
Outre-Atlantique, il est permis de plaisanter sur l’Ukraine, mais il est essentiel de rester sérieux quand il s’agit de l’Arabie Saoudite. Donald Trump, qui vient d’ouvrir la voie à une vente de F-35 à la monarchie pétrolière, l’a très bien compris. Depuis la création du pays en 1932, les Etats-Unis ont toujours été très proches de la famille régnante, éclipsant même la Grande-Bretagne dans la région. La Standard Oil of California l’a emporté en 1933 sur l’Anglo Persian oil Company et c’est ainsi que s’est faite l’histoire.
Cent ans plus tard, on retrouve ce lien indestructible dans le plan Vision 2030 de Riyadh. A leur arsenal déjà très confortable, les Saoudiens veulent ajouter 60 F-15EX et 48 F-35. Ces commandes et quelques autres babioles donnent un plan à 142 milliards de dollars ! Avec ses 36 millions d’habitants, l’Arabie Saoudite dispose d’un budget militaire annuel d’environ 78 milliards de dollars. Par tête de pipe (à eau), c’est presque trois fois plus que ce que dépense la France. On comprend que le royaume aiguise les appétits et que les industriels américains aient les yeux qui brillent…
Riyadh dispose aujourd’hui de plus de 230 avions de combat : des F-15, des Typhoon et des Tornado. Les Tornado sont vieux et ne se sont pas améliorés avec l’âge, les pauvres. Pour un pays qui aime tout ce qui brille, et plus particulièrement les technologies les plus inutiles, le biréacteur anglo-italo-allemand fait tache. On comprend l’envie des Saoudiens de les remplacer par l’avion que la planète entière s’arrache, le F-35.
Jusqu’à présent, l’avion restait désespérément hors de portée de la maison des Saoud. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche a ouvert une nouvelle ère et on imagine l’excitation des Saoudiens qui vont monter sur la plus haute marche du podium à côté d’Israel. Traditionnellement, l’état juif gardait une longueur d’avance technologique sur ces voisins. Quand la Maison Blanche a vendu les premiers F-15 à l’Arabie Saoudite au début des années 1980, elle a bien fait attention de ne pas leur donner les mêmes capacités que ceux cédés à Jerusalem. En ira-t-il de même avec les F35 ? Possible sinon probable…
Mais l’affaire n’est pas encore faite, et c’est là que ça devient encore plus intéressant. Côté américain, certains officiels un peu moins myopes que les autres s’inquiètent du risque de fuites vers la Chine, les coopérations sino-saoudiennes étant nombreuses dans le monde de la « tech ».
On pourrait aussi s’attendre à ce qu’Israël engage un bras de fer diplomatique pour faire capoter l’affaire. S’il n’en est pas aujourd’hui question, c’est peut être parce que l’on sait pertinemment en Israël que des F-35 saoudiens ne pourraient pas faire un seul tour de roue sans l’accord ou même l’assistance de l’administration américaine. Les coopérants occidentaux qui font tourner la machine de guerre saoudienne se comptent par milliers, les contrats sont juteux et Lockheed Martin se fera un plaisir de s’inscrire dans ce schéma, sous le contrôle de la Maison Blanche.