] Le glas sonne pour les quadriréacteurs

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Jérôme Bonnard

L’arrêt en 2020, presque simultanément, des deux derniers grands programmes de Super Jumbo civils, l’A380 d’Airbus et le 747 de Boeing, officialise le début de la fin de l’ère des quadriréacteurs. Le Covid-19 a incité les compagnies aériennes à anticiper également le retrait de leurs flottes, des B747, A380 et A340. Un chapitre de l’histoire de l’aviation se clôt.
L’une des images fortes de 2020 restera la sortie du dernier A380 de la ligne d’assemblage final (FAL) Lagardère à Toulouse, sous les yeux des équipes. Ce 23 septembre 2020, Guillaume Faury le PDG d’Airbus, était là… Son prédécesseur, Tom Enders, avait programmé l’arrêt, faute de commandes suffisantes. L’arrêt de la production est intervenu plus tôt que prévu alors. Le gros porteur long-courrier n’aura au final été construit « que » à 251 exemplaires.

L’A380 est, et restera, un avion plébiscité par les passagers et les pilotes, un avion silencieux, stable, maniable et sécurisant à la fois. La grave avarie moteur du vol AF66 au-dessus du Groenland en 2017 ne remettra pas en cause sa solide image d’avion sûr…

« L’A380 est une belle expérience humaine, mais sa naissance, peut-être une décennie trop tard dans un contexte défavorable à l’heure où des biréacteurs ETOPS se taillaient déjà la part du marché, paraissait risquée… » témoignait cette année un lecteur de Aerobuzz.fr.

L’A380, un avion moderne, et si jeune ! Mais à l’instar du B747, il est aussi devenu trop lourd à exploiter, trop polluant diront certains, trop gourmand en carburant… Ces quadriréacteurs gros porteurs n’auront pas résisté à la crise brutale provoquée par la pandémie de coronavirus en 2020… Pour certains économistes, l’A380 pourrait même déserter les cieux d’ici la fin de la décennie…

Face aux bimoteurs l’A380 ne fait plus le poids

Les compagnies aériennes ont fini par bouder le mastodonte lui préférant le bimoteur, gros… ou petit (le succès grandissant de l’A321 XLR en est la parfaite illustration). Airbus a surpris avec la mise sur le marché d’un tel appareil pouvant transporter 200 passagers sur une distance de 8.300 km. Largement suffisant pour dominer le marché le plus lucratif qu’est le transatlantique…

Didier Evrad, Directeur du programme A350, le confirmait dès le début 2009 : « nous n’avons donc aucun doute sur le fait que cette famille d’appareils est la bonne réponse aux besoins des compagnies. »

L’avionneur a pourtant longtemps estimé le marché du très gros porteur à plus de 1.300 avions sur 20 ans. Or à l’époque de la mise en service du Super Jumbo européen en 2007 chez Singapore Airlines, le triple 7 de Boeing était exploité depuis déjà sept ans… En d’autres termes, le match face aux « widebody » long-courriers était perdu d’avance.

« Hub to Hub » contre « Point to Point »

On ne peut pas tout mettre sur le dos de la pandémie du Covid-19, qui au final n’a été qu’un accélérateur de la fin de règne des quadriréacteurs… Ces dernières années, d’autres signes ne laissaient rien présager de bon sur leur sort… Le choix délibéré des compagnies aériennes pour des avions plus petits (par rapport aux commandes passées entre les années 1990 et 2010) a clairement remis en question le modèle Hub aérien. Les besoins sont désormais ailleurs, les opérateurs se tournent vers le Point-to-Point.

L’arrivée et la multiplication des biréacteurs long-courriers, capables d’être exploités sur des vols directs de 7 heures au moins (soit 90 % des besoins de transport) ont considérablement séduits les opérateurs et les passagers en leur évitant de longs et fatiguant transits… Le concept même des grands hubs internationaux associés aux gros porteurs B747, A380 ou encore A340, semble lui aussi remis en question.

