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One man-show

© Vincent / Aerobuzz.fr

En 2019, la Turquie a été privée de dessert et de F-35 par Donald Trump. L’acquisition du système de défense sol-air russe S400 par les Turcs indisposait la Maison Blanche qui avait alors  demandé à Ankara de choisir : le missile russe ou l’avion furtif américain. L’un ou l’autre mais pas les deux en même temps dans le même coin de ciel. Dans la foulée, le Congrès US avait passé un texte bannissant explicitement la Turquie du programme tant qu’elle resterait attachée au S400. Les turcs n’ont pas voulu céder et l’expulsion de la Sublime Porte du programme F-35 a jeté un petit caillou sous les roues de l’avion : une centaine de F-35 commandés en moins et surtout le retrait du pays de la chaine des fournisseurs. Il avait fallu réorganiser les flux industriels mais le F-35 en avait vu d’autres…

Et puis la semaine dernière, un journaliste a posé la question à 10 milliards de dollars à Donald Trump qui recevait Recep Erdogan : une remise en selle du F-35 en Turquie pouvait-elle être envisagée ?

« Je pourrais le faire facilement si je le voulais » a répondu Donald, avant d’ajouter « En fait ça dépend… Si (Erdogan) fais quelque chose pour nous». Heureuse coincidence, Turkish Airlines annonçait au même moment une commande de 225 Boeing. Ca s’appelle de la realpolitik et ça n’a rien de nouveau. Souvenez-vous d’Henri IV et de sa génuflexion pour une couronne…

Ce qui fait tousser Outre-Atlantique dans cette affaire et dans quelques autres, c’est le processus de décision et la main-mise de plus en plus forte de la Maison Blanche sur… tout ! En septembre 2025, Donald Trump a par exemple décidé la destruction de trois embarcations en provenance du Venezuela, désignées comme appartenant à des trafiquants de drogue. Il a donné l’ordre et il a annoncé lui-même les attaques sur les réseaux sociaux, avec les vidéo qui vont bien. L’information a ensuite été relayée par le secrétaire à la défense et le Pentagone.

Ce fait du prince à l’heure des réseaux sociaux en dérange quelques-uns au Pentagone. Au pays des avocats, la destruction de trois bateaux dans les eaux internationales et la mort de 17 de leurs occupants sur de simples suspicions ou sur un mouvement d’humeur fait tache. Mais que l’on se rassure : l’erreur est humaine et elle n’a jamais empêché la Terre de tourner. L’histoire n’est pas avare en coups foireux, de l’incident du golfe du Tonkin en 1964, prétexte à l’engagement américain au Vietnam, à l’invasion de l’Irak en 2003, pour ne citer que les plus célèbres. La nouveauté, c’est que la décision semble aujourd’hui appartenir à un homme au jugement erratique. Il vend, il achète, il revend, il accélère puis il freine, il donne, il change d’avis et il reprend. Mais quand il donne l’ordre de tuer, c’est sans avoir le pouvoir de ressusciter.

Frédéric Lert

Journaliste et photographe, Frédéric Lert est spécialisé dans les questions aéronautiques et de défense. Il a signé une trentaine de livres sous son nom ou en collaboration. Il a rejoint Aerobuzz en juin 2011. Au sein de la rédaction, Frédéric Lert est le spécialiste Défense et voilures tournantes.

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