Avec ses deux avions et ses treize officiers et sous-officiers, l’escadron de ravitaillement en vol 4/31 Sologne était sans doute le plus petit escadron de France. Le plus petit mais le plus costaud, puisqu’il portait sur ses épaules un monument de l’histoire aéronautique, le Boeing KC-135. Un ravitailleur en vol qui avait donné naissance au Boeing 707 et à l’aviation commerciale moderne, un avion qui avait offert une crédibilité certaine à la composante aéroportée de la force de dissuasion française. Bref, un géant, un pionnier, un aventurier, 146 tonnes de robustesse et d’élégance.
Le 30 juin dernier, sous un soleil de plomb et une chaleur accablante, le Sologne a été mis sommeil. Ses fanions ont été soigneusement pliés et remisés et le Boeing 497, qui fit un passage rapide et remarqué, encadré par la Patrouille de France, vint se garer au cordeau devant la petite foule des invités. Et puis, quand le soleil commença à décliner et que la température devint supportable, la soirée d’adieu pu commencer.
C’est une tradition dans l’armée de l’Air et de l’Espace, le départ d’un avion est toujours l’occasion d’une célébration réunissant les anciens et les nouveaux, les amis et les familles. Sans rien lâcher de ses missions opérationnelles, aidé par les mécanos de l’Escadron de Soutien Technique Spécialisé qui avaient bichonné les avions jusqu’à la dernière seconde, le Sologne s’est mis en quatre pour que cette soirée fut mémorable.
Tous les ingrédients de la réussite étaient là : des discours brefs, preuve de leur qualité, un buffet solide et bien approvisionné (le Sologne a montré jusqu’au bout qu’il maitrisait la question du ravitaillement), des stands de souvenirs, des tables et des chaises pour célébrer des retrouvailles autour d’un verre et des écrans géants pour revivre l’histoire de l’avion en technicolor…
L’assistance en était bien consciente, le retrait de service des deux derniers Boeing KC-135RG (les C-135FR ont été retirés entre 2020 et 2023) marque la fin d’une époque, un changement d’ère et un passage de relais total et définitif vers l’Airbus A330 MRTT « Phénix ». Après les derniers Mirage III, les Jaguar, Mirage IV, Transall et autres Mirage 2000N et Mirage 2000C, le Boeing est un autre combattant de la guerre froide qui tire sa révérence.
L’avion était certes brillant et les plus optimistes le croyaient indestructible, mais 61 années d’une utilisation opérationnelle intense l’avaient tout de même bien fatigué. Il se murmure à Istres que le passage du 30 juin, encadré par la Patrouille de France, fut épique et qu’il était vraiment temps de tourner la page, ce qui a été fait avec un panache bien mérité…