Lorsqu'un accident survient, l'urgence pour les enquêteurs du BEA est de se rendre le plus rapidement possible sur les lieux du crash pour recueillir un maximum d'indices. © BEA
Pierre-Yves Huerre, directeur du BEA, et Thierry Rozec, enquêteur, sont les invités d’Aerobuzz.fr. Le mardi 27 mai 2025, à partir de midi, ils seront, en direct, sur le plateau de JumpSeat pour parler enquêtes, rapports et recommandations. Pour expliquer aussi comment ils font parler boîtes noires… et cartes SIM.
Le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyse pour la sécurité de l’aviation civile) aura 80 ans d’existence en 2026, mais cela fait à peine plus de 25 ans que ses rapports d’enquête sur les accidents sont systématiquement rendus public. Jusqu’en 1999, les rapports étaient, en effet, remis au ministre des Transports qui en disposait à sa guise. La France a longtemps eu le culte du secret, et pas seulement en ce qui concerne l’aéronautique.
Depuis, l’administration française, comme ses homologues occidentales, joue la transparence. La diffusion la plus large de l’information contribue à l’amélioration de la sécurité aéronautique et du transport aérien en particulier. En 2024, au niveau mondial, le transport aérien a déploré huit accidents mortels ayant fait un total de 289 victimes. C’est beaucoup plus que les années précédentes (72 morts en 2023), mais c’est un bilan, aussi dramatique soit-il, qu’il faut ramener aux près de 5 milliards de passagers qui ont voyagé en avion.
En Europe, le principe général imposé par l’Union Européenne est que tout accident ou incident grave d’aviation civile doit faire l’objet d’une enquête de sécurité dans l’État membre où s’est produit l’accident. A noter que l’Annexe 13 de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) qui régit les enquêtes au niveau mondial, précise que, lorsqu’une enquête de sécurité est menée par un État (en général l’État d’occurrence de l’événement), l’État de l’exploitant, l’État d’immatriculation et l’État de conception et de construction des aéronefs impliqués sont invités à participer à cette enquête, en nommant un représentant accrédité. Autrement dit, quand un accident implique un avion ou un hélicoptère Airbus, un hélicoptère léger Guimbal, un monomoteur Robin, où qu’il se soit produit sur la planète, le BEA a son mot à dire.
En 2024, le BEA a ouvert 95 enquêtes (20% de moins qu’en 2023), mais il a été impliqué dans 249 enquêtes étrangères pour lesquelles il a nommé un représentant accrédité. Certaines enquêtes majeures ont nécessité une participation importante du BEA.
Lorsqu’un accident d’aviation civile se produit, et que la France est d’une manière ou d’une autre concernée, immédiatement le BEA envoie un enquêteur ou une équipe d’enquêteurs sur les lieux de l’événement. Il s’agit de recueillir un maximum d’informations. Vient ensuite, le temps de l’analyse de ces éléments, dans les laboratoires situés sur l’aéroport du Bourget. L’objectif est de comprendre ce qui a provoqué l’accident, de rendre public les résultats de l’enquête et d’émettre, le cas échéant, une suite de recommandations. C’est à ce prix que la sécurité de transport aérien a progressé et demeure à un niveau acceptable.
Le BEA a récemment étudié une adaptation de sa politique d’enquête et a diversifié ses canaux de communication pour toucher plus directement et plus efficacement les opérationnels. Ainsi ont été mis en place sur son site Internet des bilans thématiques, des « Safety digests » ou encore la diffusion de vidéos sur sa chaîne YouTube à destination des responsables de la sécurité des exploitants. Le BEA a également renforcé ses moyens techniques et entamé une réorganisation d’une partie de ses laboratoires pour une plus grande efficacité et un accroissement de ses capacités d’analyse.
Concrètement, les techniciens et ingénieurs du BEA sont aujourd’hui reconnus dans le monde entier comme les rares experts capables de faire parler les cartes mémoires des téléphones mobiles et des tablettes. C’est l’exploitation des données contenues dans les mobiles de la vingtaine d’occupants du Ju-52 qui s’est écrasé dans les Alpes suisses (août 2018) qui ont permis d’établir le scénario du drame. Suite au crash du Fouga, lors d’une présentation en vol au large du Lavandou (août 2024), le BEA avait lancé un appel à témoins pour recueillir un maximum de vidéo du drame. L’exploitation de ces images ont permis de comprendre ce qu’il s’était passé. Le rapport final doit être rendu public début juin 2025.