Le B747 était en sursis

Construit à 1.571 exemplaires, le Boeing 747 a, à lui tout seul, écrit un chapitre entier de l’histoire de l’aviation (un demi-siècle dans les airs). Il a démocratisé le transport aérien… En 2015, soit 45 ans après son entrée en service, le déclin du B747 était déjà bien amorcé, devenu lui aussi trop coûteux et inadapté.

Le Jumbo Jet de Boeing roulera encore sa bosse sur les aéroports du monde, même si Boeing a confirmé l’arrêt de la production d’ici deux ans. Pour des questions de rentabilité, les derniers quadriréacteurs en service seront des cargos… Avec 106 avions commandés, la version fret 747-8F a trouvé une certaine place face aux increvables cargos russes Antonov dont le retour sur les tarmacs français a aussi été très remarqué cette année…

Un des plus beaux hommages au 747 en 2020 fut le dernier vol opéré par Qantas en effectuant une trajectoire en forme de Kangourou au large des côtes australiennes avant de mettre le cap vers les États-Unis. Dans un avenir proche, des avions presque deux fois plus petits le remplaceront. Qantas a commandé l’an passé 36 Airbus A321 XLR à Airbus…

Jérôme Bonnard

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Jérôme Bonnard

Journaliste polyvalent, à la fois rédacteur et vidéaste, Jérôme a couvert tous types d'actualités pour la télévision en France comme à l'étranger et a été co-finaliste du Prix Albert Londres en 2012 pour sa couverture du conflit Libyen. Il est passionné par tout ce qui vole depuis son plus jeune âge et pilote sur ULM 3 axes. Il écrit pour Aerobuzz.fr depuis 2018, et co-anime la nouvelle émission JumpSeat sur Twitch, il travaille sur des nouveaux médias et enseigne le reportage vidéo en écoles de journalisme.

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  • A360?
    Idée saugrenue d'un béotien.
    Un 380 décolle t il sur 2 moteurs à sa pleine charge si on supprimait 8600kg de sa masse totale ?
    Si non, sur 3 (avec poussée symétrique) en ajoutant 520kN à la poussé de ses 2 seuls moteurs?
    Si la réponse était oui à l'une de ces questions, le 360 pourrait être un 380 avec 2 CFM56 en extérieur (ceux des A340.. d'ou 360). Gain de masse 8600kg, grain de trainée 2x1,8m de diamètre ALD 2x3,16, gain de consommation en altitude ou 2 moteurs seuls peuvent probablement suffire à la propulsion
    Idiot? certes mais pourquoi? Merci de vos lumières !!!

  • En réponse à ce qui a été écrit plus haut, je voudrais rappeler, pour ceux qui ont connus, qu' ont à mis à la poubelle des avions magnifiques comme les Constellation Super Star et autres DC 7C, dans les années 60, des avions qui avaient des autonomies équivalentes aux Airbus 350 ou B 787.
    J'ai souvenir qu' FDF, les 747 était obligés d'accepter de décoller avec du vent arrière, réglementairement limité, en cas de décollage face au NE, alors qu' il n'y avait pas de problème en DC 10 ( trimoteur). (Je volais alors sur ce merveilleux avion)
    Il est vrai que sur un quadriréacteur perdre un moteur est beaucoup moins pėnalisant, il suffit de reprogrammer un vol 3M dont la Cd (condamnation/distance) est à peine augmentée.
    Je ne connais pas le problème mais quid du décollage en bimoteur à Saint Martin face à la montagne en pleine charge ou encore de Quito ( où il faut une qualification spéciale)
    De toute façon, il est parfaitement désolant de voir des avions quasi neufs, et qui auraient pu voler pendant encore de nombreuses années, partir à la casse.

