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Un gréviste peut en cacher un autre

© Vincent / Aerobuzz.fr

Ils ont beau être minoritaires, ils ont foutu une belle pagaille cette semaine. Deux syndicats de contrôleurs aériens ont réussi à dérégler le transport aérien et à obtenir l’annulation de plusieurs centaines de vols, les 3 et 4 juillet 2025. Les contrôleurs aériens n’ont pas redoré leur image à l’occasion de l’action de bravoure d’une partie d’entre eux. Là n’était pas leur intention non plus…

Le ministre des Transports qui découvre les difficultés de la DGAC pour moderniser la navigation aérienne hexagonale, n’a pas manqué l’occasion de souligner que les contrôleurs aériens sont les fonctionnaires français les mieux payés. La presse a confirmé en évoquant des niveaux salaires annuels enviables.

Pour sa part, l’Union des aéroports français a attaqué les grévistes sur un autre front en rappelant que « l’une des principales revendications actuelles concerne le refus de l’installation des badgeuses, dispositif indispensable issu des recommandations du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) après un incident grave. ». Cet incident grave auquel fait référence l’UAF est évidemment la collision évitée de justesse à Bordeaux, le 31 décembre 2022, entre un avion de tourisme prêt à décoller et un Airbus d’easyJet sur le point de se poser.

Dans ses conclusions, le BEA a constaté « un armement insuffisant des positions de contrôle. », consécutif à un « consensus social, ancré depuis de nombreuses années à la DSNA », qui « laisse perdurer une situation dans laquelle les équipes de contrôleurs organisent, en dehors de tout cadre légal, un niveau d’effectif présent généralement inférieur à l’effectif théoriquement déterminé comme nécessaire. » La recommandation de sécurité faite par le BEA dans son rapport final publié un an après l’évènement, visait à corriger cette pratique « connue et tolérée implicitement. » Les contrôleurs grévistes refusent de badger, d’où la grève.

De leur côté, les compagnies aériennes, par la voix de leur Fédération, ont à nouveau réclamé le recours au « service minimum ». La FNAM déplore les limites de la loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social. Cette loi dite « Capo-Canellas » de 2023 impose aux grévistes de se déclarer 48 heures à l’avance afin de permette une information plus efficace pour les passagers. Cette loi « a constitué un progrès réel mais reste insuffisante pour garantir une continuité satisfaisante du service. »

Les mauvaises nouvelles volant toujours en escadrille, comme chacun le sait, cette même semaine, UFC-Que Choisir a publié une étude comparative des prix pour 48 liaisons intérieures et pour trois modes de transport : voiture, train, et avion. « Résultat : si le train s’impose sur certaines liaisons directes, en particulier depuis et vers Paris, l’avion reste trop souvent favorisé sur des axes mal desservis par le rail ». L’association de consommateurs regrette que l’avion soit moins cher que le train, sur nombreuses liaisons transversales en France. « L’avion conserve malheureusement un net avantage sur de nombreuses liaisons transversales, notamment celles qui nécessitent une correspondance. Sur 11 liaisons systématiquement avantageuses en avion – comme Bordeaux-Nice, Nantes-Strasbourg ou Biarritz-Lyon – l’avion est en moyenne 37 % moins cher que le train, avec parfois des écarts dépassant 50 €. »

Pour remédier à cette situation, l’UFC-Que Choisir propose le développement de liaisons ferroviaires directes entre villes de province. Mais aussi d’« étendre l’interdiction des vols intérieurs lorsque le train offre une alternative de moins de 4 heures ». La SNCF n’a pas vraiment besoin de ce genre de cadeaux quand on voit la fragilité grandissante du pavillon français. Mais un cadeau comme celui-ci ne se refuse pas. D’autant que le train n’est pas à l’abri d’une grève ; en la matière, les aiguilleurs du ciel n’ont rien à apprendre aux cheminots !

Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

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