Au Panthéon personnel des grands avionneurs français de Michel Polacco, il fait partie du « trio de tête et de cœur » aux côtés d’Auguste Mudry et de René Fournier. Mudry, évidemment pour ses avions de voltige. Fournier pour ses avions-planeurs bien-sûr, et sans doute aussi pour son engagement militant en faveur de la démocratisation de l’aviation. Marc Ranjon, probablement, pour l’ensemble de sa carrière aéronautique.
Il est prématuré pour dire ce que retiendra de lui la postérité : ses planeurs modernes ou son œuvre encyclopédique ? Ce n’est sans doute pas la question qui occupe aujourd’hui Marc Ranjon, alors que la communauté aéronautique découvre estomaquée le dernier volume de son encyclopédie. Une somme de 700 pages (et 5 kg…) qui répertorie tous les avions certifiés d’aviation générale produits en série à partir de 1945, dans le monde. Ne cherchez pas les Cessna, Piper et Beech, ni les hélicoptères. Ils font l’objet de volumes indépendants publiés précédemment.
Ce cinquième volume, de loin le plus imposant, est le point d’aboutissement d’une démarche encyclopédique entamée depuis une vingtaine d’années. C’est en quelque sorte, la synthétisation et la mise en forme des connaissances acquises par Marc Ranjon, au fil de ses vies successives dans l’aviation. Un monde qu’il a découvert dans sa prime jeunesse, en devenant pilote de planeur et d’avion. Il fera un passage par l’aéronavale. Un court intermède militaire qu’il lui permettra de piloter des Neptune, l’ancêtre du Breguet Atlantique, mais aussi des Beech 18, des So30 et… des planeurs. En parallèle de sa formation de pilote militaire, il formera une vingtaine de pilotes de planeurs en Corse.
Faute de pouvoir intégrer une compagnie aérienne, il va créer au Blanc, un aéro-club dont il sera le chef-pilote avion et planeur. Importateur de planeurs allemands, puis d’avions américains, il va finalement se lancer dans la construction de planeurs en composite. La concurrence avec l’industrie allemande sera rude, mais il réussira à produire, dans son usine du Blanc, près de 900 monoplaces Pégase et biplaces Marianne, qui constituent encore aujourd’hui, le socle de pas mal de centres de vol à voile, à travers la France, et qui volent encore dans le monde. Il a ensuite été expert aéronautique avant de se lancer dans l’écriture.
Son encyclopédie en cinq volumes des avions légers et des hélicoptères est son œuvre maîtresse d’écrivain. Et comme il est un homme indépendant, qui n’a de comptes à rendre à personne, il a choisi de l’éditer à compte d’auteur. Autrement dit, de taper dans ses économies quand il a eu le sentiment que le moment était venu de transmettre.
En rassemblant ainsi des connaissances dispersées, en les restituant de manière factuelle, tout en se réservant la possibilité d’émettre un avis éclairé, il apporte une mine d’informations aux passionnés et professionnels de l’aéronautique, et il transmet une somme de connaissances à ceux qui suivront. N’est-ce pas là, la définition même de l’encyclopédiste ?
Cet engagement d’une vie, commencé comme simple élève pilote dans un champ d’aviation qui n’était pas encore un aérodrome, ne mériterait-il pas d’être distingué par la Médaille de l’Aéronautique ? A 86 ans, il ne recherche pas les distinctions. A ses yeux, la plus belle reconnaissance est celle qu’il a reçue, il y a longtemps, au dos d’une carte de visite professionnelle : « C’est bien ce que vous faites. Continuez ! ». Signé : Marcel Dassault.
2 commentaires
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J’ai eu la chance de croiser deux descendants de René Fournier il y a quelques années. Je ne savais pas qu’il n’avait jamais été décoré, ni Marc Ranjon. Je crois qu’ils ont réalisé leurs contributions immenses par passion avant tout, pas pour des médailles. Si le Conseil de la MA ne juge pas nécessaire de les décorer, c’est dommage pour les récipiendaires ainsi que pour ce que représente cette médaille, mais c’est comme ça. On est en France, pas aux États-Unis où le juste mérite est systématiquement salué et récompensé. Peut-être que c’est à cause des critères retenus qui font qu’à la fois la Médaille de l’aéronautique ainsi que la Médaille d’honneur de l’aéronautique passent à côté de tels personnages, mais c’est ainsi.
Magnifique hommage et je suis très touché d’y être associé. J’ai une tendre pensée pour notre ami René qui cavale vers ses 105 ans en avril prochain. Très présent dans nos cœurs ♥️. Merci Gil.