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Le coup d’après

© Vincent / Aerobuzz.fr

La supply chaîne est en surchauffe. Ce n’est pas nouveau. Airbus n’est pas pour autant décidé à laisser les PME reprendre leur souffle. Il vient de réaffirmer ses objectifs de production. 75 A320 par mois en 2026. Il a même revu à la hausse ses ambitions en ce qui concerne l’A350 : 12 par mois en 2028. Le premier trimestre 2024 a été très bon côté commandes. Ce n’est pas le moment de relâcher l’effort. D’autant moins qu’il faut déjà penser au coup d’après…

Vous n’êtes pourtant pas prêts d’en entendre parler. La communication de la filière est verrouillée sur la décarbonation. Il ne s’agit pas de brouiller le message. Pourtant la décarbonation ne sera réussie que si le coup d’après est un coup gagnant.

Pour la filière aéronautique, il s’agit tout simplement de passer d’une génération d’avions commerciaux à l’autre, en pleine accélération. Pour se préparer à négocier le virage à grande vitesse, la supply chain n’a qu’une dizaine d’années devant elle, si l’on en croit les communicants, une quinzaine, si l’on écoute les ingénieurs. Quel que soit le son de cloches, c’est court au regard du défi à relever.

A cette échéance, Airbus aura peut-être poussé le curseur jusqu’à 100 A320 par mois. C’est à ce moment-là qu’il commencera à livrer les premiers avions « ultra frugaux » qui consommeront 25 à 30 % de moins de carburant. Les compagnies aériennes n’auront plus rien à faire des A320. Airbus et ses fournisseurs doivent se préparer, dès à présent, à freiner à mort d’un côté, et accélérer à fond de l’autre.

Il n’est pas moins difficile de baisser une cadence que de la monter. Et cela se complique encore quand cette double manœuvre est opérée sous le même toit et que les autres donneurs d’ordres mettent la pression de leur côté.

C’est maintenant que la filière aéronautique doit imaginer l’outil industriel capable de réaliser cet exploit. Un exploit qui relève du miracle dès lors qu’il s’agit de remettre en question 75% de son activité sans savoir, à ce stade, à quoi ressemblera l’avion du futur. Quelles options de motorisations auront-elles été retenues ? Quelle voilure ? Aluminium ou composites pour le fuselage ? Il ne s’agit plus d’images de synthèse. Il s’agit de préparer le système industriel qui sera le plus performant en termes de respect des délais et de la qualité.

Comme le rappelait mardi dernier, Frédéric Antras, délégué du Cluster Aerospace Auvergne-Rhône-Alpes sur le plateau de JumpSeat, dans les années 80, la filière aéronautique tablait sur un maximum de 600 à 700 unités sur l’ensemble de la durée de vie du programme A320. La filière ambitionnait alors une cadence de production de 6 à 7 avions par mois. Quatre décennies plus tard, l’A320 continue à se vendre par paquet de 100 et Airbus veut en produire 75 par mois. Il ne faut peut-être pas chercher beaucoup plus loin les difficultés du moment. Les problèmes de recrutements, d’approvisionnement et de financement n’arrangent rien, mais n’expliquent pas non plus à eux seuls le casse-tête du moment. En même temps qu’elle doit gérer sa montée en cadence, la filière doit préparer le coup d’après ! Une chose est sûre, on ne va pas s’ennuyer dans les années à venir, dans l’industrie aéro !

Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

Un commentaire

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  • par Guillaume FERAL

    Ouiiii, allez, on fonce, on fonce, on fonce !
    Dans le mur ?
    « Quel que soit le son de cloches, c’est court au regard du défi à relever »
    Là, on n’est plus devant un défi, on est devant un gouffre.
    25 à 30 % plus sobres, les moteurs ? Fabuleuse décarbonation !
    A mettre en regard des 50 à 100 % de croissance du trafic mondial sur la même période, quand-même.
    Quant aux SAF, je pense que les cloches, c’est plutôt ce pour quoi on nous prend en nous embarquant dans ce mythe pathétique.

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