  • Moi je me pose une autre question. Une question banale et certainement idiote aux yeux de certains, une question de bon sens paysan comme l'on aime souvent dire dans nos avions : Quel rapport entre le Covid 19 et les quadri-moteurs ? Franchement à part ne pas avoir fermé les liaisons aériennes à temps entre la Chine et l'Europe, pourquoi vouloir mettre à la casse des machines qui donnent satisfaction ( et dont nous rêvons tous...j'ai 21 000 heures de bi-réacteurs ) . Pourquoi associer un virus à nos chers avions comme s'ils étaient ( nos avions ) responsables des carence étatiques liées à nos irresponsables gouvernants ? Moi, j'ai l'impression que l'on deplace les problèmes .

    • Question loin d'être idiote...
      Vous avez raison, aucun rapport avec le covid.
      Sans doute les opérateurs de quadrimoteurs, devenus plus chers à exploiter que les bimoteurs plus récents, consommant moins, et moins onéreux à entretenir, ont-ils juste profité de cette crise pour, tant qu'à "réduire la voilure" se séparer des premiers...

      • @JBB
        Non vous déviez de mon propos. Moi je vous parle des "gens" qui ont acheté ces avions et qui ne vont pas avoir le retour sur leur mise de fonds. En plus vous prenez le mauvais exemple avec les compagnies à qui le carburant ne coûte pas cher donc je ne vois pas pourquoi pour cette seule raison (économie de carburant) mettraient elles tous leurs A380 à la ferraille. Avant de faire des économies d'exploitation elles vont perdre énormément d'argent. En fin de compte Qui va payer ? les "petits" comme d'habitude.
        D'ailleurs on lit des affirmations sur les coûts mais sans voir les chiffres. C'est comme avec les voitures hybrides je suis à peu près sur que l'économie de carburant par rapport à une voiture à moteur uniquement thermique est du même ordre que celle que l'on constate entre des conducteurs à conduites différentes. Les consommateurs sont les dindons de la farce tout comme avec le Loyer Longue Durée.

      • @Stanloc
        L'A380 (c'est bien de lui qu'on parle, n'est-ce pas ?)est une remarquable réalisation technique mais un boulet pour les compagnies qui ont été un peu "obligėes" de l'acheter (hors compagnies du golfe, mais leur modèle économique, sans frais se pétrole, subventionnées et avec une partie du personnel esclave n'est pas comparable au nôtre).
        Ça a permis de "payer" un paquet de salariés du bassin Toulousain pendant quelques années, et personne ne regrette cela.
        Aujourd'hui ces énormes avions sont, avec cette récession, inexploitables sans perdre ėnormėment d'argent, et nos compagnies occidentales n'en ont plus, justement !
        Cela dit, je suis d'accord avec vous, ça fait mal au coeur de mettre à la poubelle des avions neufs, et encore plus pour ceux qui ont travaillé dessus...

      • ...........une gestion de l'Economie dans les pays riches qui me laisse pantois. Les pays pauvres vont ils rester impassibles ?
        "On dit que quelque chose est gratuit lorsqu'on ne sait pas qui c'est qui paye"
        Tous ces A380 à l'état neuf qui vont aller à la ferraille représentent des quantités d'argent énormes : qui va payer les pots cassés ? Ceux qui sont propriété des compagnies et ceux qui appartiennent aux loueurs ? des fonds de pension ? les pensionnés vont bénir leurs gestionnaires !!!

