L'Airbus A330 de Swiss a dû faire demi-tour au-dessus de la Manche pour finalement se poser sans encombres à Paris-Charles de Gaulle. © Swiss
Au décollage depuis Zurich, l’équipage d’un A330 de la Swiss perçoit au roulage une odeur de goudron chaud puis, en montée, de chaussettes sales. Le personnel de cabine se plaignant de maux de tête et d’irritation des yeux, la décision est prise de faire demi-tour. Mais les cagoules de protection contre les fumées ne facilitent pas la tâche du personnel de cabine.
Le 11 juillet 2023, un Airbus A330-343 opéré par Swiss roule en direction de la piste. 2 pilotes sont à bord, 10 personnels de cabine et 223 passagers. Au roulage sur le taxiway, les pilotes perçoivent une odeur de goudron chaud. Comme la température extérieure atteignait 38°C, l’équipage attribue cette odeur à la surface du taxiway.
L’A330 décolle de Zurich, direction Newark, aux États-Unis. Les packs d’air conditionnés sont arrêtés puis, pendant la montée vers le FL340, le pack 2 est mis en route. Aussitôt, les deux pilotes perçoivent une odeur leur rappelant celle de « chaussettes sales ou de cave humide. » Le personnel de cabine fait part au commandant de bord de sensation de maux de tête accompagnés de brûlure et d’irritation des yeux.
Etabli au FL340 au-dessus de la Manche, l’équipage prend la décision de rebrousser chemin et passe un message d’urgence. Les pilotes revêtent leur masque à oxygène et initient la descente vers Zurich. Les deux cheffes de cabines donnent l’ordre à l’ensemble du personnel de cabine de revêtir un dispositif respiratoire portatif de protection, le PBE (Protective Breathing Equipment).
Mais plusieurs membres du personnel de cabine éprouvent de grandes difficultés à sortir les PBE de leur enveloppe et certains sont cassés avant d’avoir pu être utilisés. Pour d’autres, le port du PBE est particulièrement inconfortable et jusqu’à la respiration qui devient difficile.
A cause d’une météo dégradée sur Zurich, l’A330 se déroute sur l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle où il atterrit après 2 heures de vol. Au final, personne n’a été blessé.
Toutefois, le service suisse d’enquête de sécurité a été notifié de cet incident grave et a ouvert une enquête.
Le rapport d’enquête s’intéresse d’emblée aux systèmes de l’avion. « Les deux moteurs, le groupe auxiliaire de puissance et divers composants du système de purge d’air du HB-JHL, qui auraient pu être liés à l’odeur et aux douleurs physiques perçues par l’équipage, ont été inspectés et examinés après l’accident. Aucune irrégularité n’a été constatée. L’avion a été remis en service après avoir reçu l’autorisation de l’organisme de maintenance. Aucun incident similaire n’a été constaté par la suite. »
Puis les enquêteurs se tournent vers les dispositifs de protection individuels. Les PBE sont des dispositifs portatifs constitués d’une cagoule intégrale et d’une cartouche à oxygène. Leur utilité première est de permettre au personnel de cabine de localiser et combattre les feux qui se seraient déclarés en vol. Les normes de certifications européennes précisent qu’il doit y avoir à bord autant de PBE que de personnel de cabine. Le PBE doit pouvoir être revêtu en 15 secondes et doit apporter suffisamment d’oxygène pour une personne pendant 15 minutes.
Les PBE à bord de l’A330 provenaient d’un lot numéro 119003-21 fabriqué par Collins Aerospace.
L’avion HB-JHL contenait au total 13 PBE, qui ont été fabriquées en 2017. Au cours de l’incident grave, sept PBE ont été déployées, c’est-à-dire qu’ils ont été retirés de leur emballage, mis en place et activés par les membres du personnel de cabine.
Après l’incident graves, ces PBE ont été examinées. Deux d’entre eux présentaient de sévères détériorations qui, selon le rapport d’enquête, « ne peuvent être attribuées à une mauvaise utilisation » de la part du personnel de cabine. La visière en polycarbonate de l’un des PBE présentait une fissure sur une partie de sa hauteur. La fissure a été remarquée par une hôtesse lorsqu’elle a sorti le PBE de sa protection. Pour l’autre, c’est l’attache qui permet de maintenir la sangle autour du PBE qui a été arrachée.
A la suite de cet incident grave, dans le cadre de l’enquête, l’office fédéral a mené des tests avec 6 personnels de cabine pour déployer des PBE identiques. Il a fallu 78 secondes en moyenne (entre 41 et 121 secondes) aux testeurs pour activer le PBE. Mis à part un champ de vision jugé optimal, tous ont rapporté avoir éprouvé des difficultés pour ouvrir la pochette du PBE, pour respirer et communiquer une fois le dispositif porté.
A bord de l’A330 de la Swiss, deux PBE ont dû être ouverts à l’ai de couteaux, le sac sous vide les contenant refusant de s’ouvrir.
En 2023, l’équipage d’un Airbus A220 de la même compagnie avait rencontré un problème similaire d’odeur dérangeant à bord. Les PBE étaient également similaires et une hôtesse avait rapporté avoir eu de grandes difficultés à ouvrir le dispositif.
Dans ses conclusions sur l’enquête, l’office fédéral suisse enjoint l’Agence européenne pour la sécurité aérienne, en coordination avec la Federal Aviation Administration, à vérifier que les PBE fabriqués par Collins Aerospace ne présentent pas de défauts et qu’ils soient déployable dans un « laps de temps raisonnable. »
Les enquêteurs rappellent aussi que, bien qu’il soit compliqué d’inspecter et de vérifier le bon fonctionnement d’un dispositif prévu pour une seul utilisation, il serait bon de mettre en place un suivi non destructif qui permettent d’attester l’intégrité du PBE.
En outre, les enquêteurs font remarquer que, lors de l’entraînement initial et récurrent du personnel de cabine sur le maniement des PBE, ceux employés à cet effet ne sont pas équipés d’un dispositif générant de l’oxygène. Les PBE sont déjà sortis de leur enveloppe protectrice et prêts à être installés. Il est donc essentiel pour les enquêteurs que la formation soit faite sur des dispositifs similaires à ceux présents à bord des avions, de manière à être au plus près de la réalité et d’éviter les mauvaises surprises.