Un profil de vol erroné et une mauvaise représentation de la situation se terminent par une collision avec une ligne électrique. © Frédéric Lert/Aerobuzz.fr
Un hélicoptère EC145 de la Section aérienne de la gendarmerie (SAG) de Digne-les-Bains réalise une mission de secours au profit d’un skieur accidenté en montagne. Au cours du trajet retour vers l’hôpital la ville, l’équipage décide d’effectuer un poser intermédiaire afin de contrôler l’état de la victime. Lors de l’approche de la zone de poser, l’appareil heurte une ligne électrique. L’hélicoptère est endommagé, les occupants sont indemnes.
Le 25 mars 2023 à 12h05, l’EC145 immatriculé F-MJBR (indicatif Choucas 04) est engagé pour une mission de secours médicalisé au profit d’un skieur accidenté sur la station de Pra-Loup.
Sur le trajet aller, réalisé en ligne droite au-dessus des crêtes, l’équipage (un pilote, un mécanicien de bord, deux secouristes et un médecin) rencontre des conditions aérologiques très turbulentes. Après la récupération de la victime, le pilote décide d’emprunter un itinéraire retour plus proche du relief afin d’être moins exposé aux turbulences. Le trajet est connu des pilotes de la SAG qui l’empruntent régulièrement et en connaissent bien les obstacles. En cours de vol, le médecin, craignant une aggravation de l’état du patient, échange sur l’opportunité d’un poser intermédiaire afin d’en vérifier l’état et de coordonner les actions médicales à venir. L’équipage de conduite choisit de se poser sur une aire connue située en fond de vallée. Le médecin ignore alors que celle-ci est en fait à moins de trois minutes de vol de la destination finale.
« Le terrain sélectionné par le pilote est connu de l’équipage qui s’y est déjà posé » explique le rapport d’enquête de sécurité du Bureau enquêtes accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’état (BEA-É). « Il s’agit d’une aire dégagée située à proximité du lit de la Bléone. Une ligne électrique, dont l’existence est également connue de l’équipage, traverse perpendiculairement la vallée à une distance d’environ 1 500 m au nord de l’aire de poser ».
Après environ 15 min de vol depuis Pra-Loup, pensant identifier les repères au sol au voisinage du site de poser, le pilote poursuit la descente avec l’intention de réaliser une prise de terrain en U, pour se poser face au vent. Alors que le pilote oriente sa recherche sur la gauche de l’appareil pour acquérir le visuel final de l’aire de poser, le mécanicien de bord découvre très tardivement une ligne électrique sur la trajectoire et avertit instantanément le pilote qui tente de l’éviter par le haut en cabrant brutalement. Après l’impact, l’équipage ressent de fortes vibrations et constate l’allumage du voyant MM EXCEED indiquant un dépassement des limites de moment de flexion du mât rotor principal.
Le pilote, conservant le contrôle de l’appareil et après concertation avec le mécanicien, décide de poursuivre sur l’aire de poser située 1.500 m plus loin.
Les trois câbles de la ligne électrique, d’un diamètre d’environ 8 millimètres ont été sectionnés et les quatre pales du rotor principal présentent des signes d’endommagement importants. Le coupe câble supérieur est déformé et présente des marques de frottement. Il n’y a pas d’autre dégât extérieur visible. L’enquête montrera que le coupe-câble supérieur n’est pas entré en contact avec la ligne électrique mais a été déformé par un choc avec une pale du rotor principal. Le mât rotor n’est quant à lui pas entré en contact avec la ligne électrique. Cependant, les pièces en mouvement de l’ensemble mât-tête rotor ont subi des contraintes importantes.
Les rapport du BEA-É établit qu’après avoir analysé l’environnement, le pilote était persuadé d’être à proximité de la zone de poser prévue et pensait avoir déjà dépassé la ligne électrique sans toutefois l’avoir formellement visualisée.
« Il est probable qu’un faux sentiment de sécurité de l’équipage a entraîné une faible mobilisation des ressources attentionnelles retardant la détection visuelle de la ligne électrique » résume le rapport. « L’éclairage et l’orientation du regard du pilote ont probablement contribué à retarder l’acquisition visuelle de la ligne électrique. La situation et l’environnement des poteaux électriques n’ont pas facilité leur détection compte tenu de la très faible hauteur de vol ».
Le rapport ajoute que « le défaut de communication entre le pilote et le mécanicien n’a pas permis à l’équipage de prendre conscience de leur représentation erronée de la situation ». Circonstance aggravante, « la trajectoire et les paramètres de vol choisis (110 neouds / 30 pieds) lors de cette phase ne sont pas conformes à l’attendu et sont sans lien avec une urgence opérationnelle ou technique ». Cet écart, que le rapport attribue à l’expérience militaire tactique du pilote, « a rendu la situation non tolérante à l’erreur ». Les occupants s’en sortent donc sans casse, le skieur blessé terminant quant à lui son trajet en ambulance routière…