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L’exode des « talents »

© Vincent / Aerobuzz.fr

En 1973, lors du premier choc pétrolier de l’Histoire, les Français admettaient qu’ils n’avaient pas de pétrole dans le sous-sol de leur pays, mais ils se vantaient, sur tous les tons, d’avoir des idées. Cocorico ! « On n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! », répétaient à longueur de spots télé, des français moyens triés sur le volet.

Deux générations plus tard, leurs petits-enfants débordent d’idées pour se passer des énergies carbonées, mais ils n’ont apparemment plus d’argent pour concrétiser leurs projets. J’en veux pour preuve les difficultés actuelles auxquelles sont confrontées plusieurs start-up françaises de l’aéronautique pour enclencher la vitesse supérieure. Pour ne pas les handicaper dans leur entreprise de levées de fonds, nous respecterons leur anonymat…

Ces porteurs de projets ne manquent pourtant pas de talent. Ces garçons et ces filles, tous plus brillants les unes que les autres, sortent des plus grandes écoles d’ingénieurs qui font la fierté de France. Ils et elles ont appris à résoudre les équations les plus complexes. Elles et ils ont aussi contracté au sein de ses institutions le goût d’entreprendre. Ils et elles ont l’aviation de demain entre leurs mains.

Comme ils cochent toutes les cases de la transition énergétique de l’aviation, ces jeunes entrepreneurs ont pu bénéficier jusqu’à présent des largesses de l’Etat français, et par ricochet de l’Europe, pour donner vie à leurs projets. L’emblématique programme France 2030 a ainsi permis à plusieurs projets de décoller ou de prendre leur élan. Mais pour rejoindre leur niveau initial de croisière, les start up manquent aujourd’hui de carburant.

L’Etat a joué son rôle en offrant des formations gratuites et des subventions conséquentes, mais les investisseurs français privés regardent ailleurs. Après avoir épuisé toutes les options, et s’être eux-mêmes épuisés à tenter de convaincre des fonds d’investissements nationaux, les dirigeants de ces jeunes entreprises se résignent à tenter leur chance aux USA, en espérant ne pas avoir besoin de pousser jusqu’aux émirats du Golfe persique, ou plus loin encore.

Plusieurs de ces jeunes entreprises étaient présentes cette semaine au salon AERO à Friedrichshafen, comme elles l’étaient en nombre au salon du Bourget, l’année dernière. Elles doivent séduire des clients potentiels, et surtout convaincre des partenaires industriels potentiels comme des investisseurs. A Friedrichshafen, il y avaient aussi quelques grands noms de l’industrie aéronautique américaine ou européenne dont une partie est passée ces dernières années sous pavillon chinois.

Il n’y a pas de fatalité. Ce n’est pas parce que les plus brillants diplômés des facs de mathématique françaises font carrière à la City de Londres qu’il ne faut pas aider les talents français de l’aéronautique à rester en France. L’industrie leur a fait une place au dernier salon du Bourget et elle les accueille au sein de ses instances professionnelles. C’est un début. Mais c’est évidemment pas suffisant.

Gil Roy

Gil Roy a fondé Aerobuzz.fr en 2009. Journaliste professionnel depuis 1981, son expertise dans les domaines de l’aviation générale, du transport aérien et des problématiques du développement durable est reconnue. Il est le rédacteur en chef d’Aerobuzz et l’auteur de 7 livres. Gil Roy a reçu le Prix littéraire de l'Aéro-Club de France. Il est titulaire de la Médaille de l'Aéronautique.

4 commentaires

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  • par PHILIPPE BOUTIN

    J’adhère entièrement à l’analyse de Gil …. et je suis un peu en colère !
    Pour être très près et très proche de l’une de ces start-up (sans en être ni financier, ni investisseur ! … ) j’ai pu constater depuis près d’une dizaine d’années toutes les difficultés que ces jeunes passionnés et volontaires (en plus d’être intelligents et remplis d’énergie) ont eu à surmonter.
    Un exemple ahurissant : dans la belle ville où ils se sont implantés, l’hébergement de leurs nouveaux salariés est un casse-tête sans nom ….
    À cause du AirB&B, des jeunes embauchés sortis de leur formation sont obligés de louer à plus de 20 km des chambres pour s’y héberger.
    Et pendant ce temps, des milliers de lits attendent d’être remplis DEUX mois PAR AN pour que les touristes puissent boire leur bière sur le port ….
    Faudra-t-il qu’en plus d’investir dans des outils de production de plus en plus performants, cette jeune société investisse dans la construction de logements ???
    N’est-ce pas aux hommes politiques de prévoir et d’organiser le futur immédiat du développement de leur territoire … ???

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    • A mon avis c’est aux dirigeants de l’entreprise de savoir où installer leurs locaux, dans une région qui apportera des facilités aux futures salariés afin qu’ils puissent rejoindre la dite entreprise. Ce fut ainsi toujours et non pas aux « politiques » d’y pourvoir.
      Des grosses entreprises ont par le passé été jusqu’à avoir leurs lignes de cars (location à des sociétés de transport) pour acheminer leur personnel si comme le CEA à Saclay elles avaient des impératifs d’éloignement par rapport aux centres urbains. On touche là au problème quotidien des salariés en province qui n’ont pas d’autres solutions que d’avoir une deux ou trois voitures dans une famille.

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  • Pour moi il y a un bon bout de chemin pour aller de l’idée à sa réalisation dans le concret. C’est tout le problème de la recherche industrielle.
    Il y a très longtemps on venait de « mettre sur pneus » la première ligne de métro à PARIS. Les usagers de cette ligne furent nombreux à se dire quand connaitrons nous la totalité des lignes sur pneus malgré l’odeur tenace du caoutchouc brulé qui régnait dans les stations . Je ne circule plus en métro à Paris donc je ne sais si ce vœux a été exaucé mais à la même époque les chercheurs se voyaient affirmer que seules des grosses évolutions des réalisations industrielles avaient un avenir. Une amélioration de telle ou telle réalisation industrielle n’attirerait pas les capitaux car tout simplement des usines tournent déjà avec les « vielles idées » et gagnent de l’argent or PERSONNE n’a la vocation de faire de la philanthropie en créant une nouvelle usine Le but de tous les investisseurs c’est de gagner de l’argent toujours un peu plus d’argent.

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  • Ah ! Mais rendons à Sardou ce qui est à Sardou. C’est le refrain du choeur dans sa chanson ‘Au temps béni des colonies’ :  » On pense encore à toi, ô Bwana, dis-nous ce que t’as pas, nous on en a… » Et Sardou  » On en a pas de pétrole en France, mais des idées, on en a, nous, en France ! » Ben oui, on n’a toujours pas de pétrole. Et des idées ? Ça, c’est plus compliqué. Il y a certains politiques qui en ont trop, toujours la même idée d’ailleurs, et d’autres pas du tout. Mais on n’est pas là pour faire de la politique, hein ! M’enfin, se tirer des balles dans le pied, c’est très français aussi. Allons, interdisons à Air France la plateforme d’Orly, comme ça Ryanair et Easyjet rigolent. Sont marrants, ces Frenchies, quand même !

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