Le Grob G109B a été fabriqué en Allemagne à partir de 1984. Le motoplaneur G-CHYB datait de 1985 et totalisait 1.545 heures de vol. © AAIB
Un motoplaneur biplace Grob G109B est en approche finale sur l’aérodrome d’Aston Down, dans le Gloucestershire, en Angleterre. L’aéronef part subitement à piquer, heurte des arbres et s’immobilise sur une autoroute qui passe au seuil de piste. Le pilote au moment de l’approche, instructeur planeur expérimenté mais habitué à la configuration traditionnelle des commandes, était assis en place droite.
Fabriqué en Allemagne, le Grob G109B est un motoplaneur biplace côte à côte qui a été très utilisé en Angleterre, en particulier au sein de la Royal Air Force jusqu’en 2018. Des civils ont également adopté le motoplaneur allemand en Angleterre, comme le propriétaire du G-CHYB, accidenté en août 2024.
Le Grob G109B est doté de doubles commandes sous la forme d’un manche intégré à chaque siège. La manette des gaz est située avec celle du pas d’hélice entre les deux sièges. Une commande des aérofreins est située à chaque place, sur la cloison en dessous de la verrière.

Assemblé en 1985, le G-CHYB a été acheté en Allemagne six ans auparavant. Cet après-midi du mois d’août, le propriétaire du motoplaneur emmenait avec lui un potentiel nouvel acquéreur, un instructeur planeur avec plus de 8.000 heures de vol. Assis en place droite, le passager ne disposait pas d’expérience sur motoplaneur.
Le propriétaire, commandant de bord, totalise plus de 1.500 heures d’expérience dont 170 sur son Grob G109B. Il est également instructeur vol à voile. Après avoir décollé d’Aston Down, le duo effectue un vol d’une heure environ. Le propriétaire passe les commandes au passager qui manœuvre le motoplaneur jusqu’en finale sur l’aérodrome de départ. L’idée était d’effectuer une approche sans moteur et d’utiliser les aérofreins pour contrôler le taux de descente.
Le passager tenait alors le manche de la main droite et la manette commandant le moteur de la main gauche. Depuis sa position, la commande des aérofreins se situe à droite. Le passager change alors de position : sa main gauche se porte sur le manche quand la droite se déplace sur la commande des aérofreins à droite, dans un schéma inversé de celui dont il a l’habitude assis en place gauche.
En finale, le vent est du 220 pour 15 kts, avec des rafales à 20 kts et des turbulences associées. A 100 ft sol, le passager a senti alors qu’ils étaient sous le plan d’approche. Il pense alors effectuer les corrections nécessaires. Mais le motoplaneur pique brutalement et percute des arbres 1,5 seconde plus tard. Le Grob G109B termine sa course sur l’autoroute A419 qui passe à proximité du seuil de piste. Le motoplaneur est structurellement abîmé et les deux pilotes blessés.

Le propriétaire du motoplaneur parvient à s’extraire de l’épave. Le passager, lui, sera désincarcéré par les pompiers qui l’emmèneront à l’hôpital où il sera opéré de la colonne vertébrale.
Lors de son audition, le passager dit avoir piloté 140 types de planeurs différents. Il a déjà piloté un Grob 109 et possède une part d’un Slingsby T21, également biplace en tandem. Il a le plus souvent piloté ces deux modèles de la place gauche, mais le passager précise avoir un peu d’expérience du pilotage avec le manche dans la main gauche.
Dans les planeurs en tandem conventionnels, les commandes sont du même côté pour la place avant comme pour la place arrière.
En plus des auditions, les enquêteurs parviennent à récupérer de l’épave le Flarm et ses données enregistrées du vol. Ils ont pu récupérer également des données ADS-B issues du système PilotAware Rosetta. Ils récupèrent enfin une vidéo prise depuis le club de vol à voile de l’aérodrome.

En compilant et analysant ces données, les enquêteurs du Air Accidents Investigation Branch (AAIB) concluent que, lors de l’approche, le passager qui pilotait est revenu à un schéma qu’il connaissait, par habitude. L’analyse de l’épave de l’avion n’a pas révélé de dysfonctionnement ayant pu entraîner un accident.
« Sa pratique habituelle aurait donc été d’effectuer les ajustements de contrôle de l’assiette avec sa main droite et les ajustements du taux de descente avec sa main gauche. Si le motoplaneur était sous le plan en approche, l’ajustement requis aurait été de réduire le taux de descente en rentrant les aérofreins, puis de compenser la vitesse en augmentant légèrement l’assiette. Cela nécessiterait une pression ferme sur la commande d’aérofreins et une petite action sur le manche. »
Les enquêteurs estiment alors qu’il est probable que les habitudes bien ancrées chez le pilote l’ont amené à appliquer les bonnes corrections mais sur les mauvaises commandes.
« Il a donc poussé fermement avec sa main gauche, s’attendant à ce que l’aérofrein se rétracte, tout en tirant avec sa main droite pour augmenter l’assiette. » Le motoplaneur s’est alors mis à piquer fortement et les aérofreins déployés ont augmenté le taux de descente. Enfin, un autre facteur humain serait entré en jeu à ce moment précis. L’effet de surprise aurait, selon les enquêteurs, empêché les deux pilotes pourtant très expérimentés, d’apporter les actions correctives qui auraient pu éviter l’accident.
Enfin, les enquêteurs relèvent qu’il n’existe pas d’obligation d’entraînement ni d’expérience de pilotage depuis la place droite dans la réglementation de la British Gliding Association (BGA) ni de la Civil Aviation Autority (CAA), le régulateur britannique de l’aviation civile.
Pour lire le rapport d’enquête de l’AAIB.