
France : « le trafic domestique est revenu à son niveau de 35 ans en arrière ». C’est écrit noir sur blanc dans une étude de la DGAC, rendue publique cette semaine. Cette étude évalue les « premiers retours sur la hausse de la TSBA [taxe sur les billets d’avion] de mars 2025 », en particulier, l’impact de cette taxe sur la compétitivité du transport aérien français. Elle arrive à point nommé alors que les députés sont en train d’en remettre une nouvelle couche !
Le travail minutieux et étayé qu’a réalisé, en un temps record, l’administration française met en lumière les conséquences désastreuses de l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion inscrite au Budget 2025. Réussira-t-il à éclairer l’actuel bricolage budgétaire ? Rien n’est moins sûr.
Pourtant, il serait opportun de rectifier le tir. « La hausse de la TSBA intervenue en mars 2025 équivaut à + 4,77 € pour un billet d’avion allant de France en Europe (y compris les vols domestiques en France) en classe économique, et allant jusqu’à + 120 € sur un billet d’avion allant au-delà de 5.500km en classe affaires. Les hausses sont plus élevées concernant l’aviation d’affaires, allant de + 207,37 € à + 2.097,37 € par passager embarqué. »
Les conséquences de ces augmentations ont été immédiates, comme le démontre la DGAC, et d’autres répercussions sont encore à venir. « La France se classe désormais sixième en Europe pour son offre de sièges d’avion, cinquième pour les vols domestiques et quatrième pour les vols internationaux (dépassée par l’Italie ce trimestre). La croissance de l’offre sur les vols internationaux y est deux à trois fois plus lente que dans le reste de l’Europe (1,5% contre 4,0%). »
L’augmentation de la fiscalité qui génère un écart de prix des billets d’avion, n’est pas la cause unique de ce recul. Le différentiel de croissance économique et la plus ou moins forte attractivité touristique sont également à prendre en compte. Mais le poids des taxes n’arrange rien. « La faible dynamique du transport aérien français interroge d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte post-olympique, en principe très favorable au développement du tourisme international, par expérience des précédents JO dans le monde. » C’est ce qu’il s’appelle se tirer une balle dans le pied…
Pour les transporteurs étrangers, compagnies bas-coûts court-courrier comme compagnies traditionnelles desservant les marchés moyen et long-courriers, la France est un marché parmi d’autres, fait remarquer la DGAC. Ils vont, ils viennent au gré des opportunités. « Les transporteurs français, du fait de la configuration de leurs réseaux, n’ont pas les mêmes possibilités de répartition de leurs capacités sur plusieurs marchés et sont donc plus directement concernés par l’impact de la hausse des tarifs de la TSBA.» En revanche, dès lors qu’elles ne trouvent plus leur compte en France, les compagnies étrangères n’hésitent pas à aller voir ailleurs. Les premières à déserter sont les low cost, à commencer par Ryanair et EasyJet. Quand le numéro un et le numéro deux au niveau européen n’y croient plus, il n’est pas étonnant qu’il y ait des ratés dans la croissance.
Pour les compagnies d’aviation d’affaires françaises, également soumises à l’augmentation de la TSBA, il ne s’agit plus à d’une baisse de l’activité, mais d’un véritablement effondrement de leur marché directement imputable à la hausse de la TSBA. L’EBAA France qui regroupe les professionnels de l’aviation d’affaires, rappelle que le gouvernement avait annoncé que la hausse de la taxe allait générer, à leur niveau, 150 millions d’euros. Ce ne seront au final seulement quelques dizaines de millions d’euros au mieux qui devraient effectivement être collectés. D’abord parce que la taxe est déclarative, « ce qui fait que ce sont essentiellement les opérateurs français qui la supportent, tandis que les compagnies étrangères y échappent visiblement en grande partie », déplorent l’EBAA France. Ensuite, parce que « la surtaxation a provoqué une contraction de l’activité des compagnies françaises, réduisant mécaniquement les recettes fiscales. »
Ce que confirme d’une certaine manière la DGAC qui note dans son étude que le nombre des mouvements aériens du pavillon français au départ des aéroports français a connu au troisième trimestre une baisse d’activité de -21,8%, alors que le pavillon étranger a progressé de +4%. Dans les faits, les compagnies françaises d’aviation d’affaires, au départ des aéroports français, représentent désormais moins de 10% des mouvements.
Et maintenant qu’ils ont été informés, que vont faire les députés français ? Vont-ils redresser la situation, ou faire comme si le transport aérien n’est qu’une victime collatérale de plus (la liste est longue)… d’un marchandage électoral ? Il a fallu deux ans au Canada pour dresser un bilan et se rendre compte que la taxe de luxe qui visait les avions étaient contreproductive. Cette semaine, le gouvernement fédéral l’a abolie. Bombardier, le constructeur aéronautique canadien, estime que cette machine arrière politique pourrait lui permettre de créer jusqu’à 600 emplois supplémentaires.