  • Pour avoir volé sur mono, bi, tri et quadrimoteurs, je me suis forgé les idées suivantes :
    -Pour des raisons irrationnelles, on se sent forcément plus en sécurité sur un avion qui dispose de plus de moteurs.
    -Un facteur rationnel renforce ce sentiment, la redondance des systèmes avec le nombre de moteurs (pompes hydrauliques, alternateurs, prélèvements pneumatiques) qui entraine un meilleur confort en cas de panne.
    -Pourtant, pour des raisons de certifications, un A340 ou un 747 avec injection d'eau est en situation bien plus critique s'il perd un moteur au décollage d'un aérodrome "mal pavé" (Lima) qu'un B777 ou même un vieux DC9 .
    -La fiabilité des moteurs modernes (qui justifie l'ETOP's) est telle que le risque que l'un d'entre eux lâche est énormément minimisé.
    -Comme c'était prévisible, les constructeurs (et les exploitants) ont abusé de cette facilité (l'ETOP's) pour "tirer" excessivement sur la corde, réduisant du même coup l'avantage de cette fiabilité ; on est rendu à des temps de vol acceptés de six heures sur le moteur restant...en poussant ce dernier au régime maxi continu, pas le meilleur moyen de s'assurer qu'il veuille bien accepter de bosser sans rechigner....(les cdb, conscients de cette aberration, savent très bien comment réagir en cas de panne effective, quitte à augmenter le temps de vol le jour où....mais c'est un risque qu'ils prennent....(planeur vs. tribunal )qu'on pourrait hypocritement leur reprocher.
    -La panne "explosive" d'un moteur n'est jamais envisagée en certification (à part quelques rares renforts au front des hélices sur le fuselage). Pour les réacteurs, toute panne est supposée être contenue ; on a vu que dans certains cas c'était pourtant critique (747 d'elal à Amsterdam, A380 de la Quantas à Singapour, plus récemment l'A380 d'Air France qui est pris en exemple dans l'article).
    Et là, deux trois ou quatre moteurs...kif kif bourricot, chance ou pas chance dans les dégats et dans la maitrise de l'équipage.
    -Pour finir une remarque amusante sur les avis que j'ai pu recueillir en vol : Les plus fervents défenseurs des quadrimoteurs étaient souvent d'anciens marins qui avaient, des années durant, volé avec un seul moteur sur l'eau pendant des heures et en lui faisant avaler des embruns en plus !
    Stormy, votre avis ? 😁

  • Commentaires intéressants mais incomplets...
    Certes, moins de chance d'avoir une panne moteur sur un bi que sur un quadri, la règle statistique est implacable. Par l'absurde, on conviendra que le moyen le plus sûr est le planeur !
    En revanche N-1 sur un bi est une urgence. Donc déroutement. Sur un tri ou quadri c'est une panne et l'on PEUT continuer. "Peut" en capitales car c'est une décision du ressort du captain.
    Côté perfos, c'est loin d'être aussi simple entre bi et quadri. On dira qu'un bi a des moteurs plus puissants que le même modèle en quadri (ex: A330 / A340) pour satisfaire les pentes N-1 communes à tous les multimoteurs. Le N-2 n'est envisagé que pour s'éloigner d'un aérodrome accessible à plus de 60 mn etc, etc... Règle ETOPS à suivre. Sachez que les autorisations vont jusqu'à 370 mn, les 420 mn sont proches, soit ... 7 heures de vol en configuration monomoteur !
    Quant à la poussée dissymétrique ou l' "unbalance" des masses, cela n'est pas une configuration normale mais se gère sans souci majeur notamment en croisière.

    • Mouai. Faudrait aussi la cause principale des pannes des bimoteurs car une panne d un moteur a cause contamination fuel ca donne pas une bonne proba pour le 2eme moteur. Et 180 ou 240 min n-1 ca fait long à la nage.

    • "moins de chance d’avoir une panne moteur sur un bi que sur un quadri"
      Parce que pour vous c'est avoir de la chance que de tomber en panne ?
      Ne pas utiliser les statistiques n'importe comment : le calcul des probabilités s'établit sur un très grand nombre de cas et du coup on peut perdre un moteur puis deux moteurs sur un bimoteur voire les deux en même temps comme pour le A320 sur l'Hudson tout comme les 4 d'un coup comme pour un B747 dans un nuage volcanique près des philippines, je crois. Lorsqu'on parle de la probabilité pour qu'un événement se produise on ne donne pas pour autant l’occurrence

  • Il faudrait mettre cela en parallèle avec le rapport du BEA sur l'accident du A380 F-HPJE. Que serait-il arrivé sur un biréacteur ? Perte de la moitié de la poussée avec une traînée dissymétrique non prévue dans les scénarios. La lecture attentive du rapport fait craindre le pire. Est-ce que, une fois encore, l'économie est privilégiée sur la sécurité ?

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