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Avionneur d’abord

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Gil Roy

Tecnam est entré cette semaine dans la course à l’avion électrique en dévoilant son projet P-Volt. Un nom de plus au bas d’une liste déjà longue. Sauf qu’à Capua, du côté de Naples, comme dans les écoles primaires françaises, chacun sait que rien ne sert de courir… L’italien n’est pas le premier, mais avec le P-Volt, il donne l’impression d’être parti à point, pour espérer figurer en tête sur la ligne d’arrivée. D’autant qu’il s’affiche en bonne compagnie.

Ici, c’est moins le logo du motoriste sur les capots moteurs qui compte, que l’expérience de celui qui se cache derrière. Dans l’ombre de Rolls-Royce, ce sont les « anciens » de Siemens qui sont à la manœuvre. En 2019, le motoriste britannique a fait main basse sur eAircraft, la branche motorisation électrique de l’équipementier allemand. Pour une poignée d’euros, il s’est offert les connaissances accumulées méthodiquement, pendant des années, par Siemens à travers de multiples projets comme l’avion de voltige électrique Extra 330LE ou les hybrides Magnus eFusion (ULM) et Pipistrel Panthera Hypstair (quadriplace de voyage). Autant de laboratoires volants.

Le savoir-faire du motoriste associé à la capacité de l’avionneur à développer des programmes innovants, pourrait donner des résultats tangibles, à brève échéance. Les compagnies aériennes européennes et nord-américaines réunies dans le projet, y croient.

Le P-Volt est le commuter dont elles ont besoin pour opérer des lignes court-courrier, à faible flux. La desserte d’îles touristiques par exemple.

Avec Rolls-Royce, Tecnam vise un marché de niche qui peut se satisfaire d’un avion aux performances modestes. Simplement parce qu’à ce stade, l’avionneur ne peut pas offrir plus. Il n’en demeure pas moins, que le P-Volt doit pouvoir enchainer les vols, aussi courts soient-ils. Faisons crédit à Tecnam et à Rolls-Royce d’avoir la volonté de proposer une solution opérationnelle qui passera probablement par une recharge rapide des batteries ou leur remplacement dans le temps réduit d’une escale.

Tecnam n’est pas le premier à vouloir s’adresser, humblement et en premier lieu, au seul type d’opérateurs susceptibles se contenter de ce qu’il peut leur offrir. C’est aussi la démarche d’Ampaire qui va aller faire les essais opérationnels de son Cessna C337 Push Pull hybride dans l’archipel d’Hawaï. Sur la côte Nord-Ouest des USA, Magnix et Aerotec ne font pas autre chose. Après avoir fait voler un hydravion DHC-2 Beaver électrique, ils ont électrifié un Cessna Caravan. Toujours plus gros !

Tous autant qu’ils sont, font avec la technologie disponible (notamment en ce qui concerne les batteries), et avec des avions classiques. Sur le papier, ils sont évidemment surclassés par la start-up israélienne Eviation Aircraft et son trimoteur Alice de 9 places qui vise 1.000 km à 240 kts. Ou encore par Zunum Aero et son commuter hybride de 12 places qui vise une certification en 2022.

Jusqu’à ce que le Covid-19 s’en mêle, il était plus facile de lever des millions de dollars avec un avion aux lignes futuristes qu’avec un projet de retrofit d’une cellule métallique déjà vue.

Le cataclysme économique qui secoue l’aéronautique rappelle brutalement certaines évidences. A trop se focaliser sur les promesses des projets d’avions électriques portés par des start-up venues de nulle part, on en oublierait presque que pour construire un avion, il faut aussi avoir un bureau d’études, une usine, des fournisseurs, un support clients… Autrement dit, tout ce qui fait un constructeur aéronautique à part entière. De ce point de vue, Tecnam a une longueur d’avance !

Gil Roy

 

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Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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  • Bonjour Gil,

    Le vice de notre époque c'est de se soumettre aux belles envolées lyriques de quelques communicants avec de jolis rendus CGI sans regarder en profondeur ce qu'il se passe derrière. Là-dessus, la filière eVTOL fait bien son travail et c'est pour cela qu'ils lèvent des millions. Croyez-moi, les projets de retrofit n'ont pas plus la cote pendant la crise Covid qu'avant, ils étaient et restent juste moins médiatisés.

    Par ailleurs, TECNAM n'a pas une longueur d'avance, ils ont juste attendus le moment opportun pour se lancer sans avoir investi dans de la R&D longue et coûteuse au préalable. Ce qui est logique puisque c'est le paradigme de l'aviation : un avionneur développe des avions et un motoriste des motorisations. TECNAM ne développera jamais son propre avion électrique, il va laisser d'autres entités s'en occuper et proposer une cellule à équiper qui puisse fonctionner.
    N'oublions donc pas ces "startups venues de nulle part" qui vont investir, s'endetter, travailler, développer des solutions que les avionneurs utiliseront à terme. Elles sont essentielles dans ce processus !

    • C'est bien cela:les avionneurs attendent que les Startups se lancent et s'endettent, pour les racheter quand ça va mal (au point mort comptable), un euro symbolique.Très peu pour moi.

