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REX – Quatre morts à cause d’une suite de lourdes approximations

A l'arrière de l'aéronef, aucun des passagers n'était attaché au moment de l'atterrissage. Aucune annonce n'avait été réalisée dans ce sens. © BEA

Le 14 octobre 2017, un Antonov An26-100 de la compagnie aérienne moldave Valan ICC est en approche de l’aéroport d’Abidjan, dans le cadre de la réalisation d’un vol charter. Après deux changements de procédures d’approche demandé part le contrôle aérien, l’appareil termine sa course dans la mer en approche finale, à une vingtaine de mètres de la plage qui borde la piste.

Le samedi 14 octobre 2017 à 05H57mn, l’Antonov 26-100 immatriculé ER-AVB, décolle de l’aéroport de Ouagadougou, en régime de vol aux instruments (IFR) à destination de l’Aéroport d’Abidjan. Indicatif de vol : KONDOR 26. Le vol est opéré par un équipage confirmé, composé d’un pilote/instructeur (PNF), d’un jeune Co-pilote (PF) dans la compagnie, d’un mécanicien navigant, ayant tous reçu une formation dans des écoles de pilotage soviétiques.

Pour ce vol, le copilote est aux commandes tandis que le pilote cumule sa fonction d’instructeur. A l’arrière de l’appareil ont pris place un ingénieur systèmes chargé de la maintenance en ligne, un technicien motoriste et un technicien fret (loadmaster) ainsi que sept passagers et du fret.

Cet accident rappelle qu’une petite succession d’erreurs ou de négligences peut amener au pire. © BEA

L’atterrissage est annoncé pour 08h15 à Abidjan. Aux alentours de 07h40, l’appareil est autorisé à réaliser une approche sur la piste 21. Le Pilote non en fonction (PNF) décide d’une approche RNAV et briefe son Copilote en instruction. A 07H59, « le contrôle aérien rappelle l’équipage pour l’informer que la procédure en service est maintenant VOR Z piste 21 avant de corriger aussitôt qu’il s’agit plutôt de la procédure VOR Z piste 03. » peut-on lire dans le rapport du Bureau d’Enquête et Analyses sur les Accidents et Incidents d’Aviation de Côte d’Ivoire.

A une cinquantaine de kilomètres de la piste, un nouveau briefing est fait par l’équipage, incluant la procédure de remise de gaz VOR Z piste 03. A 08H04, le contrôle aérien demande à l’équipage « s’il est capable d’utiliser à nouveau la piste 21 ». L’équipage explique à ce moment maintenir l’approche en piste 03.

Pendant toute l’approche, le pilote-instructeur est accaparé par sa fonction d’instruction et par la mauvaise météo du jour : « mauvais temps ! Nuages… On nous donnait 900m …. On voit la terre…… Des nuages… Près de 400m et pas plus …… Et il pleut en plus… » peut-on entendre dans l’enregistreur des voix du poste de pilotage. Guidant de sa voix son copilote, le PNF donne l’instruction de « travailler maintenant avec le GPS » à 11 nautiques de la piste.

A ce sujet, le rapport d’enquête explique que « le PNF donne de nombreux ordres fermes relatifs au régime moteur, à la vitesse et à la stabilisation de l’avion, avec peu de réactions verbales du PF. » A 08h21, la Tour demande à l’équipage s’il a besoin des feux de piste. L’équipage répond rapidement « Affirm », car très occupé par le contrôle du pilotage. A 08H22, l’alarme sonore du Radio altimètre (RA) est déclenchée. Le MB annonce : « DA » (Altitude de décision). Le PNF décide : « Atterrissons ». L’alarme du radio altimètre continue à sonner.

Environ 10 secondes après le déclenchement du signal RA, le commandant s’écrie : « P… ». Deux secondes plus tard, on entend « frein » puis des cris dans la cabine. L’avion vient à ce moment d’entrer en collision avec la mer. Trois membres d’équipages et un passager vont perdre la vie tandis que les sept autre s’en sortiront avec quelques blessures.

L’application rigoureuse des procédures de la compagnie aurait dû conduire nécessairement à une remise des gaz. (Source : BEA) ©BEA

Au moment de l’accident, toutes les aides à la navigation et à l’atterrissage disponibles pour effectuer une approche aux instruments sur l’aéroport FHB d’Abidjan, étaient en bon état de fonctionnement. Cependant, les enquêteurs découvrent que malgré le fait que le radar était en bon état, les contrôleurs aériens ne faisaient pas de surveillance au radar des approches.

Côté alarme de proximité du sol, la présence régulière d’alertes intempestives (prématurées) de l’EGPWS encourageait les équipages à ne plus tenir compte de ces alertes, allant parfois jusqu’à les désactiver. Il apparaît que cela a été le cas dans cet accident. Côté météorologie, le rapport d’enquête explique que la décision de poursuivre l’approche a été donnée sans que les minimas météos soient présents.

Le rapport du Bureau d’Enquête et Analyses sur les Accidents et Incidents d’Aviation de Côte d’Ivoire explique alors « qu’il est probable que l’attention de l’équipage ait été portée sur la recherche des repères visuels de la piste, sans plus surveiller adéquatement la vitesse verticale et l’altitude de l’avion. » De plus, les enquêteurs notent que le PNF semble affirmer clairement sa séniorité de part sa fonction d’instructeur tout au long du vol et son autorité sur le reste de l’équipage, ce qui l’a poussé à reprendre régulièrement les commandes là où il n’avait pas à le faire.

Comme souvent en aéronautique, un accident est rarement le fruit d’une cause unique. Il relève d’une série de petits manquements.

Lien de lecture du rapport d’enquête complet

Jean-François Bourgain

Détenteur du BIA/CAEA, Pilote Privé avion/Instructeur ULM et technicien aéronautique de formation, c’est par passion du vol et du monde spatial que Jean-François Bourgain est devenu Journaliste aéronautique / espace. Il est à ce titre membre de l’AJPAE et collabore régulièrement à AéroBuzz.fr depuis 2016. Il troque parfois sa plume contre un micro pour commenter des meetings aériens ou JPO. Plusieurs collaborations de com' également dans le secteur aéronautique. CONTACT : bourgainjeanfrancois.jr@gmail.com

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