  • Une fois n'est pas coutume, je ne partage pas votre avis.
    Les startups viennent de nulle part par définition mais les entrepreneurs qui les portent non. Ils ont en général beaucoup d'expérience et une vraie vision dans leur domaine. Ils connaissent les limites des produits actuels et savent comment les dépasser.
    Ce ne sont ni BMW ni Citroën qui ont lancé la voiture électrique quelles que soient leurs immenses compétences dans l'innovation incrémentale.
    A un moment, dans le monde d'aujourd'hui encore plus qu'hier, il faut "venir de nulle part".

    • Et moi je ne partage pas le votre. Une start-up peut éclore avec en tête une idée "révolutionnaire" et démarrer à coups de subventions bien venues un projet mais si Citroën veut partir sur la même idée il faut qu'il ne se ridiculise pas à le faire n'importe comment. On a bien vu Airbus se lancer dans l'avion électrique et vite fait se retirer heureusement car pour moi ce n'est pas sa place. J'ai travaillé dans un groupe industriel de première importance et on a vu plusieurs PDG investir qui dans des vignes et qui dans des forêts au Canada. Conclusion ce groupe n'existe plus.

  • Une chose me gêne terriblement dans cette affaire c'est l'abandon par une firme comme SIEMENS de la filière aéronautique des moteurs électriques. Pour moi c'est de mauvaise augure. R-R est un motoriste réputé certes mais pas du tout en matière de moteurs électriques et encore moins en matière de conception/fabrication de modules électroniques de puissance. Or c'est là que le bât blesse en matière de motorisation électrique quel que soit l'application.

  • Vous avez raison ! Aux dernieres nouvelles, l'électrification de la motorisation des véhicules terrestres semble ne pas se passer aussi bien qu'espéré : https://www.numerama.com/vroom/662173-polestar-2-le-rival-de-tesla-doit-rappeler-quasiment-toutes-ses-voitures-electriques.html

    Cette marque m'est inconnue, par contre j'ai déjà vu des Tesla : https://www.phonandroid.com/tesla-pire-constructeur-automobile-matiere-fiabilite-selon-etude.html

    Ceci n'est qu'indicatif vu que pour le continent nord americain, USA et Canada, les marques francaises sont inconnues !

    En tout, malgre toute la connaissance que les documentations écrites ou internet délivrent par le vaste monde, il y a ce je ne le sais que trop que d'aucuns appellent le SAVOIR et qui dans notre époque de grands bouleversements est enfoui dans les mémoires des anciens...

  • Je suis toujours pessimiste, devant les projets d’avions électriques sortis de nulle part.
    Tecnam et Rolls semblent avoir imaginé un avion réaliste (pour passagers légers et voyageant « léger » mais les commuters sont rarement remplis de familles en tourisme). Là, on peut croire que ça dépassera le stade du prototype aspirateur de subventions.

  • Voltaero petite structure francaise est aussi dans cette "course" avec le Cassio. L'equipe a l'experience de l'E-Fan et surtout une structure simple mais complete qui pourrait avec un doigt de bon sens charentais creer une surprise sur un marché en gestation.

  • Très bonne analyse partagée. N’oublions pas non plus la capacité (qui ne se décrète pas de manière unilatérale) d’un avionneur à faire certifier un aeronef : DOA/POA dans le jargon EASA

  • Ainsi va le monde : des pionniers, des badauds, des commentateurs (nombreux) des gestionnaires, des opportunistes, et l'humanité progresse...
    Il me semble qu'on oublie souvent qu'une solution isolée n'a que peu de chance d'aboutir, car elle interprète le sujet par son seul prisme. Il lui faudrait un temps infini (trop sans doute) pour devenir satisfaisante.
    Cette nouvelle étape Tecnam démontre une fois encore que le messie sauveur de l'humanité n'existe pas, même pas chez G...gle, et que le génie de l'homme passe par l'essai, la diversité, la maturation, la sagesse... ce que les anglos appellent le crowdsourcing.
    Nous pouvons être optimiste et regretter que seuls certains en tireront des avantages. A ces derniers, il ne faudrait pas oublier la dette morale envers les pionniers qui ont par tempérament, défriché et parfois payé par la casse.
    Il n'y a pas si longtemps (à l'échelle du monde) se rappeler qu'en allant à la chasse au Mamouth, il y avait des blessés et des morts parfois, mais que cela constituait un des seuls accès à la nourriture.
    Aujourd'hui nous cliquons sur Ha ! Ma Zone.
    -"Ta Zone ?"
    -"Oui, ma préférée, pas vraiment idéale au fond : elle nous fait réfléchir, nous sort de notre zone de confort... mais en réalité je n'ai pas d'autre choix, pour l'instant".
    Humilité et Respect de ceux qui ont écrit notre histoire : sincères bravo aux pionniers ! Amplement mérités.

    • @pilotaillon
      Je plussoie, comme diraient certains....
      Et pour certains autres, juste les réjouir, rappeler que si nos ancêtres n'avaient pas risqué leur vie en chassant le mammouth et s'étaient contentés de brouter de l'herbe, on marcherait encore à quatre pattes !...
      Vive l'innovation, et mort aux c... pardon, aux dogmes !

      • Ouais...un peu de chronologie : le singe s'est dressé sur ses pattes arrières quand l'herbe fut haute pour observer au loin d'éventuels mammouths...Après, bien plus tard, on appela cela l'homo erectus !

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